Autour de François de Ligneris, de Candolle reconnu d’abord Yannick Noah, toujours aussi décontracté, puis la fameuse baronne G qui bavardait avec un grand costaud un peu rustaud : c’est Eric Cantona lui chuchota son clerc qui était un supporter de Manchester et aussi des Girondins, tout à côté de la baronne G Catherine Ringer devisait avec un vieux monsieur digne, un peu vouté, qui masquait un tout petit bonhomme en costume-cravate qui tenait le crachoir à l’hôte du lieu. S’il avait eu un dentier, de Candolle l’eut avalé, quand il découvrit l’identité du ludion : « Michel Rocard, je rêve... » Des bouffées soixante-huitarde montèrent sous le front déplumé du notaire qui, à Assas, en un lieu dédié à l’extrême-droite avait brandi l’étendard de la révolte, adhéré au PSU pour les beaux yeux d’une grande gidouille et accessoirement pour le futur maire de Conflans, avant de perdre et ses illusions et ses cheveux. Il n’empêche que dans l’isoloir, en 1988, il avait voté pour le François de Jarnac rien que pour voir son Michel entrer à Matignon. Marie claqua des bises à tout le monde, sauf au vieux monsieur, qu’elle salua d’un merci d’être venu Monsieur Hessel, qui lui valut d’être embrassée sur les deux joues. Le déjeuner fut joyeux, bien arrosé, animé par les bretteurs de service : la baronne G, Michel et François dont les échanges furent entrecoupés de quelques aphorismes forts de Cantona. Sans être mauvaise langue, Rocard le débiteur de mots trouva son alter ego en la personne de la baronne qui, elle, les alignait avec une fougue qui tirait des sourires à Stéphane Hessel. Marie pouffait avec Yannick pendant que de Candolle, béat, s’étonnait de voir son clerc, d’ordinaire si discret, discuter avec flamme de la discographie des Rita Mitsouko avec une Catherine Ringer un peu éméchée. Lénine reconnaissant en lui un frère campait sur les genoux de Cantona pendant que Tintin au Congo pompette entonnait « Maréchal nous voilà ! » Aucun sujet sérieux ne fut abordé, même si Michel Rocard brossa à plusieurs reprises des fresques planétaires, et lors des adieux Marie se contenta de lancer à la cantonade « Je règle mes petits problèmes d’intendance puis je vous fais signe pour notre remue-méninges... »