Que lis-je ? J'en suis tout tourneboulé. " En 2050, on pourrait assister dans le Sud de la France à des vendanges début août. Et les Côtes du Rhône ressembleront peut-être à du Sidi Brahim..." C'est un gars de l'INRA, Bernard Seguin, qui le dit, donc un gus tout ce qu'il y a de sérieux. Y dit aussi que l'étude de la date des vendanges est un outil précieux de l'évolution climatique : " une variation d'un degré par rapport à la normale entre mai et août entraîne une variation de 10 jours de la date des vendanges " souligne Valérie Daux, du labo des sciences du climat et de l'environnement. Pour enfoncer le clou et river le bec aux sceptiques, notre gars de l'INRA de Dijon nous met sous le nez que l'étude du seul XXème siècle est sans appel " Vers 1945, les vendanges à Châteauneuf-du-Pape intervenaient début octobre. Aujourd'hui, c'est début septembre." Par bonheur, il n'ajoute pas que ce divin nectar, mis en bouteille dans deux bouteilles écussonnées par la grâce d'un maire au nom prédestiné, ne va pas ressembler aux Vieux Papes. Je fais du mauvais esprit mais ceux qui me connaissent à Châteauneuf savent bien que j'ai bon fond et que je suis le père fondateur d'un zinzin d'agrément en commun.
Tous ces sujets d'importance un colloque, à l'Université de Dijon, du 28 au 30 mars, vient de les aborder. Mais, me direz-vous, qu'y pouvons-nous ? Le réchauffement climatique semble être un phénomène inéluctable, il faudra comme toujours nous adapter. En clair, faire avec un cépage Syrah, qui n'est actuellement présent que dans le Sud de l'Europe, cultivé en Champagne. C'est une image bien sûr mais la limite septentrionale de la culture remonterait vers la Scandinavie. N'étant pas un scientifique je n'ai, bien sûr, aucune expertise sur le sujet mais, il me semble, que notre beau secteur, au travers de la Recherche et des Instituts techniques pourraient pousser les feux - si je puis m'exprimer ainsi - pour que nous anticipions pour nous adapter en temps et en heure. De même, nous les gens du vin pourrions être un peu plus présents, plus déterminants dans la mise en oeuvre d'une viticulture durable plus soucieuse de ses effets sur l'environnement. Encore des contraintes me direz-vous ? Pas forcément si nous amorçons le virage dès maintenant au lieu de le faire lorsque nous y seront contraints par les évènements.
Je profite de cette tribune pour souligner que, par-delà les différences et les antagonismes régionaux, les petites guerres interprofessionnelles, les prés carrés des grands et petits chefs, le secteur du vin devrait faire cause commune, et mobiliser des moyens financiers importants, sur trois grands sujets qui conditionnent son avenir :
- la place du vin dans nos sociétés modernes : un Vin et Société qui soit vraiment dans son temps ;
- la recherche pour une viticulture durable plus soucieuse de son environnement par la définition d'objectifs à dix ans ;
- l'adaptation des structures commerciales à la nouvelle donne mondiale avec la création d'un Fonds d'Investissement Professionnel
En clair, une caisse commune pour un vrai lobbying, une réelle orientation de la recherche et du développement, un financement des nécessaires restructurations industrielles et familiales. Nous passerions ainsi du bricolage amateur à un statut de profession majeure. J'y travaille.