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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 00:09

Chers lecteurs, désolé pour le dernier paragraphe de la semaine dernière, il était un peu à la ramasse (j'étais un peu fatigué). Corrigé, il a meilleure allure. Bonne lecture...

 

Le lendemain matin quittant au plus vite notre trou à rats et à punaises nous allions, comme nous l’avait indiqué notre petit colombien taciturne, faire du change à l’hôtel Bolivar. Derrière son comptoir bouffé par les termites le portier, face luisante, yeux chiasseux, ongles douteux, jouait les indifférents en mâchouillant sa ration de racines. La vue de nos dollars l’animait : 53 sols pour un billet vert ce qui était mieux que sur le marché gris qui n’affichait que 43 sols. Aux volées des cloches nous nous rappelions que c’était dimanche. Ciel bas, buildings ladres, ville laide nous nous frayions un passage entre des femmes lourdes, mâchoires saillantes et des rustauds noirauds et trapus qui nous contemplaient avec beaucoup d’intérêt et de gentillesse. Je ne sais pourquoi mais je me sentais profondément mal à l’aise, intrus, mal dans ma peau. Ce premier contact avec le continent sud-américain, où la France n’avait guère été présente, me renvoyait aux images de mon livre d’Histoire pleines de massacres, d’exterminations, d’hommes assoiffés d’or, d’évangélisateurs militants, les Jésuites, de je ne sais plus quelle pièce jouée au collège sur leur expulsion. Je me sentais comme une face de craie dans un tableau de basanés. Nous allions à la gare routière acheter nos places de bus pour Arequipa. Le préposé, même modèle le portier du Bolivar, nous tendait des billets pour un départ le lendemain soir. Ici on voyage la nuit. La perspective de coucher, une nuit supplémentaire, dans notre sac à puces ne nous enchantait guère mais nous n’avions pas le choix. Nous passerions la nuit dehors.

 

Nous tentions d’abord le cinéma mais les navets de Lima ne nous incitaient pas à nous faire une toile alors nous traînaillions sur la place Saint Martin où des cadets paradaient, cadence raide, petits insectes entraînés par les grands frères yankees. À la terrasse d’un café, un type grattait une guitare, nous nous asseyions et commandions des bières. Très vite, comme englués dans les fils gluants d’un cocon, les conversations passionnées de groupes d’employés, des quadragénaires, nous environnaient. Ils citaient les socialistes utopiques, invoquaient à tout bout de champ Cuba, jugeaient avec des bordées de mots assassins leurs gouvernants. Nous ne le savions pas encore mais nous allions très vite nous y faire, ici, bien plus encore qu’en Europe le verbe tenait le haut du pavé. Accueillants, sympathiques mais soûlants nos voisins, des jeunes cette fois-ci nous entraînaient dans une gargote où nous ingurgitions une bouffe incertaine et épicée qui nous arrachait la gueule. Chloé résistait bien mieux que moi à la moiteur et à la laideur ambiante, fraîche, indemne de toute trace de transpiration, elle éclusait cul sec, entre ses bocks de bière, des petits verres de téquila. Les petits bourdons bourdonnaient autour d’elle, trique affutée sous leur pantalon crade. Moi je somnolais à demi, attendant l’irruption du cœur de la nuit. Celle-ci nous cueillait dans une boîte pleine de putes aux cuisses luisantes et aux seins débordant de guêpières chamarrées. Au petit matin je me réveillais couché sur des draps blancs, nu comme un ver, dans une chambre qui embaumait le vétiver. Chloé, en short militaire et tee-shirt entrait avec un plateau garni d’une cafetière et de toasts. « Où sommes-nous ? » Elle me souriait. « Dans la chambre de Rosetta ! ». Elle posait ses belles fesses et le plateau près de moi. « Et qui est Rosetta ? » Chloé me caressait la nuque « Tu le prends toujours sans sucre mon beau légionnaire ? » L’odeur du café m’émoustillait. «  Du calme mon beau, même si tu occupes le lit d’une mère maquerelle il va te falloir calmer tes ardeurs matinales... »

 

Chloé avait monnayé la chambre pour que nous passions une nuit paisible. L’after petit-déjeuner le fut moins car la belle tenait une fringale bien supérieure à la mienne. Bien commencée la journée s’étirait en longueur et nous avions hâte de lever l’ancre. Le bus se pointait avec deux heures de retard. Une poubelle ! Un tape-cul immonde où nous fûmes remisés dans les places les plus dégueulasses : au-dessus du moteur et tout contre la porte des tinettes. Nuit calcinée jusqu’au petit matin où notre char brinquebalant côtoyait le flanc d’un précipice au fond duquel, sous un voile gris cotonneux, une soupe grasse et figée s’épandait. Et dire que c’était le Pacifique. Sous une lumière blanche et rase la côte déchiquetée laissait la place à une longue traînée de sable et de rocailles. Le paysage prenait des allures déglinguées. Nous nous arrêtions dans un village où un chapelet de bicoques jalonnait l’unique rue pour bouffer un plat unique : une soupe de poulet graisseuse. Pour nous dégourdir les jambes Chloé et moi, flanqués de notre petit colombien, filions vers la plage. C’était un immonde cimetière : des cadavres de mouettes jonchaient à perte de vue la grève. Nous repartions et, à l’entrée d’Arequipa, une jeep de police flanquée de 3 policiers entravait la route. Le bus stoppait. Un des flics tripotait nos passeports puis nous faisait signe de le suivre au poste, une cabane en planches, où leur chef transcrivait je ne sais quoi sur un gros cahier. Arequipa,  à 2000 mètres d’altitude, nous semblait une oasis de fraîcheur. Nous marchions dans la ville. Une nuée de collégiennes en uniforme s’ébrouait dans un nid de verdure agrémenté bassin d’où surgissait un jet d’eau. Carte postale avec en arrière-fond la neige des sierras et plaqué sur le ciel limpide les feuilles éventails des palmiers, je me sentais apaisé.       

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