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9 novembre 2014 7 09 /11 /novembre /2014 07:00

Maigre vapeur saisi en aller-retour à la poêle, carottes et navets de variétés oubliées rôtis à feu doux, câpres de Pantelleria, ciboule à fleurs, mince filet d’huile de cumbava, Claire au piano fut impeccable. Le catalan, un peu crispé à son arrivée, se détendit un peu lorsque je lui proposai ce dîner frugal. À table Émilie se tenait à ma droite, le premier Ministre nous faisant face. Ses sbires s’installèrent sur le canapé de l’entrée face à l’écran plat, par bonheur Canal+ diffusait un match de la Champion League. Un bref instant, Manuel et moi évoquâmes nos souvenirs de week-end de Pentecôte, chez Catherine et Jean-Paul, en Normandie. Filiation rocardienne devenue certes lointaine mais fil rouge de la fameuse ouverture du temps de la France unie de Mitterrand. Si Simone Veil avait basculé en 1988, le panorama politique aurait vraiment changé mais Antoine veillait au grain, Rocard dû se contenter de seconds couteaux à l’exception notable d’un Jean-Pierre Soisson suffisamment caméléon pour accepter l’aventure au Ministère du Travail. Le catalan m’écoutait. Émilie lui proposait une larme de chenin de Jo Pithon qu’il acceptait. Nous mangeâmes en silence sous le regard attendri de Claire qui préparait une compotée de rhubarbe vanille bourbon- riz au lait cru de vache Jersiaise.

 

La conjonction d’un excellent dîner, léger et rapide, et de mon introduction perche tendue, confortait l’animal politique, renforçait son capital de confiance en moi. Il n’avait rien à craindre, ce qui allait se dire autour de cette table nichée dans la Mouzaïa ne se retrouverait pas dans la presse ou dans un futur livre de confidences. La grande maison lui  avait tiré mon portrait, rétif mais loyal, et il savait à quoi s’en tenir. Manuel prit la peine de se lever pour aller remercier Claire. Émilie servit le café. Réendossant ses habits de Premier Ministre Manuel nous gratifia d’une analyse assez sombre de l’état  de la majorité présidentielle. « L’extrême-gauche tient le même  discours économique que l’extrême-droite, incantatoire, irresponsable, elle joue la carte du retour d’une droite dure pour faire fructifier sa pelote contestataire ; les Verts sont du purin d’orties, puant et inefficace, à évacuer à l’égout ; le temps est donc venu d’enfoncer un coin dans la brèche ouverte entre les nouveaux mollétistes du PS et la gauche réformatrice. La recomposition du paysage politique est possible. Les synthèses molles à la Hollande ont fait la preuve de leur dangerosité. Je ne suis pas un homme pressé mais déterminé. Es-tu prêt à m’aider ? » Ce tutoiement tirait un léger sourire Émilie.


Ma réponse fit ciller Manuel « Oui car j’aime Émilie… C’est une reine même si je ne suis pas son roi. Elle est mon oxygène. Tu peux compter sur moi si elle est à mes côtés. Ce sera mon dernier combat… » Un ange passa avant que je ne reprenne la parole pour exposer mon plan de bataille. Objectif : faire passer à Juppé la barre des primaires de l’UMP afin de renvoyer talonnettes agité à la géhenne.

« La frange d’électeurs de la gauche modérée qui, à la fois, éprouve une répulsion persistante et ravivée envers un Sarkozy qui n’a pas changé, mais aussi une déception profonde envers François Hollande, doit se mobiliser pour aller voter Juppé aux primaires, un chiraquien modéré qu’ils choisiraient après que Chirac lui-même eut fait le choix de Hollande, radical chiraquien de Corrèze, afin  de s’éviter un deuxième tour Le Pen-Sarkozy. Le maire de Bordeaux présente deux atouts majeurs pour toi : son âge et son alliance de fait avec Bayrou. Tu dois faire l’impasse sur la prochaine présidentielle, tout à perdre, sauf à ce que la déliquescence du PS fasse de toi le seul recours face à un désastre électoral annoncé. Reste la mobilisation, le passage à l’acte de ces électeurs qui ne sont pas des militants. Il faut partir de loin, les travailler au corps avec doigté, ne pas donner des munitions à l’homme pressé qui va tout faire pour torpiller les primaires dès qu’il  aura mis la main sur le parti. Nous risquons d’être face à la même configuration que pour le duel entre Fillon et Copé. Tous les coups, toutes les turpitudes seront permis, Sarkozy fait le pari que son écrasante élection, le mois prochain, à la tête de l’UMP, suffira à le rendre incontestable. «Ils ont intérêt à me bloquer sur la bretelle Quand je serais sur l’autoroute, personne ne pourra m’arrêter», fanfaronne-t-il devant ses lieutenants. Il va falloir jouer fin, en sous-main avec des gens sûrs et déterminés. Il hors de question de faire jouer un quelconque rôle aux semelles de crêpes de la grande maison afin de refaire le coup des Irlandais de Vincennes. Carte blanche, si ça merde c’est de ma faute, si c’est gagnant tu me donneras une médaille en chocolat avant que  je ne parte vivre en ermite à Syracuse. » Manuel affichait un sourire satisfait « Tu as carte blanche, moyens illimités et tu ne réfères qu’à moi… » J’acquiesçais, il enfilait son affreux imperméable bleu marine, enroulait son écharpe rouge autour de son cou, me saluait avant de claquer des bises à Claire et Émilie. Ce petit intermède à la Mouzaïa l’avait rasséréné.


Nous sommes allés nous coucher. J’ai lu au lit une tribune dans L'Obs. du journaliste Philippe Boulet-Gercourt répondant à Éric Zemmour qui défend Pétain pour avoir sauvé des juifs français, en racontant l'histoire de son aïeul...

 

 Comment Albert Boulet, acteur, devint juif


« A l'été 1941, écrit Philippe Boulet-Gercourt, mon grand-père a été juif pendant trois mois. Albert Boulet, que tout le monde appelait de son nom de scène, Gercourt, était acteur de profession, un second rôle qui a joué au théâtre et dans une vingtaine de films. Après la débâcle, Albert, son épouse et leur fils unique — mon père — avaient quitté Paris pour Marseille, où Gercourt avait trouvé un emploi à la radio. Les temps étaient durs, ceux qui avaient un job faisaient des envieux. Un courageux anonyme dénonça mon grand-père aux autorités de Vichy : Gercourt était juif. Un régime soucieux de sauver les juifs français jetterait une telle lettre au panier. C'est tout le contraire qui se produit ».


Comment Vichy a « sauvé » le « juif » français Albert Boulet


« Juif, Gercourt est immédiatement menacé de perdre son travail, étant soumis à la loi du 2 juin 1941 « portant statut des juifs », qui interdit à ces derniers l'accès à une multitude d'emplois publics, poursuit le journaliste. (...) Le 24 juin, il écrit au maréchal Pétain et au commissaire général aux questions juives, indiquant qu'il s'agit d'une dénonciation calomnieuse.


C'est le commissaire en personne, Xavier Valla, qui répond à la deuxième lettre, demandant à Gercourt de fournir toutes les pièces d'état-civil nécessaires « afin qu'après examen je puisse, s'il y a lieu, vous répondre que vous n'êtes pas juif ». (...) Le 10 juillet, nouvelle lettre du chef de cabinet de Valla (...). Il demande à Gercourt de lui faire parvenir « une copie de votre acte de baptême ainsi que de celui de Mme Boulet et me donner toutes les précisions nécessaires quant à la religion de vos grands-parents ». Ce n'est que le 27 août 1941, raconte Philippe Boulet-Gercourt, que son grand-père « reçoit enfin son certificat de non-appartenance à la race juive. Fin du suspense, dont mon père garde un souvenir indélébile : « Cela n'a duré que trois mois, mais on a vécu trois mois d'angoisse ». 

 

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commentaires

P
<br /> Pour Zemmour, affirmer que Pétain aurait sauvez des juifs constitue certainement un regret.  Le Canard, cette semaine, recommande la lecture de "Pétain" par Bénédicte Vergez-Chaignon <br /> (Perrin) l'article sur titré comme il se doit : "Le maréchal foirant"<br />
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