« Une nouvelle embellie d'amour semblait s'annoncer. Cyprien avait perdu toute défiance… » Huysmans, la nouvelle idole d’Houellebecq, dans les Sœurs Vatard en 1879.
Dans embellie il y a belle, comme ombelle, ombrelle, belle qui ensorcelle… et moi j’en suis encore resté là. Seul et abandonné mon vieux cœur d’artichaut auquel il reste encore quelques feuilles n’en finit pas d’aimer. Aucun remède, aucune thérapie, aucun électrochoc, n’ont pu venir à bout de ma plus grande pente, j’y glisse sans cesse avec plaisir.
« C’est curieux. Lorsque nous sommes enfants, et même lorsque nous sommes jeunes, nous ne prévoyons jamais quelles nouvelles choses vont devenir importantes et révolutionner notre propre existence. Il y a tellement de nouveautés et elles surgissent à une telle vitesse qu’on dirait qu’elles ne présentent aucune importance aux yeux de l’adolescent déconcerté qui va devoir les vivre. En revanche, lorsque nous sommes vieux, vraiment vieux, il reste tellement peu de choses nouvelles à aborder que chacune d’elles devient importante. Et je vous assure qu’à mon âge, les choses qui vont arriver ne peuvent être qu’importantes. De fait, il ne faudrait même pas en parler au pluriel. »
Le narrateur de Luis Llach met le doigt là où il faut : la seule chose importante qui me soit arrivé c’est que je sois de nouveau tombé amoureux. C’était en août 2014, et j’écrivais depuis la Mouzaïa : « Sans même y réfléchir, face à la situation, je décrétais « l’état d’urgence », je prenais enfin conscience que le temps m’était brutalement compté, il me fallait m’extraire sans délai de ma latence, rompre ma déshérence, l’aimer à me péter le cœur ! »
« Je suis un amoureux permanent qui tombe amoureux à la moindre perturbation, au plus petit signe d’une belle, ici ma belle, alors sans transition je fonds, j’atteins le point d’ébullition, je m’enflamme, me consume comme de l’étoupe. Capable de tout et de n’importe quoi, je suis à la fois proie et prédateur… »
« Nous quittâmes, à vélo, sans trop de regret les mornes plaines des confins du XIIIe-XIVe pour rejoindre notre nouvelle demeure. Il nous fallut grimper, forcer sur nos pédales, pour atteindre les hauteurs de la Mouzaïa. À destination nous étions nimbés de sueur, fenêtre ouverte, face à elle sous la douche, je m’émerveillais « Y’a toujours des oiseaux à la Mouzaïa ». Affleurement, effleurement, nous fîmes l’amour avec délice sur notre presqu’île et le moka d’Abyssinie qu’elle prépara, avec les mêmes soins que Chouchou, bien mieux qu’un visa, me conférait le statut de résident. Je jetais mon statut d’apatride aux orties, j’abandonnais le no man’s land complaisant où je me vautrais depuis toujours. »
«Les amoureux d'aujourd'hui
Savent qu'il reste des bancs dans Paris
… Tant qu’il y aura des bancs reste un pays de sentiments »
Le 17 août 2014 je notais :
Je ne me lassais pas de relire mes notes écrites comme toujours au crayon :
« En survolant la Giraglia, j’ai l’impression de toucher des yeux ce caillou couvert de myrte et de lentisque. Les hublots deviennent autant de masques qui grossissent les contreforts du cap Corse, un index tendu vers le golfe de Gênes… »
« Une forte odeur de maquis me gagne à l’aéroport de Bastia-Poretta, quelque chose d’âpre et d’entêtant qui fait battre mon cœur et me confirme que je suis Corse aussi…»
La Corse : Jean-François Bazin, fin analyste politique, pose la bonne question : Qu'est-ce que la Nation corse?
« Le spectacle corse se déploie sous les yeux éberlués d'une opinion française qui en découvre chaque jour un nouvel épisode. Rien n'y est d'équerre et surtout, les mêmes mots et les mêmes références semblent ne pas avoir le même sens et la même portée selon qu'on les manie sur l'île ou sur le continent. Cela a commencé durant la campagne des régionales quand autonomistes et indépendantistes réunis ont tranquillement repris leur proposition de "corsisation" des emplois sans que ça trouble un seul instant la grande masse de ceux qui ont crié au scandale quand Marine Le Pen a voulu installer "la préférence régionale" au cœur de son projet pour sa nouvelle terre d'élection.
Cela s'est poursuivi au lendemain du scrutin quand les promoteurs de "la Nation corse" avec un art consommé de la mise en scène, ont substitué aux vieilles images un brin grotesques de la cagoule et du maquis celles du costard-cravate, sur fond de Salve Regina, sans que les autorités gouvernementales acceptent pour autant de donner l'absolution à ces nouveaux communiants tout juste bénis par le suffrage universel.
Cela a pris enfin un tour beaucoup moins farce lorsqu'au lendemain des événements d'Ajaccio, dans le quartier des Jardins de l'Empereur, les mêmes se sont mués en fervents défenseurs de l'ordre républicain en expliquant notamment que la spécificité corse n'était pas telle qu'on puisse distinguer des incivilités et un racisme façon ratonnade qui soient proprement insulaires. »
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Dans une Tribune libre, dans Corse-Matin, Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012 avec Le Sermon sur la chute de Rome, paru aux éditions Actes Sud affirme avec justesse : Au-delà de la haine, rien !
« Nous sommes obsédés par notre image – et le préfet lui-même déplorait que les événements des jardins de l’Empereur aient donné une image désastreuse de la Corse. S’il n’a que cela à déplorer, je le félicite et je l’envie. Il me semblait que les événements étaient suffisamment déplorables par eux-mêmes, indépendamment de leurs effets fâcheux sur notre sacro-sainte image. Pourtant, au matin du 26 décembre, j’ai ressenti moi aussi une terrible honte collective. Je le regrette. Car la honte, pas plus que la responsabilité, ne saurait être collective et je ne veux pas faire ce cadeau à Monsieur Barbier et à ses semblables, qui ne méritent que notre mépris. Le débat que nous devons mener n’a pas à se dérouler sous les yeux de certains éditorialistes du Continent, personne n’a à jouer le rôle du Corse ou de l’Arabe de service dans les médias, nous n’avons pas à leur offrir des réactions dans lesquelles ils ne trouveront de toutes façons que la confirmation de leurs préjugés invincibles. Si le sujet les intéresse, il leur suffit de venir ici mener une enquête, ce qui leur donnera, pour une fois, l’occasion de faire un travail de journaliste. Leur détestation nous est acquise une fois pour toutes.
Qu’elle ne nous interdise donc pas de mesurer la gravité de ce qui s’est passé aux jardins de l’empereur. Les mouvements de foule sont toujours ignobles. Le spectacle de la jubilation grégaire est en soi répugnant. Apparemment, si j’en crois les vidéos, rien n’est plus délectable que de se laisser aller en groupe à une pulsion de lynchage qu’on voudrait faire passer pour une soif de justice. Mais où est la justice ? Que l’intolérable agression des pompiers mérite une punition sévère, voilà qui est évident ; mais par quel miracle aberrant cette punition pourrait-elle consister à s’en prendre à une communauté tout entière en terrorisant des familles innocentes ? Hélas, je crains que les courageux manifestants ne se soucient pas le moins du monde des pompiers. Ils ont simplement saisi l’occasion qui leur était offerte de laisser libre cours à la haine qui, depuis des mois, parcourt les réseaux sociaux et qui demeure, dans toute sa pureté, le fait originel. »
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Le débat démesuré sur la déchéance de nationalité me gonfle car il permet à ceux qui prétendent incarner les valeurs du peuple de gauche de prendre des postures bien commodes. Sous chaque signature je mets bien plus qu’un visage, qu’une simple image médiatique bien ripolinée, je les connais. Je les ai vus à l’œuvre. Je les ai vus vivre aux antipodes de ce peuple dont ils se réclament. Intelligentsia parisienne, dernier carré des mitterrandistes tel Pierre Joxe, l’armée des soutiers de la rue de Solférino devenus députés frondeurs, vieilles bourriques d’une gauche qui n’a rien compris, rien anticipé, espèce en voie de disparition. Pour autant je trouve qu’en ces temps durs cultiver des symboles est une pure indignité. Que j’aime l’évocation du grand retour du peuple de gauche, ce peuple élu, peuple qui se croit choisi par une instance supérieure… je n’ose dire à la manière de de Gaulle, déchu de sa nationalité par Pétain : « peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur » ça serait très mal vu par les pharisiens…
Ce qui m’importe, me préoccupe, moi vieux briscard né dans une Vendée crottée qui n’aimait guère la République, c’est notre incapacité à exprimer clairement notre anticléricalisme. Je suis vacciné et je ne vois pas au nom de quoi je ne pourrais exprimer mon peu de goût pour les prêches débiles des imans. Devons-nous laisser ce soin à ceux qui sont en première ligne tel Maher Gabra, militant égyptien des droits de l'homme.
LE VER DU FANATISME DANS L'ISLAM
« Si Cheikh Gomaa, un porte-flambeau de «l'islam modéré», affirme que remettre en cause l'obligation du port du hijab suffit à faire de vous un infidèle, tandis que commettre les crimes de Daesh n'est qu'une "erreur d'interprétation" qui ne suffit pas à vous écarter de l'Islam, nous avons un problème !
L'argument du mufti est que El-Shobashy et ses partisans ont nié des axiomes religieux de base, tandis que Daesh ne l'a pas fait. Pour lui, le port du foulard est donc apparemment plus important que le fait de sauver des vies innocentes, ou d'empêcher qu'on réduise des femmes à l'esclavage.
Dans le même talk-show, l'ancien Grand Mufti sanglotait en commentant l'initiative de quelques Egyptiens de fonder un nouveau parti politique sous le nom de «parti laïc égyptien". Il a dit: "Ceci est une fête pour l'athéisme. Arrêtez ce péché, assez avec le manque de foi et de morale! " Pour ce "cheikh modéré", créer un parti qui prône l'égalité et les droits des citoyens, ainsi que la séparation entre la mosquée et de l'État, est donc un péché contre l'islam, la morale publique et l'unité nationale. A combattre à tout prix.
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Reste que l’Opération Chartrons reste d’une surprenante acuité ! Qui l’eut dit lorsque nous l’avons lancé ?