Par ces temps de cuves pleines, d'excédents, certains pensent et déclarent qu'il eut suffit, pour ne pas en être réduit à une destruction massive du produit, de faire beaucoup de promotion et de jeter sur les routes ou d'embarquer dans des avions une armada de vendeurs pour vendre ce vin à toutes ces bouches qui viennent tout juste d'y goûter. Vision du marché à l'image de notre parcellisation : nous ne manquons pas de vendeurs de vins nous souffrons cruellement d'un manque de vins vendeurs.
Traduit en cols notre excédent se situe dans les 500 millions de cols, une paille donc, l'épaisseur du trait, une pécadille qui n'est pas le résultat d'une quelconque fatalité. Je m'explique. Pour en arriver là nous avons produit du raisin en "contrôlant" les rendements, vendangé ce raisin, vinifié ce raisin, enrichit le moût avec du sucre ou des moûts concentrés, agréé ce vin, stocké ce vin... Le metteurs en marché pour se donner un peu d'air ont du "vendre" moins cher que moins cher une partie de ces vins et participé à l'effet dominos sur les prix. Au bout du bout ces vins vont être distillé avec des aides de l'Union, de la France et même des producteurs eux-mêmes qui vont s'endetter pour détruire. L'alcool de carburation s'écoulait à 40 euros/hl en 2005. Avec la hausse du baril de pétrole on peut espérer un peu mieux.
Mais, m'objectera-t-on, c'est la faute aux autres (les barbares du Nouveau-Monde et les vieux ennemis de l'intérieur) si nous en sommes réduits à de telles extrémités. Amnésie collective et refus de choisir une politique générant un flux de vins vendeurs nous ont conduit à cette situation. Si l'on veut bien revenir au cep de vigne qui produit du raisin est-ce commettre un "crime" contre le vin que d'imaginer qu'une partie de ce raisin puisse être distrait de la vinification pour produire des moûts concentrés destinés à l'enrichissement de tous nos vins (plus de sucre de betteraves) ou des jus de raisin (bien sûr sur des parcelles identifiées afin de jouer la carte du rendement optimal) ; suite à ce premier tri est-il tout aussi économiquement incorrect de souhaiter qu'en dehors des vins prévendus ou presque, la vinification des grands volumes soient pilotés par ceux qui vont les vendre ?
Se contenter d'arracher des vignes et de distiller faute de mieux ne nous mettra pas en situation de reprendre les parts de marché perdues faute de pouvoir proposer des vins vendeurs. C'est quoi un vin vendeur ? C'est un vin qui conquiert le droit de figurer sur un linéaire, qui par ses qualités propres et, pas seulement ses apparences, plaît à un consommateur qui y revient, qui le retrouve et ainsi se fidélise. C'est désespéremment basique, mais ça fait des millions de cols qui génèrent des petits sous qui permettent de mettre en avant le produit et de gagner des parts de marché et de lancer nos vendeurs à l'assaut des marchés émergents. Bon quand est-ce qu'on s'y colle ? Moi je suis partant pour l'aventure...