Je viens de vivre 3 semaines en compagnie d’oblades, de sars, de saupes, de castagnoles, de crénilabres, de serrans écriture, des girelles communes et parfois de bancs de petits barracudas… Le silence de la mer est reposant.
Bien sûr, la rumeur du monde montait à nouveau vers moi lorsque, revenu à terre, je consultais le fil de l’info sur la Toile ou feuilletais Corse-Matin.
Le mot-clé, le mot-valise, celui qu’on sert à toutes les sauces : le peuple fait les délices des nouveaux bateleurs, les intellectuels en chaise longue et les politiques à la pêche aux voix, qui écument les plateaux des médias.
L’enjeu c’est le peuple, tout particulièrement celui du Nord-Pas-de-Calais-Picardie, nous dit-on, qui va se donner corps et âme à l’extrême-droite aux prochaines régionales.
Alors, dans ma tête, le mot qui me vient de suite à l’esprit c’est la honte et ça déclenche une ritournelle « Quand la mer monte », énorme succès populaire, au lendemain en 1968, d’un grand ch’ti à la voix grave et rocailleuse, due à une « laryngite de comptoir » selon l’intéressé, Raoul de Godewarsvelde.
Son pseudonyme « de Godewarsvelde » est tiré du nom d’un petit village des Flandres, au nord de Lille, Godewaersvelde, qu’il simplifia, en enlevant le deuxième « e » pour le rendre plus aisément prononçable.
C’était un amoureux de la mer et de la pêche. Il acheta une maison au Cap Gris-Nez et troqua son zodiac contre un flobart. Là il fréquenta Léonce, propriétaire de l’Hôtel-Restaurant du Cap Gris-Nez, Henri Beaugrand, le gardien du phare poète à ses heures et bien sûr Jean-Claude Darnal qui écrira Quand la mer monte vendue à 150 000 exemplaires.
« Le 13 avril 1977, il dédicace ses disques à Boulogne-sur-Mer et termine sa journée avec son ami Léonce. Le lendemain, vers 7 heures, le menuisier Michel Legrand d’Audinghen, découvre Raoul pendu à une poutre d’une maison en construction non loin de la sienne.
»
En 1982 1 géant est dressé à son effigie dans sa ville natale, Lille, tandis que des compilations régulières sauvent son nom de l'oubli.
Début 2010 sort un triple Best of compilant son oeuvre.
Pour moi son héritier c’est Arno, en plus intello…
Raoul de Godewarsvelde c’était un chantre du peuple, de ce petit peuple gouailleur, frondeur, fier, travailleur, aimant le boire et le manger, ripailler, faire la fête, picoler, taper le carton, celui qu’on a envoyé se faire étriper dans les tranchées en 14-18, celui qui a vu son statut passé par pertes et profits avec la fermeture des mines et de l’industrie textile, celui qu’on a abandonné aux marges de l’opulence de notre société. Et c’est malheureusement lui que flattent nos démagogues politiques et médiatiques, ceux qui pensent à notre place : «La pensée, c'est pas fait pour vous !», ceux qui vont par un beau tour de passe-passe économique et l’exclusion de ceux qui sont venus soi-disant prendre un travail qui n’existe plus, revenir à l’Ancien Monde.
Quand la mer monte, j’ai honte…
Merci pour ces moments messieurs les penseurs et les bonimenteurs. À vos propos dévalués de café de commerce je préfère la poésie des mots de Raoul de Godewarsvelde.
Quand elle descend, je t’attends…