Ce matin, zoom arrière, sur un métier oublié, celui de feuillardier. Dans mon souvenir d'enfant, la tige de châtaignier, fendue en deux, c'était la coche de pain comptabilisant, dans le cadre de l'échange blé-farine-pain, le nombre de pains fournis. Nulle contestation possible puisque, la coche, l'entaille, se faisait en réunissant les 2 lattes fendues, celle du boulanger (suspendue dans l'arrière-boutique, portant le nom du bénéficiaire) et celle du paysan qui la présentait à chaque achat...
Le feuillard, donc, est une tige de châtaignier provenant d'une pousse, d'un rejet de sept ou huit ans, coupée en hiver en période hors sève puis fendue en deux. L'un de deux côtés conserve l'écorce et l'autre lissé à la plane.
L'artisan qui travaille le feuillard, pour en faire des piquets de clôture et de vigne, de lattes pour faire des casiers à homards ou à crabes, d'échalas et surtout des cercles pour tonneau, est le feuillardier.
Ce métier dont l'origine remonterait au XVIe siècle - le terme de feuillardier n'apparaissant que vers 1850 - a vu son apogée au début du XXe siècle : en 1907 on dénombrait 2500 feuillardiers surtout situés dans le Limousin, région où le châtaignier est l'arbre le plus répandu et où la proximité des vignobles de Bordeaux et de Cognac, très demandeurs de piquets pour les vignes et de cercles pour les tonneaux, favorise cet artisanat qui exporte aussi en Espagne et en Angleterre.
Le feuillardier travaillant sur le bois vert s'installait en pleine forêt dans une hutte construite faite de perches, de lattes et couvertes de dolettes (les longs copeaux provenat du planage). La coupe s'opère sur des bois de taillis de 6 à 8 ans d'âge (les jeunes tiges sont plus souples). La fente est l'opération consistant avec une serpette à couper les tiges dans le sens de la longueur en 2 lattes. Puis c'est le planage sur un chevalet des lattes : le feuillardier pare l'intérieur de la tige. Ensuite c'est le cintrage pour donner la courbure aux lattes. Celles-ci étaient ensuite placées dans un moule correspondant au diamètre désiré et liées provisoirement avec une écorce de châtaignier. Pour un tonneau de 250 L il fallait des tiges de 3 mètres de long. Enroulées sur elle-mêmes, les lattes formaient une meule de 6 cercles rangés sur 4 épaisseurs, soit 24 cercles liés ensemble. Ce sont ces meules que le feuillardier livrait au tonnelier. A noter, qu'en-dehors de la cintreuse mécanique, le feuillardage n'était pas mécanisable. De nos jours, il subsiste encore quelques feuillardiers et en 2004 Les Ets Hemard communiquaient les tarifs qu'ils pratiquaient encore :
- feuillards de 11 pieds par paquets : 310 F
- échalas de 1,20 m pointés et écorcés, le mille :1200F
- lattes de 1,50 m, le mille : 1700 F
- piquets écorcés de 1,50 m, à l'unité : 3,10 F