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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 07:00

Ce nous me plut car il recouvrait un périmètre très flou. J’assurai Octave de mon entière collaboration. Ce serment d’allégeance lui tirait un petit sourire pincé. « Ne jouez pas trop perso sinon je ne vous garantis rien... » Mon air las et désabusé fut ma seule réponse qu’il reçut avec fatalisme. Des garanties, et pourquoi pas des assurances, Lebon jouait dans un registre qui collait mal à la situation. Le Cognac se révélait acceptable. Je me sentais bien. C’est alors que Victorine se pointa simplement vêtue d’un grand pull de laine qui recouvrait ce qu’il devait recouvrir. Lebon ne savais pas quel parti prendre. Je le soulageais. « Vous faites le voyage avec une collaboratrice... » Il transpirait en opinant sans beaucoup de conviction. Victorine s’asseyait à califourchon face à moi. « Tu ne me présente pas ? » Octave bredouillait, s’empêtrait, je volais à son secours « je fais dans l’import-export et je me rends à Milan » Elle me tendait la main. Je la lui serrais. L’encolure en V de son pull avait une forte tendance à glisser sur son épaule gauche dévoilant ainsi un de ses seins. Le Contrôleur Général ne goûtait qu’à demi la tournure prise par les événements mais, privé de sa capacité d’initiative, il rongeait son frein avec superbe. Le petit numéro de Victorine était prévu dans notre scénario : Lebon était ainsi en compte avec moi, madame Lebon, pharmacienne de son état, n’apprécierait que très modérément la place occupée par l’aguichante Victorine. Après avoir bu un soda elle nous quittait en ondulant gentiment de la croupe. Lebon était en nage. « Vous la trouvez comment ? » chuchotait-il en reprenant ses esprits. « Craquante ! » Il soupirait « À mon âge je n’en espérais pas tant... » Je captais dans son regard une supplique. Le train s’ébranlait. « Soyez sans crainte, monsieur le Contrôleur Général, je garderai tout ça pour moi. » Le con soupirait d’aise alors que je lui serrais sa main moite.

 

Qu’en avais-je à foutre au fond de moi des derniers feux d’un vieux flic qui, tout au fond de lui, vivait assez mal de ne jamais avoir occupé des postes de premier plan à la hauteur de ses ambitions ? Pas grand-chose, sauf que je continuais à faire comme si mes faits et gestes avaient un sens. En fait, je continuais d’avancer sans bien savoir où je voulais en venir. Ce n’était pas nouveau mais je commençais vraiment à fatiguer. J’étais las, las de tout à un point que j’en arrivais à souhaiter que tout ça s’arrête sans que j’ai à en prendre la décision. Chien crevé au fil de l’eau j’avais parfois hâte d’arriver à l’estuaire pour me fondre dans l’immensité de mon inutilité. Là où j’allais je pressentais que tel serait sans doute mon destin. Assis sur la lunette des chiottes de mon wagon de 2de je rêvais d’une grande table avec plein de mouflets autour et je n’arrivais même plus à pleurer. La perspective de me retrouver sur le bat-flanc de ma couchette en compagnie des gnards et de leurs parents me déprimait plus encore. Il me fallait de la chaleur. Je graissais la patte au chef de train de la CWLT et j’emménageais dans un single dans le même wagon que Victorine et Lebon. Le train se traînait. Je sortais dans le couloir en caleçon fumer une cigarette. Au dehors l’obscurité absorbait le paysage. Le cœur de la nuit, ces heures que l’on vit rarement éveillé, vides, sans consistance. Je ne l’entendais pas arriver. « J’étais certaine que tu viendrais ». Elle m’entrainait vers la porte ouverte de mon T1. De la chaleur, elle m’en donnait, m’en perfusait, jusqu’à Turin je m’accrochais à son corps pour ne pas couler. Le jour n’étais pas encore levé lorsque je la quittai pour regagner mon wagon pourri.

 

Quand j’entrais dans le compartiment juste éclairé par la veilleuse, assise sur sa couchette, dépoitraillée, la mère donnait la tétée à son bébé. Son homme et les deux aînés dormaient. Je chuchotais des excuses. La femme me souriait. Ses seins gonflés, tendus, restaient haut perchés. Le mouflon s’accrochait au téton goulument. La femme me fit signe de venir m’asseoir près d’elle. Je le fis avec précaution. Sa chemise de nuit retroussée jusqu’aux haut des cuisses laissait voir de belles jambes. Elle surprenait mon regard et sa main se posait dans ma cuisse. Je sursautais à peine. L’enfant imprimait à son corps des boutées soudaines. Je ne pouvais détacher mon regard de ses seins nourriciers. Elle se levait, changeait l’enfant non sans avoir relevé sa chemise pour exhiber un cul aux fesses larges et fermes. Le train brinqueballait. Elle recouchait l’enfant, se réajustait et reprenait place dans sa couchette du bas. Je fis de même en ne la lâchant pas des yeux. Elle se donna du plaisir d’une main habile, en silence, avec une forme de désespoir tranquille, résigné.  J’ôtai mes baskets, m’enroulai dans la couverture et je m’endormis. Lorsque le train entra en gare centrale de Milan une main douce me secoua gentiment. La femme, son enfant en bandoulière, me souriait. Je la trouvais belle et je le lui dis dans mon italien encore hésitant. Elle ébouriffa ma tignasse de ses doigts fermes sans rien dire et s’éloigna d’un pas lourd.

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