Le titre de l’opus de Zeng Ruolin « Les Chinois sont des hommes comme les autres » chez Denoël attire de suite l’attention. Je l’ai feuilleté, lu quelques passages, et je l’ai acheté 22€. J’espère que nos belles interprofessions, qui ont pour vocation d’éclairer l’avenir, y’en a même une qui affiche que ses vins regardent vers l’avenir, feront de même. Ce conseil s’adresse aussi à tous ceux, vignerons, négociants ou journalistes, qui ont les yeux rivés sur la Chine.
L’auteur Zheng Ruolin, avec humour, sans détour, dépasse les clichés pour aborder tous les aspects de la vie quotidienne des Chinois. Ce qu’ils pensent, redoutent, désirent consomment à Pékin ou Shanghai ou dans les campagnes. « 56 ethnies différentes avec leurs langues, leurs coutumes, leurs cultures, leurs traditions et leurs religions différentes. Un arc-en-ciel de peuples. »
« Et ce n’est pas tout.
Qu’on traverse le pays du nord au sud ou qu’on suive ses fleuves et ses rivières qui coulent tous d’ouest en est vers la mer, force est de constater que l’ethnie majoritaire, les Han, dont sont issus 90% des citoyens chinois, constitue elle-même un gigantesque puzzle. Au cours de ses pérégrinations, un Shanghaïen ne comprendra pas un traître mot de ce que lui dira un Cantonais dans son dialecte, et un habitant de Tianjin, ville côtière du Nord-Est, sera bien en peine de renseigner un compatriote venu du Hubei, province du centre du pays, lui demandant son chemin. Ce dernier sera incapable de converser avec un Mongol ne parlant que sa propre langue. La situation devient ubuesque à l’assemblée régionale du Xinjiang, la province autonome du Nord-Ouest où vivent 20 millions de personnes appartenant à treize « nations » différentes, telles les Ouïgours, les Kazakhs, les Kirghizes, les musulmans, les Mongols, les Russes, les Ouzbeks, les Han, etc. Il est donc nécessaire de procéder à une traduction simultanée de tous les débats dans les cinq langues suivantes : suivantes : le mandarin, l’ouïghour, le kazakh, le mongol et le kirghiz, pour permettre aux représentants présents de participer aux discussions ! »
Bilan officiel « plus de 80 langues orales et une trentaine de langues écrites »
Comme le dit bien la 4e de couverture Zheng Ruolin aborde les préoccupations des Chinois « Ainsi saura-t-on ce que se racontent les 500 millions d’internautes du pays, à quoi rêvent les amoureux de Canton ou d’ailleurs, ce que révèle l’âme chinoise la nourriture familiale ou les menus des restaurants, ce que signifie la possession d’un logement ou d’une automobile… »
Zheng Ruolin est journaliste, écrivain et traducteur. Il est depuis de nombreuses années le correspondant à Paris du Wen Hui Bao, quotidien national publié à Shanghai, et du Wen Wei Po, quotidien publié à Hong-Kong. C’est un blogueur très lu dans son pays natal. Il est francophone, marié à une écrivaine chinoise et son père fut le traducteur de Balzac et d’autres auteurs français en Chine.
Alors comment comprendre les Chinois ? Sont-ils en train de changer aussi profondément que leur pays ou vont-ils rester « semblables, immuables, tels qu’une histoire millénaires » les ont modelé ? se demande Zheng Ruolin.
Pour répondre à cette difficile question il cite Hong Beng Kaw, grand écrivain chinois du XIXe siècle « qui maîtrisait parfaitement neuf langues occidentales anciennes et modernes dont l’anglais, le français, l’allemand, le latin et le grec ». Pour lui pour comprendre les Chinois et appréhender leur civilisation il faut posséder tout ensemble :
- Un esprit profond
- Un esprit large
- Et un esprit pur.
Il ajoutait une quatrième qualité indispensable : un esprit sensible.
« Il pensait que c’était là les traits de caractères fondamentaux de ses compatriotes. »
« Le problème, assurait-il ensuite non sans malice, c’est que les Occidentaux n’ont que peu de chances de connaître véritablement les Chinois car :
- Les Américains ont un esprit suffisamment large et pur, mais pas profond ;
- Les Anglais ont un esprit profond et pur, mais pas suffisamment large ;
- Les Allemands possèdent un esprit large et profond, mais pas suffisamment pur ;
- Quant au Français, jugeait-il, ils ont un esprit moins profond que les Allemands, moins large que les Américains, et moins pur que les Anglais, mais ils sont beaucoup plus sensibles que tous les autres. »
Zheng Ruolin, très innocemment, mais avec une petite idée sur la réponse, se pose la question « dans cette période de mutations profondes et accélérées qui caractérise la Chine d’aujourd’hui, la sensibilité ne serait-elle pas la qualité primordiale pour appréhender la portée des immenses changements en cours »
Et de raconter une petite histoire : celle de l’idiot qui participe à une excursion « à la fin de la journée, il est tenaillé par une faim atroce. Apercevant une pâtisserie où l’on vend des galettes, il s’y précipite et en achète une. Malgré son prix élevé, il doit admettre qu’il a toujours aussi faim après l’avoir dévorée. Il en demande donc une autre, puis une troisième, une quatrième, une cinquième et une sixième sans se sentir rassasié. Ce n’est qu’à la septième galette, alors qu’il n’a plus un sou vaillant en poche, qu’il se sent le ventre plein. Alors, furieux, il s’en prend au pâtissier : « Pourquoi m’avez-vous fait gaspiller mon argent pour acheter six galettes qui n’ont servi à rien alors que la septième aurait suffi à apaiser ma faim ? »
Que va répondre l’Américain, l’Anglais, l’Allemand et le Français bien sûr ?
Pour avoir les réponses reportez-vous à la page 17 du livre de Zheng Ruolin… ou alors imaginez-les chers lecteurs… Bien évidemment celle du Français est d’une grande pertinence… Affaire à suivre sur mes lignes…