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21 août 2011 7 21 /08 /août /2011 00:09

Retrouver Paris, marcher dans Paris, déjeuner, dîner, prendre un verre en des lieux où j’avais des souvenirs, aller au cinéma, entrer dans des galeries, flâner sur les quais pas encore défigurés par la voie express rive gauche chère au Président Pompe, loin de m’apaiser, aiguisait mon envie de vraiment monter d’un cran la hausse de ma sale vie : je n’allais pas partir rejoindre Chloé en Italie, comme ça, les mains dans les poches, pour voir, simple spectateur d’un jeu dont j’évaluais encore mal la mise. Francesca m’accompagnait le plus souvent silencieuse. Je sentais qu’elle ne voulait pas interférer dans mes choix, peser sur ma décision. Sa part de soumission s’avérait bien plus forte que ce que certains s’échinent toujours à qualifier d’amour. Oui nous étions bien ensemble, nous avions des souvenirs communs, nous aimions faire l’amour, mais nous ne nous voyions pas ni l’un ni l’autre passer notre vie ensemble. Nul besoin de mots pour sceller notre pacte, nous suivions chacun notre aire heureux que nos routes se croisent puis divergent sans autre dessein que de nous aimer simplement. Le grand homme avait pris acte, avec tristesse, qu’il ne mènerait pas à son bras Francesca jusque devant monsieur le Monsieur le Maire, qu’il ne nous verrait pas lui faire des petits-enfants, qu’il ne lui restait plus qu’à faire en sorte que nous ne rompions pas le lien qui lui était cher. L’avantage avec les anciens des réseaux de la Résistance c’est qu'il leur était toujours possible d’actionner le bon camarade au bon moment au bon endroit et atteindre ainsi les vrais barons du gaullisme. Il se mit donc à ma disposition et je pus ainsi reprendre langue discrètement avec la Grande Maison qui, même si ça va vous étonner, me payait encore rubis sur l’ongle mon traitement de fonctionnaire même si elle avait perdu ma trace depuis plusieurs années.

 

Le grand homme connaissait la musique de la clandestinité. Il plaça de nombreux sas entre ses contacts et moi. Je me devais de prendre beaucoup de précautions avant d’accepter le premier contact physique car il était vital pour moi que mes « amis » américains ne viennent pas profiter de l’occasion de mes retrouvailles avec la Grande Maison pour venir de nouveau fourrer leur groin dans mes petites affaires. La Grande Maison était un véritable gruyère plein de petites souris et de gros rats prêts à lâcher une info pour une belle poignée de dollars. L’anti-américanisme primaire du Général n’avait en rien entamé les liens très étroits entre les services des deux pays car la présence en France d’un PCF, puissant et inféodé à Moscou, relayé par une forte CGT implantée dans les bastions des entreprises publiques stratégiques, les cimentaient puissamment. L’anticommunisme viscéral, obsessionnel, de beaucoup de cadres permettait bien des arrangements. Il me fallait jouer essentiellement de mon savoir-faire et de ma capacité à m’infiltrer facilement dans les réseaux forts compliqués de l’extrême-gauche italienne, pour que ces atouts soient pris en compte par ceux qui savaient investir dans les dossiers lourds, ceux qui peuvent servir à moyen et long terme. Dans la Grande Maison, les accumulateurs de fiches et de dossiers sur les personnalités politiques, du monde des affaires et du spectacle se contrefichaient de la situation intérieure de nos voisins italiens mais ils ne cracheraient pas sur du matériau lourd en provenance de la Péninsule qui pourrait leur servir de monnaie d’échanges pour obtenir de nos amis américains des renseignements compromettants les dites personnalités. Le billard à quatre bandes constituait le terrain de jeu préféré de ces fouilleurs de merde et, comme ma réputation en ce domaine restait bonne auprès d’eux, je me devais de leur faire savoir que moi aussi je les tenais par les couilles. Avec ce ramassis de planches pourries la délicatesse n’était pas de mise.

 

Chemin faisant, alors que Francesca et moi déjeunions chez Ledoyen, en observant les tablées voisines peuplées exclusivement de ventripotents, couperosés, légion d’honneur au revers, j’en étais arrivé à une conclusion qui peut paraître paradoxale de prime abord : le meilleur moyen de me préserver de mes prédateurs était de m’afficher dans les lieux où se font les affaires, c’est-à-dire là où l’on achète tous ceux qui sont prêts à se vendre, en exhibant l’épaisseur de mon portefeuille. Je me replacerais ainsi dans un jeu que j’avais pratiqué avec brio en compagnie de Chloé. La fièvre de l’immobilier n’étant pas retombée j’allais faire un come-back dans ce beau marigot qui n’étonnerait personne. Tout bénéfice : mes amis américains jugeraient favorablement ma capacité de rebond car ils n’aiment rien tant que les mecs qui font du fric en venant de rien ; mes commanditaires français qui verraient en moi à la fois une source de revenus complémentaires  et un bon investissement dans un milieu où les affaires de cul sont légion. Au dessert je fis part à Francesca de mon projet de rouvrir ma petite officine de pêche en eau trouble. Elle m’écouta avec attention, ne posa aucune question, me tendit la main en affirmant « alors 50/50 !

- 50/50 de quoi Francesca ?

- de la mise de fonds initiale...

- mais j’ai tout ce qu’il faut...

- moi aussi prétentieux !

- et tu sors ça d’où belle tourterelle ?

- de ma fortune personnelle...

- et tu la planques où ta fortune personnelle ?

- comme tout le monde au Chili, je veux dire tous les gens comme nous, dans de belles banques suisses avec des comptes numérotés...

- tu m’en diras tant cachotière...

- je ne t’ai rien caché puisque tu ne m’as rien demandé...

- il faut toujours se méfier des oies blanches...

- je ne suis pas une oie blanche grand macho !

- tu es quoi douce caille ?

- une redoutable femme d’affaires qui va bousculer tous ces gras du bide...

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