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9 octobre 2006 1 09 /10 /octobre /2006 00:18

" Cette vigne avait un âge dont nul ne se souvenait. Chaque année, depuis qu'il avait conscience des choses, Driot avait taillé la vigne, biné la vigne, cueilli le raisin de la vigne, bu le vin de la vigne. Et elle mourait. Chaque fois que, sur le pivot d'une racine, il donnait le coup de grâce, qui tranchait la vie définitivement, il éprouvait une peine; chaque fois que, par la chevelure depuis deux ans inculte, il empoignait ce bois inutile et le jetait sur le tas que formaient les autres souches arrachées, il haussait les épaules, de dépit et de rage. Mortes les veines cachées par où montait pour tous la joie du vin nouveau ! Mortes les branches mères que le poids des grappes inclinait, dont le pampre ruisselait à terre et traînait comme une robe d'or ! Jamais plus la fleur de la vigne, avec ses étoiles pâles et ses gouttes de miel, n'attirerait les moucherons d'été, et ne répandrait dans la campagne et jusqu'à la Fromentière son parfum de réséda ! Jamais les enfants de la métairie, ceux qui viendraient, ne passeraient la main par les trous de la haie pour saisir les grappes du bord ! Jamais plus les femmes n'emporteraient les hottées de vendange ! Le vin, d'ici longtemps serait plus rare à la ferme, et ne serait plus de "chez nous". Quelque chose de familial, une richesse héréditaire et sacrée périssait avec la vigne, servante ancienne et fidèle des Lumineau.

Ils avaient, l'un et l'autre, le sentiment si profond de cette perte, que le père ne put s'empêcher de dire, à la nuit tombante, en relevant une dernière fois sa pioche pour la mettre sur son épaule : " Vilain métier, Driot, que nous avons fait aujourd'hui ! ".

Cependant, il y avait une grande différence entre la tristesse du père et celle de l'enfant. Toussaint Lumineau, en arrachant la vigne, pensait déjà au jour où il l'a replanterait ; il avait vu, dans sa muette et lente méditation, son successeur à la Fromentière cueillant aussi la vendange et buvant le muscadet de son clos renouvelé. Il possédait cet amour fort et éprouvé qui renaît en espoirs à chaque coup du malheur. Chez André, l'espérance ne parlait pas de même, parce que l'amour avait faibli.

" Extrait de la " Terre qui meurt " de René Bazin, chapitre IX dont j'ai repris le titre pour ma chronique. Le roman a pour cadre le Marais Vendéen , " territoire qui s'étend de Saint-Gilles à l'île de Bouin " La Vendée viticole de l'entre deux guerres, en superficie, se classait au 10ième rang des départements viticoles.  

 

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commentaires

M
Sur le site vous voyez en fait la contre étiquette.<br /> L'appellation se trouve sur l'étiquette (à l'arrière de la bouteille).<br /> Malgrés tout, je suis dans une zone mixte et je commercialise des AOC, des VDP et des VDT.
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S
Il n'y a rien a craindre pour la terre elle survivra, tant quà la vigne elle renaitra, ça à toujours était comme ça du phyloxera, aux gelées de 56, ce n'est qu'un sempiternelle recommencement. Seul les hommes passent.<br /> Au fait Monsieur Isaly, j'ai vu votre site mais j'ai été surpris car sur vos photos de bouteilles je ne vois pas de mention pour l'appellation ? Pourquoi ne l'a faite vous pas apparaitre ?<br />  
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M
Malhaureusement, mon cher Jacques, nous verrons cet hiver beaucoup de vignes qui ne renaitrons pas de leurs malheurs.<br /> Oh, elles n\\\' y sont pas pour grand chose ces pauvres vignes, mais les hommes ont perdu l\\\' espoir qu\\\' elles nous amenaient.<br /> Pauvres hommes...<br /> Que va devenir cette terre, magnifié par le vin enfanté par cette vigne ?<br /> Michel ISSALY
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