À Beychac-et-Caillau les échos de ses déclarations du jour avaient largement déblayé le terrain pour Marie, qui, sans être en terrain conquis se retrouvait face à une assistance assez bien disposée à son égard. De plus, fine mouche, elle s’était fait accompagnée par David Cobbold qui avait reçu en début d’année, au pavillon Ledoyen, le « Prix de la presse » accordé aux journalistes de la presse du Vin, pour le soutien qu'ils procurent à la filière par leur travail, des mains de Bernard Farges président du Syndicat Bordeaux&Bordeaux Supérieur. David, elle l’avait rencontré au Juvéniles et ils avaient sympathisés autour d’un Beaujolais de Chermette. Sitôt que Bernard Farges l’eut présenté, Marie embraya sur un vibrant hommage à Louis Marinier le précurseur. Face à une salle ébahie par le culot de cette gamine ébouriffée elle indiquait que c’était son pote Michel Rocard qui lui avait fait la confidence un soir qu’il s’épanchait sur les deux merveilleuses années qu’il avait passé au 78 rue de Varenne grâce à cette vieille fripouille de Mitterrand. Le public était sous le charme. C’est le moment que choisit Marie pour aborder de nouveau le sujet de son vin d’assemblage estampillé Vin de France. Il y eut un grand blanc. Sans se démonter Marie cita le Plan « Bordeaux demain » : tous ces vins qui ne trouvaient plus leur place sur le marché sauf à des prix de casse, pourquoi ne pas réfléchir à leur donner une autre destination ? « Mais attention, mesdames messieurs, pour adhérer à mon projet ce sont des vins voulus et non des vins subis qu’il me faut ! » Et de citer René Renou, puis un rapporteur tombé en désuétude et reconverti en pisseur de copie électronique. « Moi je ne ferai plus de second vin. Certes j’en ai les moyens, mais vous pourquoi ne feriez-vous pas un choix similaire pour une partie de votre vignoble ? Je sais ce ne sera plus du Bordeaux mais avec le temps, des volumes conséquents, du sérieux, de l’obstination vous pourriez sucer la roue de ma première cuvée que j’ai baptisé, avec une certaine malice Noah, et bâtir une belle marque de vin d’entrée de gamme, avec cépage et millésime. Je vous invite à venir avec moi après la vendange chez mes amis d’Embres&Castelmaure. Je puis vous assurer que le Président Patrick Hoÿm de Marien vous y accueillera avec sa courtoisie d’aristocrate terrien. Au fond de la salle des courtiers tapotaient nerveusement des sms pour leurs mandataires « le hérisson est en train de gagner la partie. L’état d’urgence doit-être proclamé, le plan déclenché... » Marie, en bonne politique, plaçait son dernier coup gagnant en soulignant que ceux qui avaient jeté au caniveau les droits de plantation serait bien avisé de s’acheter une épuisette pour aller les récupérer. Les pompiers pyromanes ne sont pas ma tasse de thé ajoutait-elle avec perfidie. La salle lui réservait une standing-ovation... Marie réclamait à boire.