L’Aveyron ça sonne bien avec vigneron mais c’est un pays plus connu pour ses hautes terres, monts d’Aubrac et Grands Causses, pays d’élevage où sont nés des fromages renommés : le Roquefort et le Laguiole. Et pourtant les vignes se sont agrippées aux pentes modelées à la force des bras, murets de pierre sèche et escalier de géants en témoignent. Bien sûr, lorsqu’ils sont restés au pays les aveyronnais sont plus paysans et éleveurs que vignerons, mais comme ceux qui sont montés à la ville ce sont des entreprenants, âpres à la tâche, mais soucieux de leur pays, de leur terre. Ici la vigne se jardine. Comme elle n’est pas dominante elle s’accroche, s’insinue dans le paysage, voisine des sites remarquables : le château d’Estaing et l’Abbaye de Conques dont le cartulaire fait état dès le Ixe siècle des premières terres à vigne s’élevant sur les terrasses du Fel... Vignoble enclavé, tourné sur lui-même, méconnu ou même décrié, paradoxalement il fait parti de ceux dont l’avenir est bien plus assuré que celui de grande mer de vignes plus connues, plus renommées.
Pourquoi me direz-vous ? Tout bêtement parce que l’Aveyron est un pays vert, accueillant, où la table est fort bien garnie d’une cuisine simple, nature, de caractère et goûteuse. La recherche de l’authentique sans les fioritures de ceux qui le vendent au mètre, sur affiche ou papier glacé, conduisent ceux qui mettent leurs actes en harmonie avec leurs paroles à y venir d’un coup d’aile ou via le viaduc de Millau. Certes tout n’est pas parfait en Aveyron, mais sous l’impulsion d’hommes comme André Valadier et Christian Valette qui font leurs produits à la fois avec leur cœur mais aussi avec le souci de générer et de garder de la valeur au pays, la tendance productive pourra s’infléchir. Loin des batailles médiatiques qui servent plus le cursus politique de certains, celle-ci est plus modeste, moins spectaculaire, mais bien plus en phase avec une réelle demande sociale. Faire de bons produits, les faire apprécier in situ tout en les mettant à la portée des urbains comme l’a montré la mise en avant au restaurant du Ministère de l’Agriculture, rue Barbet de Jouy, des produits de la filière bleue, blanc, cœur. La bataille du mieux manger se gagnera de cette matière intelligente et pragmatique. J’y reviendrai dans une future chronique.
Et les vins dans tout cela ? On pourrait me rétorquer que cette belle mosaïque de plateaux entaillées par de multiples cours d’eau, avec de terribles dénivellations, où les parcelles sont forcément petites, à hauteur d’home, sans jamais écraser le paysage, n’est pas forcément synonyme de bons vins. J’en conviens mais cette poignée d’hectares 20 pour le VDQS d’Entraygues et de Fel, 19 pour le VDQS d’Estaing, 57 pour les Côtes de Millau, 200 pour l’AOC Marcillac et quelques arpents pour les anciens vins de pays de l’Aveyron, a de l’avenir et si, les droits de plantation de la vigne venaient à ouvrir un peu plus la porte, non pas à la libéralisation – sacrilège absolu pour tous les libéraux de la vigne – à une gestion plus intelligente de l’adaptation de l’offre à une réelle demande marchande, ces ont de l’avenir par leur bonne adéquation avec l’image de leur pays. Bien sûr ce ne sont pas des grands vins mais des vins qui seront bus et qui rendront joyeux et heureux ceux qui les auront bus. Le vin n’est pas qu’un produit d’admiration, d’adulation pour grands amateurs c’est, ou ça devrait être avant tout un produit de partage et de convivialité.
Alors, comme ce n’est pas profession, je mets au défi les dégustateurs patentés d’aller trainer leur longs nez dans les chais aveyronnais. Pour ce faire je leur joins, les cartes et la liste des vignerons. Paris-Rodez est desservi par Air France la virée peut se faire en deux ou trois jours. Pas un très gros investissement pour nos revues spécialisées, faisable non ! Pour ma part j’ai chroniqué sur un humble vin de pays celui de Patrick Rols link et si certains audacieux veulent se risquer jusqu’en Aveyron je peux leur servir de GO, le service étant compris bien sûr. Au plaisir de vous lire chers confrères.