Le matin de l’opération « un peu de vent dans les branches de sassafras » Marie se leva de bonne heure - écrire de bonheur conviendrait aussi - pour marcher dans ses vignes. Elle jetait sur elles un autre regard que celui du premier jour et elle déclamait du Onfray face à elles « Les pierres qui font les vins sont roturières pour la plupart. Mais toutes sont mêmement chargées de magnétisme : brûlées par le soleil, fendues et fondues par la foudre, polies par les sacs et ressacs, lustrée par l’entropie des vents violents et brefs ou doux et longs, elles eurent pour destin moins les palais et les chefs princiers que les ornières des champs, les fondrières des chemins. On ne les vit pas serties sur un chaton à la main d’une belle, ni pendues autour du cou d’une courtisane, scintillantes de tous leurs feux, en représentation et habits d’apparats, mais révélées à la lumière par le soc d’une charrue, mélangées à la terre et offertes à l’œil par l’acier tranchant d’une araire, ou tout simplement irradiant dans la main de l’homme de l’art qui l’aura extraite de la glèbe qu’il travaille quotidiennement. » Onfray, qu’elle avait croisé dans un truc organisé par « les folles de Télérama du VIe arrondissement » au marché St Germain, Marie le trouvait un peu casse-couilles pour un hédoniste avec une forte tendance à beaucoup aimer le son de sa voix, mais pour autant dans son livre Les formes du temps, théorie du Sauternes certains passages la trouaient. Sur son épaule Tintin au Congo s’égosillait « Onfray n’est pas gai » pendant que Lénine se goinfrait de Merlot jusqu’à en avoir les babines rougies tel un vampire des Carpathes. Paul de Candolle la rejoignit après avoir laissé dans la chaintre son nouveau scooter rose fluo.
- Prête ?
- Oui j’adore le sprint long.
Le programme tenait en effet d’un 1500 mètres : à 10 heures rencontre avec le Syndicat des Négociants, à midi déjeuner avec le Président et le Bureau du CIVB, à 15 heures intervention devant l’AG du CIVB, le soir enfin, à Beychac-et-Caillau dîner-débat avec le syndicat des Bordeaux et Bordeaux Sup. Powerpoint or not Powerpoint ? Marie avait très vite tranché : elle ne voulait pas être enserrée dans un carcan pour pouvoir s’adapter aux réactions du public. Sa seule concession fut l’élaboration un dossier papier qui serait distribué en temps et en heure aux participants. Sur la page de garde du dossier une simple étiquette, genre pot de confiture, collée avec, calligraphié à l’encre violette, ce titre : « Le contrat de confiance Saint-Drézéry » et tout en bas une citation de Henri Bergson « J’ai toujours voulu que l’avenir ne soit plus ce qui va arriver mais ce que nous allons faire. » que lui avait soufflé son pote Luchini qui d’ailleurs serait de la partie aujourd’hui