Alors que le couple B&D se lance en juin dans le papier glacé pour être « comme une passerelle entre l’amateur et le producteur (enfin) », l’éditorialiste de la vieille dame permanentée est sidéré en découvrant que certains restaurants, bistrots et autres lieux branchés, à Paris en particulier, ne concède au bordeaux moins que des miettes « la carte des vins du Saturne, cette table chic à la pointe de l’esprit bio, à deux pas de la place de la Bourse : une clientèle néo-balzacienne de financiers et de journalistes, une carte des vins de 40 pages, 600 références avec, en tout et pour tout… trois bordeaux. »
« Même émoi l’autre jour au 6 Paul Bert, lieu très animé derrière Bastille, où se retrouve midi et soir une jeunesse curieuse et buveuse : non seulement on ne trouve pas le moindre verre de bordeaux en salle, mais la maison le revendique… »
Mais où est donc passé le bordeaux de sa belle-mère qui, depuis longtemps, vient dîner chez lui et immanquablement lui pose la même question « Denis, que servez-vous ce soir ? Du bordeaux, n’est-ce pas ? »
La transmission s’est effectuée puisque Raphaëlle Bacqué son épouse, journaliste et grand reporter au Monde, auteur d’un remarquable livre «Richie» , qui figure dans le classement des meilleures ventes, elle aussi prononce régulièrement « les deux syllabes magiques, les seules qui, à ses yeux, possèdent cette vertu cardinale : toujours élégants, jamais assommants. »
Étonnant ne trouvez-vous pas ?
Sans vouloir ironiser je me permets tout de même de dire, comme le chantait France Gall « On t'avait prévenue oui oui oui oui… On t'avait prévenue oui oui oui oui… Vous m'aviez prévenue oui oui oui mais…Je ne vous ai pas cru on t’avait prévenu ! »
Et là je sens poindre le « C’est pas de ma faute ! » national de service et là c’est indéniable le père Evin n’y est pour rien… « Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre »
Rassurez-vous je ne vais pas ici instruire un quelconque procès en responsabilité, ni de Denis Saverot, ni de tous ceux qui sont installés dans leurs certitudes. Je n’ai pas l’âme d’un procureur ça servirait à rien.
L’important pour moi c’est que les dégustateurs supérieurs condescendent à descendre du piédestal sur lequel ils se sont installés depuis des décennies pour se mêler à la réalité à la fois du vignoble (le enfin de B&D me sidère à mon tour) et des consommateurs de toutes conditions… Le monde change, l’ignorer c’est se préparer des lendemains qui déchantent…
Je n’irai pas au-delà de ce vœu et me contenterai de vous conter la légende amérindienne du Petit Colibri.
« Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant puiser de son bec quelques gouttes d’eau dans une mare avant de s’en revenir les jeter sur le brasier. Le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, finit par s’exclamer : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas ainsi que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »