Tout arrive à qui sait attendre, nous avons déjeuné ensemble. Je revis. J’attends. Ai-je le temps ? J’ai du temps. À plaisir je le gaspille, sans elle. Rien ne me détournera de ma trajectoire et elle le sait. Son silence, ses silences loin de me plomber renforce ma détermination tranquille. Je l’aime. Elle le sait.
Impitoyable, le monde politique recèle une part de cruauté, de violence, d’humiliation, portée à sa quintessence pour ceux qui se retrouvent, par le fait du Prince, propulsé sous les ors de la République. Passer de l’ombre à la lumière, s’enivrer du pouvoir ou de son illusion, alors que simple CDD, sans contrat, le matin tu es courtisé et le soir rejeté dans les ténèbres extérieurs.
Fleur Pellerin, ministre de la Culture, vient d’être congédiée, prévenue de son infortune de façon lapidaire quelques minutes avant l’annonce officielle, elle a quand même eu droit, paraît-il à un coup de téléphone du président de la République après. Pour lui dire élégamment que le gouvernement avait besoin de quelqu’un « de politique ».
Qui ne s’est pas moquée de Fleur Pellerin suite à son aveu de ne pas avoir lu Patrick Modiano prix Nobel de littérature ? Ne pataugeant pas dans le marigot culturel je n’ai jamais eu d’opinion arrêtée sur elle ni sur son action. En revanche, ce que les Princes qui nous gouvernent viennent de lui faire subir me la rende soudain sympathique. Sentiment renforcé par son histoire personnelle assez extraordinaire.
À l’occasion de son discours de départ de la rue de Valois Fleur Pellerin vient de remettre les goujats à leur place avec une élégance, une sincérité et une fidélité qu’il saluer bien bas. Chapeau madame !
« Il y a peu de pays au monde où une enfant trouvée dans les rues d’un bidonville, d’un pays en développement, et adoptée par une famille modeste, dont la généalogie est faite d’ouvriers, de domestiques, puisse un jour se retrouver ministre de la Culture. J’ai une gratitude immense, indicible pour Manuel Valls d’avoir proposé mon nom au président de la République en août 2014. Je tiens à lui dire ma reconnaissance et ma fidélité ».
Vous avez incarné avec honnêteté ce bail précaire, soumis aux caprices du prince
« Ô médiocratie fétide, poésie utilitaire, littérature de pions, bavardages esthétiques, vomissements économiques, produit scrofuleux d’une nation épuisée, je vous exècre de toute les puissances de mon âme ! Vous n’êtes pas la gangrène, vous êtes l’atrophie ! Vous n’êtes pas le phlegmon rouge et chaud des époques fiévreuses mais l’abcès froid aux bords pâles, qui descend, comme d’une source, de quelque carie profonde. »
Carnets du poète Louis Bouilhet cités par son ami Gustave Flaubert.
« Médiocrité » est en français le substantif désignant ce qui est moyen, tout comme « supériorité » et « infériorité » font état de ce qui est supérieur et inférieur. Il n’y a pas de « moyenneté ». Mais la médiocrité désigne le stade moyen en acte plus que la moyenne. Et la médiocratie est conséquemment ce stade moye hissé au rang d’autorité. Elle fonde un ordre dans lequel la moyenne n’est plus une élaboration abstraite permettant de concevoir synthétiquement un état de choses, mais une norme impérieuse qu’il s’agit d’incarner. Se dire libre dans un tel régime ne sera qu’une façon d’en manifester l’efficace. »
Et si Hollande ne se représentait pas ?
C’est Bouguereau, vieux briscard de la gauche soixante-huitarde, qui se pose la question.
« Que cherche donc François Hollande avec ce remaniement bricolé ? Où veut-il en venir ? L’homme est trop subtil, trop avisé, trop expérimenté politiquement pour qu’il puisse se leurrer sur sa situation personnelle, sur les chances de remonter la pente d’une impopularité qui ne se dément pas ? »
« … Il allait, disait-on, renverser la table. On n’a rien vu de tout ça. De mémoire de politologue on n’a jamais vu une telle volée de bois vert. Des journaux, aux députés de droite et de gauche, des associations féministes aux réseaux sociaux, le sentiment dominant, c’est la consternation. Il connaît les sondages. Il sait les interpréter. Comment peut-il penser rebondir alors que 75 % des Français ne souhaitent pas qu’il se représente et que dans les sondages, il retrouve ses plus mauvais scores, pires que ceux de Nicolas Sarkozy dont il connaît le niveau de détestation puisqu’il lui doit son élection ? Au point qu’on se demande si la condition qu’il a posée pour se représenter - l’inversion de la courbe du chômage - ne sera pas un prétexte tout trouvé pour jeter l’éponge in extremis. »
Comment Hollande peut-il sortir de la ratière ? le 8 février, 2016 par François Bazin
« François Hollande est dans la nasse. Fait comme un rat ? On ne va pas tarder à le savoir. Le Président de la République est à la veille de subir le plus rude revers de son quinquennat. Celui qui, à ce titre, risque de peser lourdement sur la fin de son mandat et les conditions de son éventuelle réélection. Jusqu’à présent, il avait franchi, vaille que vaille, toutes les haies qui se présentaient devant lui à force de ruse, d’habileté ou de persévérance. Depuis qu’il est à l’Élysée, François Hollande a parfois plié mais jamais il n’a encore reculé sur un texte engageant sa responsabilité personnelle. Or, c’est précisément ce qui lui pend désormais au nez avec la réforme constitutionnelle engagée au lendemain des attentats de novembre dernier.
Pour prendre la juste mesure de ce qui est en train de se passer, il suffit de rappeler que, sous la Cinquième République, une seule réforme de ce type a échoué après avoir été élaborée, vantée puis programmée par un Président en fonction. C’était en 1969 et la conséquence de cet échec fut le départ du général de Gaulle. On n’en est pas là. François Hollande, pour l’instant, a choisi la voie parlementaire pour arriver à ses fins. Si la révision doit échouer, ça sera donc le fait des députés et sénateurs et non celui des Français consultés par référendum. Mais, au bout du compte, comment imaginer que le Président puisse ne pas être atteint de plein fouet par un revers qui, s’il devait se confirmer, serait pour lui une forme de déchéance ?
À un an de la présidentielle, François Hollande joue donc très gros.
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Pourquoi le « phénomène » Juppé inquiète Sarkozy et Hollande ?
« Comme si de rien n'était... Comme si, de livre en plateaux de télévision, Nicolas Sarkozy ne continuait de battre sa coulpe devant des Français chaque jour plus indifférents... Comme si François Fillon, avec intelligence et vaillance, ne se bâtissait pas une stature d'homme d'État en prenant la peine de s'opposer (pour de vrai) à François Hollande et au gouvernement... Tout cela, apparemment, ne sert à rien puisque Alain Juppé, impavide, continue de tout écraser sur son passage.
Non pas l'apparition - cela date en effet de quelques mois déjà - mais l'amplification d'un "phénomène" Juppé qui ne manque pas de désespérer ses rivaux à droite et d'inquiéter, sérieusement d'ailleurs, l'entourage du président de la République. »
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Sarkozy-Juppé, un duel de styles
« Suivre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé revient à faire des allers-retours permanents entre deux planètes aux atmosphères bien différentes. Les deux principaux rivaux de la primaire à droite pour la présidentielle ne se ressemblent pas et leurs disparités colorent l’ambiance de leurs rencontres avec les Français.
Fort du succès de son livre, l’un se précipite vers ses fans et se réchauffe dans la ferveur d’une base de passionnés. Préparant méthodiquement son projet, l’autre prend consciencieusement des notes lors de ses déplacements, et accepte poliment les demandes de selfies. L’un séduit son public avec des petites blagues sur le président « Moi je », des envolées sur « les reculs de la République » et des revirements, comme sur le mariage pour tous. L’autre teste son futur programme, où il est question d’« apaisement », de « confiance » ou de « laïcité intransigeante mais intelligente » devant des salles très placides. D’un côté, une rock star capable de se dévoiler sur ses errements passés et jamais avare d’une confidence sur « Carla ». De l’autre, un professeur toujours prêt à disserter sur l’Union européenne devant les étudiants de Sciences Po, HEC ou Normale Sup. »
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- Il y a quelques années vous disiez François Hollande moins inspirant que Nicolas Sarkozy. Vous semblez avoir changé d’avis.
Patrick Rambaud : Il fallait voir Hollande à l’œuvre. Je l’ai donc laissé tranquille au début. Mais il n’a ni souffle, ni élan. Il ne sait pas parler aux gens, il ne parle que de chiffres et de courbes. Il vit en parallèle dans un monde imaginaire qui n’est pas le nôtre.
- En quoi François Hollande est-il un personnage romanesque ?
P.R. : Son goût du pouvoir, qu’il tente de cacher, le rend romanesque. Il est persuadé qu’une étoile le protège. Tout cela cache une fêlure. Un type qui va bien ne cherche pas le pouvoir à tout prix. Il faut supporter trop d’épreuves et être un peu fou. Mais c’est une maladie contagieuse !
- Beaucoup de ses amis le disent insaisissable. Pour vous, qui êtes habitué à croquer les politiques, quel est son vrai visage ?
P.R. : Il est assez dur en dépit de son côté rond et de sa bonhommie apparente. C’était aussi le cas de Raymond Barre ou de Charles Pasqua. Mais les petits nerveux ne sont pas mauvais non plus ! Nicolas Sarkozy est animé d’un esprit de revanche effrayant. On a l’impression que ces hommes politiques jouent aux échecs et se fichent du reste.
- Votre envie de pasticher les politiques est née après l’élection de Nicolas Sarkozy, sont-ce les images du Fouquet’s qui ont été le déclencheur ?
P.R. : Je ne vote pas. Mais le soir de son élection, lorsque son visage est apparu sur mon écran, je n’ai pas pu le supporter. Je suis sorti marcher deux heures, en me disant que ce n’était pas possible de passer 5 ans avec lui. J’ai eu envie de reprendre le principe de La Cour d’André Ribaud. Cela a donné mes premières chroniques du règne de Nicolas 1er. J’ai laissé sa chance à François Hollande mais l’énervement est vite monté et je me suis dis : « réintervenons » !
- Vous citez François le Grand (Mitterrand) : « mes successeurs seront de petits comptables ». Partagez-vous son diagnostic ?
P.R. : Oui, d’ailleurs, il n’y a jamais eu autant d’énarques à l’Elysée que sous la présidence Hollande. Ces gens-là n’ont rien vécu. Ils passent directement de l’école aux cabinets ministériels.
- Vous semblez plus indulgent avec Emmanuel Macron : « une étrange étoile dans la nuit d’un gouvernement inculte », écrivez-vous. Pourquoi trouve-t-il grâce à vos yeux ?
P.R. : Il est plus cultivé que les autres, lit des livres et est capable d’en parler. Manuel Valls aussi a une certaine culture. Il a grandi auprès d’un père peintre… Les ministres ne parlent aujourd’hui plus que de chiffres. Léon Blum, lui, travaillait le matin et lisait ou écrivait l’après-midi. Nous avons changé d’époque.
- Les phénomènes de cour sont-ils aussi prégnants que sous la précédente présidence ?
P.R. : C’est la même chose sous tous les règnes, mais aujourd’hui, les personnages politiques ont un peu moins de volume. A moins qu’on ne magnifie ceux que l’on a oubliés !
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