Adieu vaches, cochons, couvées, voilà le rapport Déméter « Alimentation : les nouvelles frontières »
Alors que l’affiche du SIA 2022, qui s’ouvre le 26 février, met en avant une belle Abondance, une superbe savoyarde nommée Neige, pour séduire les urbains en mal de pâturages « labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée… » comme le déclarait Sully surintendant des Finances, le Club Déméter a présenté, le 10 février la 28e édition de son ouvrage annuel. Sous l’intitulé «Alimentation : les nouvelles frontières», ce laboratoire d’idées agricoles associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) entend faire passer le message que l’alimentation (re)devient une arme stratégique.
Le Club Déméter c’est 73 entreprises et structures ICI professionnelles représentant l’agriculture agro-industrielle.
Trois quarts des adhérents de DEMETER ont des activités internationales. Ensemble et dans le monde, ils représentent un chiffre d’affaires consolidé de 300 milliards d’euros et emploient 600 000 salariés.
L'IRIS a été créé en 1991 par Pascal Boniface sous le statut association loi de 1901.
L'IRIS est un think tank français travaillant sur les thématiques géopolitiques et stratégiques. L'IRIS est organisé autour de 4 pôles d'activité : la recherche, la publication, la formation et l'organisation d'évènements. Il a été reconnu d'utilité publique en 2009. ICI
Nous sommes dans « la cour des Grands », une approche géostratégique de l’agriculture, certes discutable, mais qui ne peut être repoussée d’un simple revers de mains comme le font les écologistes et les insoumis, cependant elle ne me semble pas exclusive d’une autre forme agriculture, viticulture créatrice de la valeur, qu’il ne faut pas réduire à un retour au passé vaches, cochons, couvées…
Quand l’alimentation redevient stratégique
Le Club Déméter a présenté, le 10 février la 28e édition de son ouvrage annuel. Sous l’intitulé «Alimentation : les nouvelles frontières», ce laboratoire d’idées agricoles associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) entend faire passer le message que l’alimentation (re)devient une arme stratégique.
Sans doute la crise du Covid-19 a-t-elle remis en perspective les risques d’approvisionnement, de sécurisation et in fine de souveraineté alimentaire. Cette question agrège, à elle seule, de nombreuses facettes, de l’amont de l’agriculture au consommateur final en passant par la chaîne logistique, la question de normes, celle des cultures alimentaires et de l’environnement, ou encore les influenceurs des réseaux sociaux. Une chose est certaine : «On constate un réarment des politiques alimentaires à travers le monde», a soutenu Matthieu Brun, responsable des études et des partenariats académiques au Club Déméter. Car l’alimentation est devenue «un marqueur de la puissance d’un pays», a-t-il ajouté. Il en est ainsi de la Chine sur le marché du porc ou de la Russie sur le marché du blé. D’autres pays, à l’image de la cité-Etat de Singapour (719 km2, 6 millions d’habitants) qui ne possède quasiment aucune terre agricole, s’interroge sur la manière dont il pourrait assurer sa souveraineté alimentaire. Par l’innovation ? Si oui à quel prix ? D’autres frontières, nettement moins visibles, se révèlent tout aussi primordiales pour l’agriculture et l’alimentation. L’éducation est l’une d’entre elle, notamment dans les pays d’Amérique (Nord, Latine et Sud) qui sont confrontés à une explosion du taux d’obésité. La mise en place de régimes alimentaires pourrait impacter les productions locales ainsi que les importations agroalimentaires. «Un vrai défi sociopolitique», concède Matthieu Brun. Il rejoint en cela Samuel Rébulard, professeur agrégé à l’Université de Paris-Saclay pour qui «ces régimes ont un impact sur la production, la santé et l’environnement». Il pré-vient cependant que la réduction de consommation de viande ne doit pas être l’alpha et l’oméga des futurs régimes alimentaires «notamment dans les pays où les carences en fer sont chroniques».
Guerre des étoiles ?
Tout aussi primordiales sont les chaînes logistiques qui participent à la sécurité des approvisionnements. Après avoir été longtemps boudé par les autorités publiques, et là encore à la faveur de la crise Covid, le rail redevient un élément clé de l’alimentation. Delphine Acloque, enseignante-chercheuse en géographie rappelle ainsi la réouverture de la ligne Perpignan-Rungis (Train de primeurs) et le recours au rail, en pleine pandémie, pour satisfaire les Japonais qui importent, bon an mal an, près de sept millions de bouteilles de Beaujolais nouveau. Ce retour en grâce du rail poursuite deux objectifs : la conquête de nouveaux marchés et la diminution de l’empreinte carbone. L’avenir du fret ferroviaire «va d’ailleurs plus reposer sur son adaptation aux chaînes logistiques complexes que sur une concurrence avec d’autres modes de transports», a-t-elle expliqué. Comme dans l’édition 2021 où elle avait interrogé le spationaute Thomas Pesquet, la cuvée 2022 Déméter prend de la hauteur en se penchant sur l’alimentation, champ d’action possible d’une «nouvelle guerre des étoiles». En effet, pour Quentin Mathieu, responsable économie à La Coopération agricole, «la problématique alimentaire reste essentielle dans la réussite de la conquête spatiale. Manger et produire de quoi manger dans des conditions d’impesanteur sont donc nécessairement deux axes majeurs de recherche et de développement pour les agences spatiales à la fois pour prolonger les missions en orbite mais aussi pour envisager des projets de colonisation sur des corps célestes».
Une montée en puissance des PAT
Créés en 2014, avec la loi d’avenir pour l’agriculture, les PAT ont pour mission de créer une dynamique entre agriculture locale et alimentation, d’encourager des pratiques agroécologiques tout en consolidant des filières agricoles et de rapprocher différents acteurs économiques ou associatifs. L’objectif initial de 500 PAT a été revu à la baisse et remplacé par un PAT par département. Lors d’une rencontre du réseau national des PAT, début février, consacrée aux effets du plan de relance, François Beaupère, vice-président de Chambres d’Agriculture France (APCA), a souligné l’importance de ces PAT pour maintenir «une ruralité vivante, renforcer le lien entre agriculture et alimentation, développer le dialogue avec la société civile afin de créer des partenariats et rendre des services à la collectivité». Les stratégies sont différentes selon les régions mais 60 % des projets concernent la constitution de filières pour atteindre le consommateur local ou servir la restauration collective. Si les porteurs de projets sont majoritairement des communautés de communes ou des métropoles, les chambres d’agriculture sont toujours impliquées, ne serait-ce que pour fournir un diagnostic agricole. Cette manne de 80 millions d’euros a donné un nouveau souffle à ces PAT qui se veulent avant tout une démarche, un nouvel état d’esprit. Nicolas Orgelet, élu vert de la Communauté d’agglomération de Blois et référent du PAT «Pays des Châteaux» expliquait ainsi que ces projets «mobilisent d’autres politiques publiques, celles relevant de l’économie sociale et solidaire, du ministère du travail ou de la santé, des fonds européens Leader …etc. L’élu doit faciliter les liens entre ces différents partenaires.» Pour une vue d’ensemble des PAT : rnpat.fr
Le Déméter 2022 pose les nouvelles frontières de l’alimentation ICI
Rouen, premier port céréalier d’Europe de l’Ouest. Le blé part principalement vers l’Afrique du nord. | DR
L’agriculture devient la « valeur refuge » des placements financiers ICI
Le 28e rapport du Club Déméter rappelle que la crise du Covid-19 a accéléré, depuis deux ans, la recherche de souveraineté alimentaire.
Ouest-FranceGuillaume LE DU.
Publié le 22/02/2022 à 17h30
La crise du Covid a accéléré la recherche de souveraineté alimentaire, désormais un enjeu de puissance étatique. Et de placements financiers. « L’alimentation est une valeur refuge » , expliquent Sébastien Abis et Matthieu Brun, codirecteurs de la 28e édition du rapport Déméter (sous-titré « Alimentation : les nouvelles frontières »), ouvrage de référence sur les enjeux stratégiques de l’agriculture et de l’alimentation.
« BlackRock, le plus important gestionnaire d’actifs au monde, mais aussi de nombreux fonds dédiés et des fonds souverains, investissent dans la plus vieille histoire du monde : se nourrir. » À titre d’exemple, la Fondation Bill-et-Mélinda Gates place aujourd’hui, dans l’alimentation, des sommes plus importantes que l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Le fonds souverain de Singapour, Temasek, consacre 10 % de ses actifs à l’agroalimentaire […]. Singapour dont l’autosuffisance alimentaire est de 10 %, ambitionne de passer à 30 %. »
Rachat de milliers de terres
Après la crise financière de 2007-2008, la question alimentaire était déjà un sujet stratégique dans les relations internationales. La population mondiale s’accroît, mais pas les terres cultivables. Un exemple : les Émirats arabes unis (EAU) sécurisent leur approvisionnement en rachetant des milliers d’hectares de terres en Afrique. « ADQ, le fonds souverain d’Abou Dhabi (la capitale des EAU), a racheté 45 % de Louis Dreyfus Company », une multinationale de négoce de matières premières agricoles et un transporteur maritime. L’accord, signé fin 2020, s’est doublé d’un contrat à long terme pour la vente de matières premières agricoles. « Les fonds essaient de plus en plus de verticaliser leur investissement, en maîtrisant toutes les étapes, depuis la production jusqu’à la consommation. »
Coédité par l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et le Club Déméter, le « Déméter » paraît chaque année en février : 400 pages d’analyses, des infographies, cartographies et statistiques mondiales, dix-huit chapitres prospectifs, sur lesquels ont travaillé cinquante auteurs et dix-huit collaborateurs.