Tenue traditionnelle au Japon portée lors de grandes occasions, de cérémonies ou tout simplement pendant le week-end (janvier 2020 - Tokyo)
Confiné, enfermé, privé de vélo, le risque est grand de se ruer vers le frigo pour manger à toute heure de la journée.
« Avec le confinement, la routine des repas est plus que jamais nécessaire » nous disent les experts en régime.
Sophie Deram est l’auteure d’« Oubliez les régimes, ils font grossir » (éditions Marabout).
Alors pour tenter de dénouer ce nœud gordien, manger/jeûner je me suis tourné vers la japonaise qui adore cuisiner et manger Ryoko Sekiguchi.
En général, quand j’ai faim, je suis prêt à tout dévorer, alors je me précipite à la cuisine et je me prépare quelque chose. D’où mon embonpoint. Mais j’ai réformé mon cœur. Maintenant, quand j’aurai faim, je fermerai les yeux, j’irai dans ma cuisine imaginaire et je me cuisinerai ma faim. D’accord, mais ça se cuisine comment, la faim ?
Pour cuisiner la faim, il est essentiel de tenir compte du goût de l’ingrédient principal : la faim. Quel peut bien être le goût propre de la faim ? Dans le registre des pensées humaines, vous avez des pensées douces et des pensées amères. Les pensées douces sont réputées mauvaises. À l’école, vous avez des enseignants qui notent doux, et ceux qui notent salé. Les notes, les pensées ou la façon de vivre trop douces ou trop sucrées sont jugées néfastes, sur la considération que la douceur corrompt. À vivre dans le miel, on s’enivre et on s’y noie. Quand elle devient trop sucrée, la conscience attrape des caries.
La faim n’est certainement pas sucrée. Elle serait plutôt amère, avec une pointe d’aigreur qui monte au nez. Elle possède une mélancolie assez agressive et un coup de pied de l’intérieur qui prend la défense par surprise. Elle est fade mais pas insipide, elle a quelque chose d’une sécheresse tiède. Elle vous alanguit et néanmoins vous ramène toujours à la réalité concrète. Plus j’y pense, plus je la trouve semblable à un fruit qui pousserait à l’intérieur du ventre, ou a une sorte de légume. Au début, elle est verte et coriace, puis elle mûrit peu à peu et devient comme une tomate rouge. Une tomate qui a tiédi à la chaleur de votre corps. Quand elle a atteint ce stade, elle ne sera jamais meilleure que bien fraîche avec une pincée de sel.
L’acte de manger la faim est un acte d’imagination, et inversement, si vous voulez laisser vos pensées s’envoler, le meilleur moment sera celui où vous avez le ventre vide.
Il y a cette expression : « La faim est le meilleur repas », qui signifie que quand on a le ventre vide, tout a bon goût. Mais attendez une minute. Prenez-là à la lettre, l’expression signifie : « Il n’y a rien de plus délicieux que la faim. » Autrement dit, si j’ai faim, pourquoi me remplir la panse alors que je pourrais me régaler de ma faim ? Le sens est complètement renversé.
« Il faut manger pour vivre, et non point vivre pour manger », dit-on. Sottise ! Manger est l’acte de vie par excellence. Et la faim étant un délice, l’homme est tout le temps en train de manger quelque chose. Et avoir la tête en l’air, c’est se restaurer la conscience.
Bien évidemment ce texte est une réponse aux nantis de l’alimentation, il ne s’adresse en rien à celles et ceux qui ont faim et n’ont rien ou presque à manger…