Mon point de vue de consommateur aisé, qui n’est pas un adepte des vins très chers, n’a ici que peu d’importance mais je suis en droit de m’interroger sur la part qui revient, dans un tel prix de vente consommateur, au vigneron alsacien.
Quand a mon passé il est connu de tous et je ne renie rien de mon rapport de 2001 qui défendaient les mêmes idées : chacun boxe dans sa catégorie. Ce n'est pas parce que je donne un point de vue sur une pratique qui ne va pas, toujours tirer les prix vers le bas en badigeonnant le tout de conseils, que je nourris une quelconque aigreur à l'endroit de la profession de sommelier que je respecte. Je ne fréquente pas les beaux châteaux, ni les salons hupés, je bois tout simplement. Pour le buzz ce n'est pas ma tasse de thé, je ne tire aucune profit de ce blog et ça fait 11 ans que je chronique tous les jours en toute liberté, si tel était le cas je ne serais plus là. Quant à l'argument de foutre la paix à ceux qui travaillent, il est à une hauteur que même un petit blogueur comme moi peut apprécier. Enfin, pour débattre je suis toujours partant et c'est ce que je fais dans cette chronique.
La question que j'ai posé en entame il revient, en priorité, aux vignerons alsaciens ou à leurs représentants de me répondre. J’en connais beaucoup et il me semblerait de bonne politique qu’ils donnent leur point de vue sur mon espace de liberté. Les intermédiaires, dont je ne nie pas l'utilité, ne sont que par trop intéressés par la justification de leur rôle dans le chaîne.
Repartons de leurs justifications, la démocratisation du vin, donner accès à de bons vins pas chers. ce n'est pas moi qui dirai le contraire mais que la grande distribution en soit le meilleur vecteur j'en doute. Qu'elle se tailla la part du lion dans la vente du vin n’est vraiment pas un scoop mais je ne vois pas ce qui, à terme, les mêmes causes produisant les mêmes effets, pourquoi ceux des vignerons qui, pour écouler des volumes, se prêtent à des prix cassés, ne se retrouveraient pas dans la même situation que celle des éleveurs actuellement.
Il ne s’agit pourtant que de quelques euros de plus mais ceux-ci font la différence dans la poche du vigneron mais aussi pour la notoriété de l’appellation. Quant au fameux consommateur, que dit défendre la GD, je ne suis pas sûr qu'il y retrouve finalement son compte avec des conseils chantournés par une plume de star de la sommellerie. La disparition du petit commerce dans les campagnes produit des effets ravageurs (voir ci-dessous)
À cette sauce-là que vaut alors un simple Alsace ?
Le prix d'une brique de lait UHT ?
Ah oui, on s’en sort avec le volume, une bonne vieille recette qu’a connue le Midi, brader son vin à ce niveau d’appellation ne me semble pas augurer d’un bel avenir car ce qui revient alors au vigneron est un prix de survie et non un prix lui permettant d’assurer la pérennité de son exploitation.
Que diable ça mérite mieux que des diatribes à mon propos.
À ce rythme-là il ne faudra pas s’étonner qu'une grande part du vignoble français d’AOC français coure à sa perte, lentement et sûrement. La belle image de la viticulture française, seul secteur où tout va bien, n’est qu’un « trompe l’œil » qui ne survivra pas aux réalités économiques.
Les bons chiffres des exportations, en valeur, ils viennent de quelles appellations ? Pas les bradeuses, sans aucun doute.
La dilution des AOC dans les signes de qualité est un risque mortifère, à force de tirer l’ensemble vers le bas on oblige les vignerons à mettre sous le boisseau ce qui faisait l’originalité et la force des appellations à la française.
Réflexion de vieux con mais j'assume.
Les foires aux vins pour les grandes enseignes c’est beaucoup de chiffre d’affaires, d’image, et l’argument d’apporter aux consommateurs du bon à des prix imbattables est un boomerang redoutable pour les vignerons. Ne parlons pas de l'ordinaire qu'on y trouve au jour le jour.
Ce n’est en aucun cas du gagnant-gagnant vu l’état du rapport de forces. Je ne risque pas d’être contredit car aucun vendeur ne sortira la tête du bois de peur de se voir blacklisté. Les négociations commerciales sont, comme chacun le sait, une partie de plaisir, vin compris.
Bref, si Aldi s’offre un sommelier-conseil, c’est de bonne guerre, mais servir de caution à une telle politique ne me va pas et je l’écris. C’est mon droit et ma liberté de consommateur qui ne sirote pas des GCC mais de bons vins à des prix tout à fait raisonnables achetés chez des cavistes.
Enfin, ma charge contre le titre de MOF de sommellerie, dont je ne retire rien, ne visait en rien la profession de sommelier tout court que je pratique avec bonheur au restaurant. Merci de le noter et de ne pas extrapoler comme certains l’ont joyeusement fait, sans m’avoir vraiment lu.
Je ne sais si les cigognes porteront mon message jusqu’en Alsace mais « Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »
Guillaume Ier d'Orange-Nassau
LIRE : Les dessous pas très propres d'Aldi DER SPIEGEL – HAMBOURG Publié le 24/05/2012
LIRE : Quand les commerces disparaissent, c'est le FN qui progresse
« Évidemment, ces données s’ajoutent à d’autres qui expliquent la puissance ou non du vote FN selon les zones. Elles renseignent cependant sur une réalité: les questions d’aménagement du territoire ont à voir avec l’aménagement commercial. Depuis trente ans, même en tenant compte des rapports de forces (réels) induits par la puissance économique de la grande distribution, toutes les potentialités contenues dans le code du commerce ou celui de l’urbanisme n’ont pas été exploitées et n’ont pas enrayé une mécanique vidant les plus petites communes de leurs commerces.
L’aménagement commercial est d’ailleurs très différent selon les régions. Celles de l’Ouest sont moins marquées par la désertification commerciale rurale que les régions du Nord, Nord-Est et Est. Depuis trois décennies, la part belle a été laissée à la grande distribution avec des conséquences économiques, sociales, politiques et électorales que l’on perçoit aujourd’hui. La disparition progressive des petits commerces du centre des petites villes et des villages s’est accélérée à mesure que s’est développé un aménagement commercial calqué sur le mall américain, dont les dernières évolutions du droit semblent indiquer qu’il n’est pas près de s’inverser. A l’entrée des chefs-lieux de canton ou d’arrondissement s’étendent donc des zones commerciales concentrant l’essentiel des commerces, laissant souvent se développer une «France moche», qui va nous accompagner encore pendant quelques décennies… »
PS. Lorsque Joël Thiébault, le maraîcher, qui s’est levé toute sa vie à 4 heures, se dit fatigué, à 62 ans, il ne veut pas mourir les pieds dans la terre, veuille terminer sa carrière dans le conseil j’applaudis des deux mains. Pourquoi n’existe-t-il pas un MOF de maraîchage ?