7 janvier 2008
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Françoise Laborde c'est le sourire et la bonne humeur des journaux de la 2. C'est une journaliste, une vraie professionnelle. C'est une amie aussi. Au temps des marathons bruxellois, alors que nous négocions, avec Rocard et Dumas, l'élargissement de la Communauté à l'Espagne et au Portugal, dans la salle de presse, en buvant l'affreux café communautaire, nous refaisions le monde et la viticulture française. Avec elle le tu est de rigueur. Françoise écrit aussi des livres, voir sa bibliographie sur le site de la FNAC
http://www3.fnac.com/item/author.do?id=282062
Question 1 : Françoise tu es une épicurienne, comme on le dit dit chez nous une bonne vivante. Normal lorsqu’on est né, comme toi, à St Mont dans le Gers, avoir le goût des bons produits, ceux qui tiennent au corps et réjouissent l’âme est dans l’ordre des choses. C’est naturel. Alors, dis-moi comment le goût du vin vient aux filles ?
Petite fille j’adorais les cerises à l’eau-de-vie - de l’Armagnac bien sûr- de notre voisine Marie-Thérèse. C’était bien sûr l’interdit, la transgression ; le sucré et le doux alors que c’était fort, costaud. C’est sans doute pour cela que je n’aime que les vins très charpentés, les vins tanniques, pas des vins de filles. Pour moi un vin doit avoir du corps, se mâcher avant d’être bu. Le vin dans mon imaginaire c’est le rouge profond qui tire sur le noir. Ma préférence va au Tannat car la beauté de ce cépage c’est que, s’il est mal vinifié, il est imbuvable mais, s’il est entre de bonnes mains, il se révèle magnifique. C’est comme pour la préparation du gibier : le pire ou le meilleur. Comme tu peux le constater je n’entre pas vraiment dans les canons de la mode des vins au féminin. Je ne suis aussi pas très portée sur les blancs, sauf les liquoreux. Toujours sans doute le souvenir des cerises à l’eau-de-vie de Marie-Thérèse…
Question 2 : Avec un tel bagage culturel ne serais-tu pas un peu cocardière Françoise ? Les vins du Nouveau Monde ça te défrise ?
Pas du tout, mon Tannat ce n'est pas que le Madiran, je l’aime aussi lorsqu’il est Chilien ou de la Rioja et, même si je ne vais pas me faire que des amis, j’estime que l’irruption des vins du Nouveau Monde dans notre univers du vin a été une bonne chose car ils bousculent nos certitudes et notre fâcheuse tendance à nous considérer comme la lumière qui éclaire le Monde. Ça nous rabaisse un peu notre caquet. De bons vins on en trouve partout dans le monde, y compris dans celui qu'on qualifie de Nouveau. Avec notre temps de retard habituel, notre sens inné de l’anticipation nous allons devoir nous remuer. Notre suffisance me consterne. Dans les cercles que je fréquente, où beaucoup se piquent d’être des connaisseurs, je suis stupéfaite de constater que très peu de gens sont capables de goûter et d’apprécier le vin. On peut leur servir à peu près n’importe quoi, du vin bouchonné par exemple ou un mauvais champagne, sans qu’ils n'émettent une quelconque appréciation négative. Les Français grands connaisseurs de vin c’est en bonne partie une légende. Dans ce domaine, comme dans d’autres il n’y a pas de supériorité française.
Question 3 : Alors, chère Françoise, on peut donc te classer dans la catégorie des « amateurs » de bons vins, ceux que l’on apprécie pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’on dit qu’ils sont, raconte-nous tes meilleurs vins.
Les meilleurs vins que j’ai bu ce sont les grands Bordeaux qu’on pouvait se payer lorsqu’on était jeunes. À 25 ans on s’achetait une belle bouteille de Latour et on se la gardait pour se la boire plus tard. Maintenant ils sont hors de prix, les prix sont devenus fous, ça me rend triste. Triste pour mes enfants. Nous sommes la dernière génération de gens normaux. Le vin n’est pas, et ne sera jamais pour moi un produit de luxe. Le vin c’est la convivialité, c’est la multiplicité des moments, c’est la diversité des lieux de sa découverte : des adresses de caves au fin fond de l’Italie, des bars à vin du bout du monde, des petits restaus dans des villages perdus : à chaque heure son plaisir. Tu vois Jacques avec les vins c’est un peu comme avec les moniteurs de ski qui nous semblent magnifiques sur les pistes de Courchevel mais qui, une fois que nous sommes rentrés à Paris, nous apparaissent souvent bien quelconques. En amour il ne faut jamais avoir de certitudes...
Published by JACQUES BERTHOMEAU
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