À peine ai-je posé le pied dans l’ancien fief des bonapartistes, Ajaccio, aujourd’hui ville capitale du duo Simeoni-Talamoni, que je me précipite dans ma librairie fétiche : La marge, haut-lieu culturel de l’île
Alors je maraude, je flaire, je les repère, je les sens, je les touche, je les achète, je les lis…
Cette année une trilogie : Jérôme Ferrari bien sûr, la star locale, sa trombine est affichée partout, prof de philo au lycée Fesch, Goncourt 2012, avec son nouveau roman À son image chez Actes Sud ; puis 1 essai de Jérôme Fourquet, un sondeur de l’IFOP : La nouvelle question corse, nationalisme, clanisme, immigration éditions l’aube ; enfin un polar de Michèle Pedinelli, Boccanera aux éditions de l’aube.
J’ai commencé par le dernier, ça se passe dans le vieux Nice, pas celui des paillettes, de l’horrible Ciotti et du motard-maire Christian Estrosi, ce qu’il reste du Nice populaire pas encore croqué par les requins de l’immobilier. C’est un premier roman, enlevé, sans prétention, bien ficelé, crédible, usant des clichés du polar sans y sombrer. C’est efficace, avec ce qu’il faut d'humour, sans le lourd des jugements de valeur.
Que disent les éditeurs en 4e de couverture :
« Si l’on en croit le reste de l’Hexagone, à Nice il y a le soleil, la mer, des touristes, des vieux et des fachos. Mais pas que. Il y a aussi Ghjulia - Diou - Boccanera, quinqua sans enfant et avec colocataire, buveuse de café et insomniaque. Détective privée en Doc Martens. Un homme à la gueule d’ange lui demande d’enquêter sur la mort de son compagnon, avant d’être lui-même assassiné. Diou va sillonner la ville pour retrouver le coupable. Une ville en chantier où des drapeaux arc-en-ciel flottent fièrement alors que la solidarité envers les étrangers s’exerce en milieu hostile... Au milieu de ce western sudiste, Diou peut compter sur un voisin bricoleur, un shérif inspecteur du travail, et surtout une bonne dose d’inconscience face au danger. »
Extraits
« Madame Boccanera ?
- Oui ?
- Comme nous allons nous revoir et nous téléphoner, j’aurais voulu savoir comment se prononce votre prénom… C’est Guejulia ?
- Non. Dioulia.
- C’est… particulier.
- Non, c’est Corse. »
Il y a aussi, Joseph Santucci, l’homme de sa vie, beau, intelligent, attentionné, un Corse avec le sens de l’humour, ce qui est suffisamment rare, commandant de police, son ex.
« Son visage s’est creusé sous l’effet de la douleur. Évidemment, il ne dit rien, pas la moindre plainte ou le moindre petit gémissement. C’est un homme, que dis-je, c’est un Corse, ert malgré son intelligence, son sens de l’humour et du progrès social, ce bonhomme-là est rattrapé par quelques siècles de traditions mortifères qui empêchent tout insulaire de dire « J’ai mal ». On subit, on endure, on combat, mais on ne perd pas la face en avouant qu’on déguste sérieux. Même lorsqu’on vient de se faire tirer dessus et enlever la rate. »