Au hasard de mes lectures, dans une numéro de la revue Autrement consacrée aux Paysans : mémoires vives 1900-2000, récits d'un monde disparu, je suis tombé sur un texte : La locomobile Merlin de Vierzon qui m'a fait me souvenir, qu'avant l'arrivée du premier Société Française Vierzon, la première batteuse de mon père était entraînée par une locomobile. Je n'ai plus souvenir de sa marque mais, pour l'une de nos batteuses, j'en suis sûr, c'était une Merlin. Pourquoi ce matin évoquer ce passé qui paraît si lointain ? Tout simplement pour, en quelques mots, évoquer les affres de mon père lorsqu'il lui fallut dans les années 60, se résoudre à investir dans une moissonneuse-batteuse de marque Class. Il sentait que tout un pan de notre monde paysan, avec cette nouvelle fracture mécanique, disparaissait. Les battages ne seraient plus ce rituel ordonné et immuable. Une fête collective ! On entrait dans le chacun pour soi " mon champ est prêt à battre ", l'urgence, la rapidité, l'insouciance du produit. Dans la symbolique aussi le blé perdait son pur statut nourricier, avec l'explosion des rendements il devenait de plus en plus fourrager, simple ingrédient pour les aliments composés pour le bétail, au même titre que les résidus de maïs importés des USA.
Je dédie donc, ce texte, à mon père, Arsène Berthomeau, qui aimait tant ses battages que, plutôt que d'attendre chez le médecin, il est allé s'asseoir, un après-midi de foire de Mothe, en bout de champ, dans la cheintre, sur une botte de paille expulsée par sa grosse machine grise, pour se laisser glisser doucement sur le flanc et nous quitter avec son éternel sourire.