Commençons par l’histoire d’un inconnu, dont le membre, indument badigeonné, à l’hôpital, d’acide acétique pur au lieu de sa formule diluée, avait dû être mis en jachère sexuelle pendant 2 mois et demi.
La faute reconnue par le médecin, il revenait au juge du tribunal de Saintes (Charente-Maritime) d’évaluer le préjudice subi par son patient.
Le plaignant demandait 12 000 francs de dommages et intérêts.
Le juge s’est livré au calcul suivant :
« La moyenne relevée en général dans les couples français étant d’un rapport par semaine, il [le plaignant] peut légitimement se plaindre d’avoir été privé de dix rapports conjugaux, ce qui fixe la valeur du rapport à 1 200 francs [183 euros]. » Le juge a trouvé que c’était beaucoup trop cher payé et a considéré que 3 000 francs (457 euros) suffiraient à réparer le préjudice « réellement » subi par le propriétaire du précieux outil endommagé.
« Pas de semaine sans Brigitte », titrait Paris-Match à l’automne 1961.
« Sa moue, ses lèvres, ses seins, ses cuisses dénudées et son insupportable liberté exposés à tous les regards scandalisent la hiérarchie de l’Eglise catholique qui voit en elle une « créature du diable ».
Le Vatican avait d’ailleurs choisi une photo de Bardot en transe dansant le mambo dans Et Dieu créa la femme pour incarner le mal et la luxure dans son pavillon à l’Exposition universelle de Bruxelles, en 1958. »
L’affiche de La Bride sur le cou, sur laquelle l’actrice apparaît en bikini jaune, les bras repliés en croix sur ses seins, est apposée sur les murs d’un cinéma de Cambrai (Nord). Cette fois, c’en est trop pour les puissantes associations familiales du département, qui assignent aussitôt le propriétaire de l’établissement devant le tribunal de police pour «outrage à la décence ».
Cette affiche n’existe plus, dans sa version française, sur la Toile : la faute aux attendus du juge Faugeroux.
Deux mois plus tard, le juge Faugeroux rend son jugement. Il s’ouvre par une inspection minutieuse de l’anatomie de la belle insolente :
« Attendu que le visage de l’actrice n’exprime pas la confusion, mais, sous deux yeux effrontés, une moue qui, pour être enfantine, ne laisse pas d’être équivoque. Attendu encore qu’à l’exception du côté droit, où la trame plus serrée du cliché accuse les contours extérieurs et le déhanchement suggestif, le corps est traité en très légère demi-teinte, le cache-sexe qui dissimule la région pubienne se distingue à peine du ventre délicatement modelé sur lequel l’ombilic se dessine avec la précision d’une planche anatomique et le fini d’un bijou. »
Le juge poursuit :
« Attendu qu’une femme dévêtue sur la plage ou dans une piscine n’est pas indécente, mais que, si elle se promène dans la rue dans la même tenue elle est indécente. Or l’affiche a été apposée dans la rue et par suite, il suffit d’imaginer qu’à sa place il y a le personnage réel… »
Attendu qu’à n’en pas douter, le juge Faugeroux s’est lui-même livré à cet effort d’imagination, il en a conclu que tout cela était bel et bien un outrage à la décence et a condamné le propriétaire du cinéma à 200 francs d’amende. »
Les petites annonces de Libé : « le représentant de l’accusation énonce gravement les objets du délit : « scorpion, larbin, sucettes, grand gars, cul très ouvert, gros pafs, mecs super-virils » et dénonce cette « volonté de provocation, la revendication d’une liberté absolue, sans limites, sans frontière, ce qui est impossible ».
L’avocat de Libération, Me Henri Leclerc, tonne :
« C’est donc ça, Messieurs, qui vous choque. Ce n’est pas le fait d’attirer l’attention sur la débauche, c’est qu’on parle de cul ! Est-il encore possible que l’on soit si loin de la réalité, si loin du monde où l’on a sa place de juge ? Vous ne pouvez pas continuer à rendre vos jugements enfermés dans vos salles d’audience, sans savoir que le monde change ! Mais comme il est difficile à la vie d’arriver jusqu’à vous ! »
L’exhortation de l’avocat est vaine, le tribunal correctionnel condamne Libération à 3 500 francs d’amende en relevant que « l’infraction est d’autant plus grave qu’elle est commise dans un journal quotidien d’information générale ».
La liaison présumée Valérie Trierweiler-Patrick Devedjian dans une bio de la dame.
Plainte du monsieur devant la 17e Chambre du TGI de Paris (que j’ai fréquenté par les bons soins d’Hubert).
Est-ce une diffamation ?
« Une diffamation, rappelle d’abord le tribunal, est « l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération ». Celle-ci, précise-t-il, doit être appréciée « indépendamment de la sensibilité de la personne visée » au seul regard de « considérations objectives d’où s’évincerait une réprobation générale ».
Suit ce morceau d’anthologie dans la décision, rendue en juin 2013 :
« Attendu que l’adultère a été dépénalisé depuis près de quarante ans et que l’évolution des mœurs ne permet plus de considérer que l’infidélité conjugale serait contraire à la représentation commune de la morale, les propos incriminés, même si le demandeur a pu les juger désagréables, ne portent pas atteinte à son honneur ou à sa considération. »
Patrick Devedjian est condamné à verser 1 000 euros à chacun des auteurs au titre des frais de justice qu’ils ont été contraints d’engager.
Le député fait appel, mais la cour approuve la motivation du tribunal et la reprend entièrement à son compte. Patrick Devedjian se pourvoit devant la Cour de cassation. Et là, consécration suprême pour la juge Anne-Marie Sauteraud, qui a rédigé le jugement : dans un arrêt rendu en décembre 2015, la plus haute juridiction française confirme. C’est « à bon droit », observe l’arrêt, que les juges ont retenu que « l’évolution des mœurs et celle des conceptions morales ne permettent plus de considérer que l’imputation d’une infidélité conjugale serait à elle seule de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération »
En janvier 2012 La Le Pen qui selon Rivarol, qui, dans un long article particulièrement polémique sur son mode de vie, cite ce propos rapporté : « C’est une fille qui aime manger, boire et baiser comme son père. » poursuit à la fois pour « diffamation » et « injures publiques » ce journal d’extrême droite.
« Le tribunal rend sa décision un mois plus tard : il écarte la diffamation en relevant que « le fait d’aimer boire, même de façon importante », n’est pas contraire à l’honneur ou à la considération. Il ne partage pas non plus l’avis de Marine Le Pen sur « l’injure » que représente, selon elle, l’usage du verbe « baiser ». « Le choix d’un terme vulgaire pour évoquer de tels goûts, qui n’ont en eux-mêmes rien de répréhensible ni de contraire à la morale communément admise » ne suffit pas à donner « un caractère outrageant » aux propos, dit le jugement.
Rivarol est relaxé. La cour d’appel confirme. Mais la Cour de cassation ne partage pas l’avis des juges sur les plaisirs de la vie. En février 2014, elle casse la décision. Sous la plume d’un conseiller de la Cour, l’expression « aimer boire, manger et baiser » devient une « imputation de mœurs dissolues et d’un penchant pour la débauche » que la plaignante peut à juste titre considérer comme injurieuse. »
L’affaire du Carlton à propos de DSK et de ses besoins et pratiques sexuelles «hors norme»
Le procureur, dans son réquisitoire avait observé : « Chacun est libre de vivre sa sexualité comme il l’entend. Cela relève de la sphère privée. Ni le procureur ni le juge n’ont le droit de s’ériger en gardien de l’ordre moral. Ce que la morale doit parfois réprouver doit rester en dehors du débat judiciaire, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une infraction pénale. Nous travaillons avec le code pénal, pas avec le code moral. »
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LE MONDE Par Pascale Robert-Diard