C’est l’histoire d’un mec, bibi sans majuscule, accoudé sur le bord d’un zinc après avoir fait l’ouverture du nouveau restaurant de Pierre Jancou Heimat, qui cause vin, vin nu bien sûr, avec le taulier.
Avant d’aller plus loin dans mon histoire, pour fermer le clapoir des plumes langues de putes, je précise que j’étais chez Pierre Jancou de mon plein gré, j’avions point demandé à être invité comme le Lubot, boss de la RVF, l’avait fait dans le passé avec ses gros sabots bien cirés de DG de Marie Claire.
Bref, pas d’embrouilles, j’avions – j’étions point seul – bien mangé et bien bu et nous nous étions attardés à table. Avant de lever l’ancre nous levions une dernière fois le coude : Pierre nous offrait un dernier verre pour la route. Pas de souci Claire et moi z’étions à vélo. Dans la conversation, je ne sais pas pourquoi, nous en sommes venus à causer d’Alessandra Pierini mon amie qui tient l’une des plus belles épiceries italienne de Paris. Quoi qu’il en soit, je repartais avec dans ma gibecière une information de première Alessandra était en possession, dans sa superbe cave voutée, d’un trésor rare : un Barbacarlo 1996 !
Moi il ne faut pas me dire ça deux fois, vous me connaissez, en quelques tours de roues je débarquais chez Alessandra pour mettre la main sur un des derniers flacons de ce Barbacarlo millésime 1996.
Je ne vais vous faire le coup du grand sachant, le genre exilé au-delà des Pyrénées ou passeur de plats pour GCC classé A, avant ce moment j’ignorais l’existence du Barbacarlo.
Mais qu’a-t-il donc de spécial ce cru pour que j’en fasse tout un plat ?
C’est un vin rouge produit exclusivement dans l’Oltrepò Pavese près de Broni par le Commendatore Lino Maga et son fils sur son vignoble.
C'est environ 10 000 bouteilles par an.
C’est un vin est fait à partir de 50% de Croatina, 30% de raisins rares et 20% d’Ughetta
C’est une marque enregistrée Barbacarlo.
Horreur, malheur, me direz-vous : une marque !
Pas si vite mes cocos, rien à voir le Cadet de Mouton, ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas du triomphe d’un mercanti contre la tradition mais le contraire : Lino Maga est une sorte d’irréductible gaulois qui a résisté à la facilité des faiseurs de raisins industriels.
Ça c’est un truc qui va plaire aux Tronches de Vin, sans doute un peu moins à leur préfacier révolté du ciné.
Je m’explique : l’Oltrepò Pavese est le premier producteur de Pinot Noir au niveau italien, plus de 3000 hectares et ce depuis longtemps: plus de 150 ans. La présence de Pinot Noir en Oltrepò est due au comte Carlo Giorgi des Vistarino qui, à partir de 1860 a facilité son implantation. Dès le début, la production fut orientée vers l'utilisation des raisins Pinot noir pour les mousseux. Ils prenaient la route du Piémont. Mais bientôt avec ce Pinot noir on a commencé à faire du vin en rouge, aux côtés des nombreuses variétés autochtones 225 variétés de raisins.
Confusion donc, car l’Oltrepò Pavese signifiait Barbacarlo traditionnel.
C’est dans ce contexte que Lino Maga a entreprit de défendre son Barbacarlo traditionnel en revendiquant un droit d'aînesse, contre les puissances qui avaient appauvri la désignation historique locale.
Au-delà des Alpes comme ici le coup de la dilution chère à nos nouveaux défendeurs des AOC à la mode de tout le monde il est content d’en décrocher une nouvelle du grand sac de l’INAO.
La pugnacité et la ténacité du Commendatore Lino Maga, après 23 années de procédure, lui ont permis de s’approprier la dénomination Barbacarlo pour préserver son authenticité. Ce qui aurait pu être une DOC est devenu une marque. C’était malheureusement le prix à payer pour éviter la mainmise sur la dénomination Barbacarlo de grandes sociétés acheteuses de raisins.
Lino Maga est un personnage, une forte personnalité, passionnée, authentique, qui parle vrai, sans détours ni emphase. Il a un petit côté Hubert de Montille, une forme de noblesse à l’ancienne, accrochée à ses valeurs et à la tradition. Pour ceux qui le connaissent Lino Maga est « un grande vino contadino » (cf. extrait d’un article en italien ci-dessous)
Tout ça et bel et beau me direz-vous mais ce Barbacarlo 1996 quand l’as-tu bu espèce de bavassou ?
Pas tout seul bien sûr, bu le jour de du Jour des femmes lors de mon traditionnel dîner de filles : 6 !
Florence a dit : Le Barbacarlo me fait penser à certains hommes :
- le premier contact est viril et un peu flambeur (avec les arômes de fruits mûrs et des touches animales)
- puis quand on approche (on goûte) il est surprenant avec son coté frizzante qui donne une impression de fragilité et de naturel
- on découvre ensuite qu'il est plutôt fin et délicat
- et là il se boit tout seul !
Marie a dit : ce Barbacarlo c’est, soit une autruche, différent, grand, puissant mais pas capable de s’envoler ou comme une crème de cassis après une prise de mousse surprise.
Claire fut la plus prolixe et la plus enthousiaste mais je n’étais pas en mesure de prendre des notes.
Émilie fut concise : comme ouvrir une boîte en thuya d’Essaouira… réminiscence d’enfance..;
Gaëlle resta sur l’Aventin et Daniela l’italienne s’abstint…
Quant à votre serviteur selon une tradition bien établie : il but à la fois les paroles des filles et le nectar inclassable du Commendatore Lino Maga mais ne prit pas part au débat vu sa position ultra-minoritaire.
Pour clore cette chronique sachez que « Le nom Oltrepò se compose de oltre, en signifiant outre ou au-delà, et pò, qui désigne le fleuve Pô, d’où au-delà du Pô.
Le territoire a la forme d’un triangle dont la base, côté nord, est limitée par le lit du fleuve Pô qui en fait la partie de plaine. Les deux côtés descendent vers le sud où ils rencontrent les premières collines de l’Apennin ligure et former la pointe entourée des sommets, dont le plus élevé de la province de Pavie, le mont Lesima (1724m), puis le mont Chiappo (1700 m), la cime de la Colletta (1494 m) et le mont Penice (1460 m).
La limite occidentale est formée par le val Staffora et la partie orientale par le val Tidone ; ce sont ses deux principales vallées qui encadrent plusieurs autres petites vallées et reliefs montagneux. L’hydrologie est assurée par le fleuve Staffora et sont affluent le torrent Ardivestra, la Versa, la partie avale du fleuve Tidone et une partie du lac de Trebecco.
Les centres principaux sont : Voghera, Casteggio, Broni, Stradella, Varzi.
“Maga Lino, il commendator Maga Lino. Ci troviamo a Broni, in provincia di Pavia, nel cuore dell’Oltrepò vitivinicolo. Lui è il discendente diretto di una famiglia di agricoltori, coltivatori di vigna sulla collina di Barbacarlo a partire dal 1860. Che poi, ‘sto nome, Barbacarlo, nulla ha a che vedere con toponimi o compagnie cantanti, macché: solo il tributo al vecchio zio Carlo (“barba”, in dialetto pavese, sta per “zio”), fra gli iniziatori della saga familiare. Da allora vigna e uve son sempre le stesse: la vigna è struggente, alcune sue parti accolgono ceppi molto vecchi; ti colpisce per l’eroica vertiginosa pendenza e per l’esposizione propizia, che guarda a sud ovest. Quanto alle uve, trattasi di croatina in maggior misura, a gettare le fondamenta strutturali, ughetta e uva rara a connotarne gli aromi. Più un goccio di barbera a conforto. La vinificazione avviene in botti di rovere vecchie e vecchissime (ognuna delle quali dedicata a una persona cara), senza controllo della temperatura, e dura assai poco, per arrivare a svinare e imbottigliare nella primavera successiva alla vendemmia, seguendo i suggerimenti della luna. “Il vino deve maturare in bottiglia, non in legno”- questo il diktat di casa Maga. E l’imbottigliamento può portare con se la naturale conseguenza di una rifermentazione in bottiglia, visto che in quel periodo evolutivo il vino potrebbe non averla ancora completamente svolta. Da qui la speciale “venatura” carbonica -a volte carezzevole, altre volte più indomita e affilata- e la mutevole dolcezza che da sempre caratterizzano questa etichetta. Assieme alla sontuosa avvolgenza del frutto di mora e mirtillo e alla fremente acidità, dote salvifica per alimentarne la proverbiale “vocazione da maratoneta”. E a una tannicità salata e profonda, che ne caratterizza l’eloquio in gioventù ma che lentamente si stempera negli anni, fondendosi mirabilmente al corpus del frutto. E alle ghiaie tufacee di quel vigneto pendente che si riflettono nel timbro minerale, nettissimo, che ti inchioda all’ascolto nella persistenza.