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19 mai 2007 6 19 /05 /mai /2007 00:08

Notre périple sous terre, tels des lombrics entrelacés, teintait d'un plaisir malsain mon blues matinal. Ici, dans cette ville grouillante, indifférente, me fondre dans son magma serait un jeu d'enfant. Ma nouvelle vie de merde se présentait sous les meilleures auspices. Pour la première fois depuis notre arrivée je souriais. Sylvie, plaquée à moi, sentait que je me détendais. Elle en profitait pour me sussurer à l'oreille : " nous allons place Clichy. Tu vas voir je t'ai préparé une belle surprise." Vu mon ignorance crasse de la géographie parisienne l'indication de notre point de chute m'importait peu. Quant à la surprise, je me gardais bien de répondre à Sylvie que je m'en foutais. Lui gâcher son plaisir eut été de la méchanceté gratuite. Elle bichait tellement d'avoir la main sur moi. C'en était reposant. Se laisser porter. Subir enfin ! La rame s'immobilisait à la station Assemblée Nationale. Notre wagon se délestait d'un fort contingent de costumes gris et de jupes tristes. Sylvie profitait de notre aise retrouvée pour lancer à la cantonade une adresse qui ne concernait que moi " mon coeur, je te verrais bien député..." En d'autres temps, ce mon coeur et ce sans gêne m'auraient gêné, là, je me contentais, sur le même niveau sonore, de la tacler d'un sarcastique " ça élargirait bougrement ta clientèle petit coeur..." qui, un bref instant, jetait sur son visage un masque de dureté. Très vite, elle se ressaisissait. " Quelle élégance mon cher ! Tu m'avais habitué à mieux..." 
- J'apprends vite.
- Oui mais tu penses trop.
- Tout juste ma belle mais ici, ça va me passer rapidement.
Pour me faire pardonner ma goujaterie, tel un jeune chiot repentant, je lui léchais le lobe de l'oreille. Elle gloussait en tortillant du cul ce qui ne manquait pas d'intéresser le chef de train assis sur son strapontin.

Comme la nuit tombait, l'écran de mon ordinateur se bleutait. Je m'étirais avant de me frotter les yeux. Tous ces jours passés dans cette chambre d'hôtel, enkysté, dorloté, pour archiver sur le disque dur ma jeunesse, soudain me pesaient. Tel un Giovanni Drogo vieillissant face à la frontière d'où nuls envahisseurs n'avaient jamais surgi, je me sentais las. Aurais-je encore le courage de me colleter au pan le plus noir de ma vie ? De le faire sans complaisance ni masochisme. De le faire tout simplement. Mon insignifiante trace dans ces années de fric corrupteur n'intéresserait personne. T'es bien trop petit mon ami. Une irrésistible envie d'envoyer valdinguer tout ce fatras de souvenirs me saisissait. Sortir ! Ne pas céder à la lassitude. Voir des gens. Les sentir. Les entendre. Leur parler. Avoir de nouveau la sensation d'être vivant. Ma robe de chambre et mes pantoufles me collaient à la peau. Je les fourrais dans un sac de toile. Nu comme un ver je farfouillais dans ma maigre garde-robe. Un survêtement, c'est facile à enfiler. En m'enfournant dans le pantalon la rouille de mes genoux me rappelait à l'ordre. Je marmonnais " si tu continues, mec, t'es bon pour l'hospice. Bouges ton cul ! " Le miroir de la salle de bains confirmait le diagnostic, en pire. Le désastre fondait sur moi. Un vrai naufrage. Me récurer. Tailler dans le poils. Sentir bon. Jasmine donc, elle seule, à cette heure-ci pouvait me remettre en état. Quand je déboulai dans le hall l'homme aux clés du Terminus eut un sursaut d'horreur. Le résultat d'un mois d'ermitage dans son bel hôtel le stupéfiait. Comme il avait une bonne tronche je versai dans l'humour pour lui faire retouver ses esprits. " Après la révision des 50 000 km, rassurez-vous, la caisse sera comme neuve..."

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