Le titre du POINT, très à la manière FOG, La fin des droits de plantation ou "la ferme des milles vignes" a de quoi tournebouler les black bérets si fier de leur terroir inimitable.
Le signataire de l’article n’est pas notre Jacques Dupont mais Raphaël Schirmer qui sur son blog emboite le pas de ceux qui imaginent ou prévoient voir pousser de la vigne en lieu et place des champs de betteraves, de céréales, de colza dans les grandes plaines du Nord.
Pur phantasme !
Pourquoi ?
« Trop tard ! » en parodiant Mac Arthur…
La vigne ce n’est ni du blé, ni du colza ou de la betterave à sucre, c’est une culture pérenne dont le retour sur investissement est long, périlleux, le vrac n’est pas coté à la Bourse de Chicago.
Le modèle du Nouveau Monde invoqué s’est développé sur la base d’une séparation entre ceux qui investissent dans la vigne, pour des raisons d’optimisation fiscale, et les wineries. Je vois mal nos élus de tous bords s’embarquer dans une telle galère.
Et pourtant c’est un groupe français, Pernod-Ricard, qui a développé sa branche vin sur la base du modèle australien, mais son modèle fondé sur des marques mondiales premium n’a pas fait école en notre vieux pays de vin. En effet, il n’existe aucun groupe français du vin de marque de dimension mondiale et, en dépit des ambitions d’In Vivo, ce n’est pas demain la veille que l’on va voir s’en constituer un.
Quant à notre grosse GD lamineuse de prix, accro aux foires aux vins, elle a d’autres chats à fouetter que d’aller investir dans un vignoble industriel ou de bâtir un véritable partenariat de sourcing avec un vignoble de masse. En un temps, Prodis-Carrefour l’a imaginé avec le succès que l’on connait.
Quant aux investisseurs extérieurs, financiers ou institutionnels, la force d’attractivité de certains pays de l’UE, telle la Roumanie, qui a de belles potentialités viticoles, sera bien plus grande que la Beauce ou la Picardie.
Bref, on peut toujours tout imaginer mais voir se réanimer le vieux modèle du négoce de place qui a fait fortune au temps béni des VCC il y a un pas que nul n’est prêt à franchir.
Invoquer les concentrations extrêmes des groupes producteurs bière n’est pas pertinent car il n’existe pas dans le vin de marques vraiment mondiales (c’est-à-dire leader sur tous les grands marchés consommateurs), et celles qui existent, telle Jacob’s Creek, ne bradent pas le prix de leur bouteille, elles y intègrent au contraire un très fort % de marketing en pratiquant le positionnement ou vulgairement les prix de marchands de chaussures avec deux 9 après la virgule.
D’ailleurs ce modèle, si le Languedoc l’avait souhaité il pouvait le réactiver dans l’ancien système, du fait de sa gestion du vignoble : mixité, et générer un vignoble industriel par le truchement des caves coopératives. Ce choix, comme le dit Despey n’est pas celui des dirigeants de la production.
Quant à la banalisation du vin ce n’est vraiment pas une nouveauté, elle n’est pas liée à l’irruption de nouveaux contenants, tels les bag-in-box, mais à la politique du tout AOP-IGP qui place beaucoup de ces vins en entrée de gamme dans la GD à des prix au ras des pâquerettes.
Le parallèle avec la Ferme dites des 1000 vaches, n’est pas non plus très convaincant. Celle-ci n’est pas le fait de la volonté de l’industrie laitière, privée ou coopérative, mais d’une pure décision individuelle d’un entrepreneur extérieur. Ayant quelque expérience du secteur laitier, il y a fort longtemps que l’arc Atlantique-Manche a choisi un modèle hyper-productif. Les tours de séchage de lait pour le marché chinois y poussent sans avoir besoin de générer des fermes de 1000 vaches.
Quant au maire champenois qui s’inquiète ça relève du grand n’importe quoi. Il ferait mieux de se poser des questions sur les scores du Prosecco et sur les investissements de Taittinger au Royaume-Uni.
Bref, cher Raphaël Schirmer, ne soyez pas trop inquiet pour nos chers paysages viticoles, la vigne France a d’autres défis à relever que de jouer à se faire peur avec la libéralisation des droits de plantation. « Quand le vin est tiré il faut le vendre… »
Enfin lorsque vous écrivez ce qui suit permettez-moi de sourire car le rapport auquel vous faites allusion, signé par Mme Vautrin, alors député de Reims, est sorti de mon porte-plume, si je puis le dire ainsi. J’ai fait le nègre comme on dit. Il fallait passer la période Sarko I à la phase Sarko II. Les dés étaient jetés, il fallait simplement un peu de vaseline sur le suppositoire.
« On remarquera à ce propos que le monde viticole est tout de même un lobby puissant : il a réussi à limiter la libéralisation du secteur. On pourra lire les points de vue des professionnels dans ce rapport de 2010. Mais un lobby moins puissant qu’il n’y paraît, puisque la mesure est en demi-teinte : les AOC sont exclues de la réforme jusqu’en 2018, et seuls les vins sans IG sont pour l’instant libres de plantation. »
Vu mon grand âge je ne serai pas là pour vérifier si la libéralisation des droits de plantation bouleversera de fond en comble le paysage viticole français. J’en doute, pour moi les risques sont ailleurs, mais je ne vais pas entonner mon sempiternel couplet sur la banalisation de nos vins à IG…
Cap 2010 est toujours d’actualité… Ne pas choisir c’est régresser…