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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 00:09

Je vous préviens : ceci n’est pas une histoire belge, même si elle vous paraît à dormir debout, c’est la seule manière que j’ai trouvé pour contribuer à cet étrange Vendredi du Vin où je ne sais s’il faut mettre le vin dans le mets ou l’inverse c’est-à-dire mettre le mets dans le vin. Comme je n’ai pas de chef préféré, je ne me voyais pas me pointer, la gueule enfarinée, chez le premier maître-queue  venu, en lui tendant une boutanche de derrière les fagots et lui dire « vas-y cuistot ! » Je n’ai pas envie de me faire embrocher.


Alors pour me sortir de ce guêpier je me suis dit tu vas inventer une histoire, le genre Grand Guignol, et ça s’intituleras « ça va avec tout madame… »


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Scène 1 : Bordeaux la nuit la veille de Bordeaux fête le vin


« Sous ses airs de métropole, Bordeaux vivait comme un village. Le vieux Bordeaux dormait paisiblement. Pas un bruit, pas un cri. Tout semblait harmonieux, policé, feutré. Le moindre faux pas résonnait dans un silence minéral. »


Scène 2 : Aujourd’hui Bordeaux fête le vin, c’est le matin…


49631_100001497890487_4914_n.jpg                                                photo de Lucie Bonvin sur Face de Bouc

 

De bon matin, « Aux dames de France », à l’heure d’ouverture, Lucie Bonvin*se mettait en quête de trouver la tenue qui, selon ses dires, lui irait le mieux pour aller au dîner auquel elle est conviée par le CIVB pour fêter le vin dignement. Elle vaguait entre les présentoirs sans trop savoir ce qu’elle cherchait. Elle tripotait les tissus, trifouillait dans les piles, s’immobilisait les yeux en l’air pour tenter de rompre son indécision quasi-pathologique. La Bonvin, comme son mari ne cessait de lui seriner, n’avait aucun sens de l’appariement entre les couleurs, les carreaux, les rayures, le chiné, le plissé, le gaufré, le tweed, l’organza, le seersucker, l’organdi, le crêpe georgette, la flanelle, le taffetas, le tulle, la popeline, la gabardine, le tulle (attention sans majuscule), la cretonne, le satin, le pongé, le linon, le velours, la serge, le vichy (sans majuscule), l’ottoman, le jacquard, la moire…. Et son homme de conclure « qu’elle était vraiment une poire… »


Bref, la jeune rombière qui voulait plaire à sa moitié se décida à jeter son dévolu sur une vendeuse qui se faisait les ongles, assise sur un tabouret, dans un coin reculé du magasin. « Puis-je, vous déranger ? » osa-t-elle timidement. La donzelle lui jeta un regard noir, souffla sur ses ongles tout aussi charbonneux, mais avec des paillettes argentées, s’ébroua et, d’un geste ample, elle indiqua à la pauvre Bonvin l’étendue du choix que lui offrait le magasin. Commença alors un étrange ballet suivant un rythme à 4 temps :


1/ la Bonvin extrayait d’un présentoir une pièce au hasard,

2/ la posait sur sa silhouette,

3/ s’enquérait auprès de la nénette préposée à la vente : ça me va ?

4/ réponse invariable de la susdite : ça va avec tout madame !


La pauvre Bonvin, à  plusieurs reprises, en essayant de vaincre sa timidité, balança de lui objecter qu’elle n’était pas tout, même si elle pensait qu’elle n’était rien. Désespérée, avant de craquer pour la première toilette venue, elle prit son courage à  deux mains et laissa en plan la greluche qui s’en retourna vaquer à ses occupations : attaquer le vernis de ses ongles de pieds !

Clap de fin !


Scène 3 : Bordeaux fête toujours le vin… la fin de matinée chez un marchand de vin


-          Bonjour madame Bonvin, qu’est-ce-qui vous amène ?

Note de l’auteur : d’ordinaire c’est monsieur Bonvin qui mène les opérations d’achat chez le dit marchand de vins pendant que madame Bonvin se contente d’observer le bout de ses pieds.

-          Bonjour monsieur Merlo, je voudrais un vin qui aille avec tout…

Note de l’auteur : le marchand de vins désarçonné par cette étrange requête, ne voulant cependant pas perdre la face, fit face de la plus simple des façons en lui répliquant :

-          J’ai exactement ce qu’il vous faut : un Grand Vin de Bordeaux madame Bonvin.

Note de l’auteur : dans l’AOC Bordeaux tous les vins sont étiquetés Grand Vin de Bordeaux.

 

Clap de fin !

 

Scène 4 : Bordeaux fête encore le vin… début d’après-midi chez les Bonvin

 

J’ai omis de vous préciser deux choses : la première c’est que Lucien Bonvin exerce la noble profession de critique gastronomique sous un pseudonyme car son patronyme risquerait de l’exposer aux quolibets ; la seconde c’est qu’afin de ne pas froisser, mettre le CIVB dans l’embarras, je ne préciserai, même sous la torture, ni le nom de l’appellation, ni celle du château, qui vont avec tout, que le sieur Merlo a fourgué à madame Bonvin. Je laisserai ce soin à Lucie Bonvin.


Donc madame Bonvin retrouve monsieur Bonvin at home et lui tend le Grand Vin de Bordeaux qui va avec tout :


-          Chéri que ferais-tu comme plat avec ce vin ?

-          Que me racontes-tu là bougresse ! Tu poses mal les termes de l’équation : c’est le vin qui accompagne le plat et non l’inverse…

-          Je ne comprends pas chéri puisque monsieur Merlo m’a confirmé que ce Grand Vin de Bordeaux va avec tout  l’ordre des facteurs importe peu…

-          Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Depuis quand ce marchand vins sait faire autre chose que vendre du vin ?

-          Mais chéri toi aussi tu vends des critiques gastronomiques alors que tu ne sais même pas faire cuire un œuf…

-          Moi je suis un esthète ma chère nul besoin de tenir une queue… de casserole pour savoir goûter…

-          D’accord mon chéri mais puisque tout le monde reconnaît que tu sais si bien faire l’accord des mets et des vins pourquoi tu te refuses à trouver chaussure à son pied à mon Grand Vin de Bordeaux ?

-          Pour une question de principe avec un grand P : dans la haute cuisine les clients choisissent d’abord les plats puis se font fourguer le vin qui va avec par un type qui porte une veste noire avec une grappe dorée à la boutonnière et qui effectuera toutes les simagrées inscrites au grand livre de la Sommellerie pour que les quidams puissent se prendre pour des connaisseurs…

-          Je te trouve dur mon Lucien !

-          Non, je tiens entre mes mains la tradition.

 

Clap de fin !

 

Scène 5 : Bordeaux fête encore et toujours le vin… milieu de l’après-midi chez un maître-queue

 

Femme insatisfaite à la maison va chercher autre larron : Lucie Bonvin s’absenta donc du nid conjugal pour se rendre, sa bouteille de Grand Vin de Bordeaux à la main, chez un maître-queue de sa connaissance avec qui elle s’initiait aux métiers de bouche. Avec lui, l’accord Vin-Mets fut très vite fait. D’autres accords, plus enivrants, plus extatiques, les attendaient. En trois coups de cuillère à pot il déclara à la gente dame aux attraits pigeonnant : « nous allons faire un  Bœuf Bourguignon avec ton Grand Vin de Bordeaux… » Ce qui fut fait par d’autres pendant qu’eux faisaient ce que d’autres ne pouvaient faire à leur place…

 

Épilogue : Bordeaux fête encore et toujours et encore le vin… la nuit est tombée sur les Quinconces

 

Au dîner des autorités, Lucie Bonvin, placée entre le maire* et Noël Mamère, avant d’attaquer le dessert, face à un Lucien Bonvin vénère, d’une voix haut perchée, entreprit d’expliquer à la tablée comment elle avait su apparier un Mets avec un Grand Vin de Bordeaux. Elle fit à la manière de Françoise Bernard en énonçant les ingrédients : prenez un Cheval Noir dans lequel vous plongez un bœuf de Bazas, puis faites mijoter le tout pendant des heures à feu doux, puis servez avec un Cheval Blanc. Cet étrange salmigondis fit sourire le maire, ce qui était un exploit en soi. Mamère, toujours vert, lui demanda si tout cela était bien bio. Lucie Bonvin, légèrement pompette, se leva, monta sur sa chaise, dévoilant sous sa jupette plissée des cuisses bien bronzées, pour proclamer qu’elle avait concocté, avant cette belle soirée, un Bœuf Bourguignon au Grand Vin de Bordeaux et que l’avantage d’un Grand Vin de Bordeaux c’est que ça allait avec tout…


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Les flashs crépitèrent. Les micros se tendirent. Les caméras s’approchèrent. Lucie Bonvin fit un tabac dans les médias. Elle répéta à l’envie son étrange addition d’un Cheval Noir, d’un Bœuf de Bazas et d’un Cheval Blanc. Jamais on n’avait autant parlé du Vin. Hervé Lalau qui rodait dans le marigot fut le premier à demander à la dame en jupette plissée « Pourriez-vous préciser ? » Impressionnée par tant de hardiesse la dame rougit mais, en tirant sur l’ourlet de sa jupe plissée, elle lui déclama la liste du liquide et du solide, comme dirait le Vincent Pousson, nécessaire à la préparation de cette recette révolutionnaire.

 

1-      Château Cheval Noir Cuvée Le Fer Saint Émilion Grand Cru.

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2-      Gîte à la noix, gîte, paleron, basses côtes, collier, d’un Beau Bœuf de Bazas.


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3-      Château Cheval Blanc 1ier Grand Cru Classé de Saint- Émilion.


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Morale de l’Histoire : rien ne vaut un bon 5 à 7 pour concocter une recette où le Vin tient haut la main la direction des opérations. Et comme le chantait Brassens « les braves gens n’aiment que l’on suive une autre route qu’eux… »

 

Vive Bordeaux fête le Vin ! Vive Lucie Bonvin ! Vive les Vendredi du Vin !

 

Signé : un Taulier éméché sans soufre

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commentaires

E
<br /> C'est hautement décadent, ce texte, on se dirait dans Les copains de Jules Romains ;-)<br />
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