Pourquoi sommes-nous devenus si peureux, si anxieux, si frileux, si pessimistes, aurions-nous perdus la mémoire, surtout nous les presque vieux accouchés dans la grande vague du baby-boom ?
Sommes-nous si oublieux des temps que nous avons vécus, incapables d’assumer notre Histoire, non pour la célébrer mais pour la mettre en perspective afin de contribuer à lutter contre la dictature de l’immédiateté, le c’était mieux avant, l’immobilisme quand ce n’est pas la régression.
Nous, que l’on met tous dans le grand sac des seniors, sommes-nous en train d’engluer, nos enfants et nos petits-enfants, dans notre frilosité, notre égoïsme de nantis – pour ceux des retraités qui, comme moi, sont à l’aise, et ils pèsent lourds –, dans notre conservatisme de rentiers ?
Se souvenir d’où nous venons devrait nous permettre, puisque l’espérance de vie nous fait peser lourd dans la balance du politique, de sortir de notre confort pour assumer notre rôle de passeur de témoin aux générations futures. Mettre la main à la pâte et à la poche pour accompagner les projets de celles et ceux qui se coltinent à la dureté du temps.
Prêchi-prêcha que tout ça me direz-vous, rassurez-vous je ne prêche pas, je sais d’où je viens, j’essaie d’être là où il faut être, de faire au niveau de mes moyens, sans me mettre en avant, ça m’aide à vivre le temps qui me reste à vivre, je n’emporterai pas mon Livret A au paradis, si tant est qu’il y en est un, et si oui je risque fort de n’y être pas admis
Lisez attentivement cette chronique :
Les retraités pèsent de manière démesurée sur la définition de l'offre politique.
Revenons à la Corse avec Ange-Raymond Antonini « Nos Excellences ne se salissent pas les mains, elles délèguent l’intendance à leur cabinet »
En septembre 1970, sous le pseudonyme de Jacques Lantier, ce haut fonctionnaire de l'Intérieur, ancien agent secret, cité à l'Ordre de la Nation pour faits de Résistance, jouissant d’une réelle notoriété dans la Police « vérolée » de la IVe République, publie chez Fayard un brulot : « Le temps des policiers »
En 1960, il se portait volontaire pour la Coopération et partait en Afrique Noire, d'abord au service de la France, puis ensuite comme expert de l'Organisation des Nations Unies. En Afrique, Ange-Raymond Antonini se convertit à l'anthropologie et se livre à des recherches au cours de ses voyages. De retour à Paris il fait, au Musée de l'Homme notamment, des conférences qui lui valent d'être admis à la Société d'Anthropologie de Paris.
Son livre véritable acte d'accusation contre notre société demeurée selon lui, proche des sociétés primitives, en proie aux angoisses collectives, à la merci des ambitions et des appétits de minorités dénuées de scrupules.
De Gaulle « avait du militaire à la fois la grandeur et les faiblesses. Tout comme Pétain, on le savait obnubilé par des histoires de 2e Bureau, de police, d’espionnage, de barbouzes, de dames Bonacieux… » et que « l’un et l’autre couvrirent la France et le reste de réseaux jacassiers où l’on retrouvait parfois des moines ferrailleurs, comme on allait autrefois des mousquetaires de la reine aux mousquetaires du roi… » écrivait-il.
«Nos Excellences ne se salissent pas les mains, elles délèguent l’intendance à leur cabinet. Je trouve l’appellation fort adéquate car ces cabinets sont bourrés de personnages aux qualifications douteuses qui coiffent les administrations sans subir de concours, qui ne doivent qu’au piston les pouvoirs qu’ils s’accordent, qui accaparent l’Etat au profit des clans. Ce sont des milliers de prébendiers, des mangeurs de crédits, des rongeurs de budget, des croqueurs de fonds secrets, des dévoreurs de bénéfices qui régentent, exploitent, tètent, sucent et épuise la France par la seule volonté de la camarilla qui règle nos affaires… »
En bon corse, Ange-Raymond, jouait les Casamayor – pseudonyme d’un haut magistrat adepte des tribunes libres dans le Monde de Beuve-Méry – version lyrique, en durcissant le trait mais, sans contestation, il plaçait le doigt sur un bubon gorgé de pus. À juste titre il avait raison de souligner que « la police publique est devenue peu à peu une police privée. À quoi servirait la suppression des polices parallèles si, par des missions obliques, les services officiels exercent leurs mandats occultes parallèlement au droit et à la justice ? »
La Corse libérée ! La Corse insurgée ! Mais la Corse oubliée ! Que savons-nous sur le continent de cet exploit réalisé sur l'île, premier département français à s'être dégagé des griffes de l'occupant en septembre 1943 ? On en sait beaucoup sur le débarquement en Normandie, bien sûr. Sur la Provence, bien moins. Mais, sur la Corse, rien ou presque rien. Cet événement périphérique, mythifié, parfois exagéré, par les autonomistes, n'a pas eu droit à une seule note en bas de page dans notre roman national. Sans être corsophile, on peut le regretter, car, par ailleurs, l'histoire est singulière... »
Ironie des appellations, c’est le Front national, organisation résistante proche du Parti communiste, qui va mener « un incroyable et fulgurant travail de mobilisation populaire en misant sur l’italianophobie après l’arrivée de 80 000 soldats italiens en novembre 1942. Il convoque aussi l’histoire insulaire : Paoli, Sampierro, le condottiere du XVIe siècle qui s’était opposé à Gênes, mais sans aucune référence à Napoléon ni à la France. »
Les résistants jouent Alger, le Général Giraud contre de Gaulle, via un militaire, Paulin Colonna d’Istria, pour se faire livrer des armes débarquées par des sous-marins anglais et le « Casabianca »
« Dès qu’ils les ont réceptionnés, ils dictent leur tempo : aussitôt que les Italiens, débarrassés de Mussolini, auront signés l’armistice avec les Alliés, ils s’insurgeront. »
Le lendemain de cet armistice, rendu public le 8 septembre 1943, Ajaccio se soulève, et 40 résistants prennent d’assaut la Préfecture sans rencontrer de grande résistance. Petit à petit les Italiens qui les avaient pourchassés se rangent à leur côté et 5 jours plus tard, 4000 hommes – surtout des goumiers et des tirailleurs marocains – venus d’Alger arrivent à la rescousse et débarquent à Ajaccio.
Les Allemands, les 4000 SS-la XVIe Panzerdivision reconstituée après un passage sur le Front de l’Est stationnés au Sud de l’île, remontent par la plaine orientale ou par bateau jusqu’à Bastia d’où ils chassent les Italiens le 13 septembre.
Les résistants avec l’appui conjoint des troupes d’Alger et des Italiens convergent vers Bastia. Le principal et dernier engagement a lieu au col de Teghime, conquis par les Marocains le 2 octobre. Le 4 octobre, les Italiens reprennent Bastia aux Allemands, qui réembarquent ce jour-là.
La Corse est libérée !
De Gaulle, bien qu’écarté de l’opération – qu’il aura bien soin d’escamoter dans ses Mémoires – débarque dès le 5 octobre à Ajaccio et entame une tournée triomphale.
En bon et habile stratège politique, il étouffe dans l’œuf la stratégie des communistes en déclarant en Corse la mobilisation générale en novembre 1943, phénomène unique en France.
Le 8 octobre, à Bastia, place l’accent sur la portée symbolique de l’aventure : « La Corse a la fortune et l’honneur d’être le premier morceau libéré de la France. Ce qu’elle fait éclater de ses sentiments et de sa volonté, à la lumière de sa libération, démontre ce que sont les sentiments et la volonté de la nation toute entière. (…)
Les patriotes corses groupés dans le Front national auraient pu attendre que la victoire des armes réglât heureusement leur destin. Mais ils voulaient eux-mêmes être des vainqueurs. »
Dès le 4 décembre 1938, alors que Mussolini revendique « Corsica, Savoia, Tunisia a noi » des milliers de Corses se sont rassemblés devant le monument aux morts de Bastia. Là, ils déclarent de façon solennelle : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir français. »
172 insulaires résistants, 87 militaires et 200 civils sont morts pour libérer la Corse.
Folelli : Pour découvrir ou revisiter autrement la Résistance et la Libération de la Corse ICI