« Ben, tu ne vois pas ce qu'elles font [...], mais alors tu es bête à manger du foin ! » Jean-Pierre Chabrol - La gueuse…
Un peu mon genre avec le chenin de l’Outre-Quiévrain à l’humour titrant 2°.
Cette expression est attestée en 1774.
« Le mot foin, qui désigne une herbe fauchée destinée au fourrage, est parfois utilisé pour désigner quelque chose de peu de valeur, sans intérêt. »
Pourquoi tant de haine pour le foin ?
Bon je ne vais pas en faire tout un foin
« Y pionçait à ciel ouvert et y dessaoulait plus depuis trois jours. Y faisait du foin dans tous les azimuts, à se faire embarquer par les cognes » 1952. Émile et son flingue Hauriac Marcel.
Je vais vous vanter le foin. Plus exactement je vais vous citer Michel Lepertel nutritionniste spécialisé dans l’alimentation bovine et conseiller du boucher de mon quartier à Paris Hugo Desnoyers.
Celui-ci note avec pertinence que « la qualité de la viande dépend directement de ce que les bêtes mangent. »
Michel Lepertel souligne qu’il ne suffit pas qu’une vache mange de l’herbe. Encore faut-il que celle-ci soit de bonne qualité.
« Il y a de l’herbe encore plus mauvaise pour les animaux que le maïs, explique-t-il. Prenez un silo de ray-grass produit avec 180 unités d’azote. Reh bien ça pue, alors qu’un silo d’herbe qui se décompose, ça doit sentir bon. Si vous donnez cette herbe bourrée de nitrates à un bovin, vous ne pourrez pas faire de la viande de bonne qualité. »
Rééquilibrer l’herbe des pâtures.
« L’herbe est l’aliment le mieux adapté aux ruminants »
Avec de l’espace, 1ha/tête, nul besoin de compléments.
« Il y a beaucoup d’éleveurs qui ne savent plus exploiter leurs pâtures. Car une prairie, ce n’est pas une jachère. Un sol doit être en production permanente. Il faut que les micro-organismes présents dans le sol aient à manger. Pour cela, il faut éviter le sur-pâturage, faucher à 8 cm pour que l’herbe puisse repartir vite, répartir les bouses de vache dans le pré et passer 10 t de fumier composté chaque année »
« Quand on aura compris que ceux qui guérissent sont aussi ceux qui tuent, on aura déjà bien progressé. Pour une avancée, l’industrie agro-chimique dégrade quatre ou cinq autres critères. Alors qu’il suffit d’observer la nature pour trouver les solutions. »
La récolte du foin en question
« Les fabricants de machines agricoles ont remplacé la traditionnelle faucheuse par des faucheuses conditionneuses, qui viennent matraquer la plante pour extraire une partie de la sève et avoir plus de matière sèche. Sauf que toutes les valeurs nutritives se trouvent justement dans la sève. Il suffit de reprendre la vieille faucheuse qu’utilisait le grand-père, puis faner (laisser sécher au soleil et retourner) et enfin mettre en andains (rassembler le foin en lignes). Ça demande plus de travail, plus de temps, plus de rigueur, mais c’est le seul moyen d’obtenir une herbe de qualité. »
En fonction de ça Hugo Desnoyers raisonne en catégories de viande plutôt qu’en races, il classe les viandes selon leur goût : délicat, rond et corsé. Il travaille avec des éleveurs de Jeune Montagne qui fournissent le lait pour faire le Laguiole.
He oui des vaches laitières, dites vaches de réforme ça fait de la bonne viande dans ce cas précis car le cahier des charges de l’AOP Laguiole est très strict : pas plus de 6000l/vache, les céréales, les tourteaux de colza et de maïs aplatis permis, mais pas ceux de soja, pas d’ensilage, pas d’enrubannages (balles de foin enroulées dans du plastique).
Les vaches une fois réformées passent par le régime de la finition pendant 8 mois… pour que l’animal continue à prendre du muscle et préparer la viande avant maturation.
En France nous avons l’un des plus importants troupeaux allaitant du monde, est-il valorisé par une alimentation qui donne à la viande un goût incomparable ? La réponse est non. Nous avons privilégié les races sur de bases de format de concours et ce n’est pas parce qu’une viande est étiquetée Charolais ou Limousin qu’elle est bonne.
Cependant une question s’impose : les Français qui aiment tant leurs éleveurs, aiment-ils la bonne viande élevée par des éleveurs soucieux d’en faire ?
Pas si sûr, car en dehors des seniors dans mon genre les générations montantes se tournent vers la viande moulinée qui est de la vache de réforme moulinée, du minerai cher au leader du secteur, le grand ami des éleveurs : monsieur Bigard sous ses marques chéries Charal, Socopa et Bigard dans la GD et la restauration d’entreprise.
Pour aider les éleveurs il faut joindre le geste à la parole ce qui n’est pas la marque de nos concitoyens consommateurs…
Source : Beef « Accro à l’herbe »