Le bar, qui est une unité de mesure de pression, pourrait faire accroire aux ignorants que l’extrême-sud de la Champagne viticole, longtemps méprisé par les gens du Nord, se dénomme côte des bars pour cette raison. Ça semble lui aller comme un gant.
Que nenni !
Mais alors de quel bar s’agit-il ?
Si on se réfère à l’origine du mot, c’est en référence à la langue gauloise : barr signifiant « sommet ».
Mais, ce qui est étrange c’est que les armories, les blasons de villes avec le préfixe bar : Bar-le-Duc en Lorraine, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine en Champagne, et Montbard en Bourgogne sont ornées de poissons dénommés bars en héraldique.
Mais ces poissons sont-ils des bars ?
Ces villes sont fort éloignées de la mer ou de l’océan. En réalité il est tout à fait possible que le nom de bar soit utilisé ici dans un sens élargi, pour désigner une perche de rivière et non pas la perche de mer qu’est le bar.
Mais là où l’appellation se complique c’est qu’il y a déjà deux noms pour le même poisson. En effet ce poisson est abondant dans l’Atlantique et dans la Méditerranée, c’est donc bar au nord et loup au sud.
J’aime bien cette dernière dénomination car le nom du bar en grec ancien est labrax, dérivé de l’adjectif, labros « vorace »
N’y voyez aucune malice de ma part à l’égard de mes amis vignerons champenois, je ne fais qu’éclairer la lanterne des jeunes générations qui n’aiment rien tant que twitter.
Mais ce n’est pas tout dans ma patiente quête des mots, en effet il faut que vous sachiez que chez moi, sur la côte vendéenne, le bar est aussi désigné par d’anciens noms dérivés du latin lupus, comme lubin, lubine, loubine… qui ont des équivalents en espagnol lubina et en catalan llobina.
Dans ma jeunesse, oui je sais vous bassine avec mes souvenirs, lorsque ma mère voulait faire plaisir à mon père elle lui cuisinait de la loubine. C’était son poisson roi, alors que maman était très sole. Dans son livre D’Yeu que c’est bon ! Bruno Verjus, qui n’aime rien tant que les îles et tout particulièrement l’insula Oya son anti-ville, jamais vile, de cœur et de pied à terre, parle de la loubine du plateau de Rochebonne.
La loubine fait partie intégrante de ma jeunesse : les adeptes de la pêche à la ligne, en mer, la plaçait tout en haut de leur hit-parade des prises et, les braconniers, ceux qui la nuit allaient « senner » au Marais Girard, se vantaient d'en ramener de pleins sacs de jute... Normal, la loubine est un petit bar et le bar, le loup en Méditerranée, est l'un des poissons les plus appréciés des amateurs.
À la maison nous n'en mangions que très rarement, sauf lorsque mon frère Alain se laissait entraîner par la bande de malandrins pour tirer nuitamment la senne (ou seine, filet disposé en nappe et formant un demi-cercle, en l'occurrence tirés à main d'hommes qui s'immergeaient jusqu'au cou dans l'océan à partir de la grève).
Alors, nous les mangions fricassées au beurre salé. Par, je ne sais quel décret interne, chez nous, seule la sardine avait droit, et à la fricassée si elle était petite, et à la grillade si elle était grosse.
Confidence d’un pêcheur :
« Il m'est arrivé, sur des fonds connus de m'avancer en péchant jusqu'au moment du retournement du jusant : presqu'immédiatement les touches reprennent et dans les petits fonds on aperçoit les hordes de loubines comme chevauchant la vague en direction du rivage... Tout juste si elles ne cognent pas mes bottes ... »
Le plateau de Rochebonne « se situe à plus de trois heures de mer des côtes d’Yeu. Vaste comme deux fois la surface de l’île, il offre un site rocheux unique pour la pêche au homard, langouste, thon germon et loubine.
En juillet, la loubine se pêche à la canne avec des lançons. En août elle musarde et modifie son régime alimentaire. Elle ne résiste pas aux ballardes, lignes de fond garnies de chancres-ballants, petits crabes blancs. »
Avec vos petites loubines vous levez des filets que vous faites cuire sur peau dans une grande poêle avec un peu de gros sel au fond pendant 5 à 6 minutes. Lorsque le dessus de la chair est encore translucide couper le feu.
1 jet de citron ou des pépites de beurre salé suffisent à vos petites loubines que vous pouvez accompagner d’une ratatouille tiède…
Ratatouille, comme à Mougins… ICI
« Et tout d'abord la liste des courses. Aubergines et courgettes, « de petite taille et bien fermes », oignon blanc, poivron doux « bien épais de chair », tomates bien mûres, une pincée de thym, de l'ail, du basilic frais, un peu de persil, de l'huile d'olive, sel et poivre. Les aubergines doivent être entièrement épluchées, et les courgettes en laissant des bandes de peau, de façon à obtenir un zébrage vert et blanc. Les tomates sont coupées en gros dés, les oignons en fines rondelles, et les poivrons en petites lamelles. Tous les légumes sont sautés séparément dans l'huile d'olive, les tomates avec le thym, puis mélangés au dernier moment pour être réchauffés avec l'ail, le basilic, le persil hachés. Roger Vergé précise : « Habituellement, la ratatouille se compose en cuisant doucement et longuement pendant 2 à 3 heures. Mais la recette que je vous donne a l'avantage de préserver la fraîcheur et la texture des légumes. »
Et avec ça vous servez au choix les Coteaux Champenois du milieu :