Ce qui m’étonne c’est qu’il s’étonne d’être incompris notre petit Napoléon de la dégustation, le sieur Pousson.
Qu’il cita un vigneron de Brézème Julien Montagnon du Domaine Lombard pour étayer son combat rien de plus normal pour un critique de son envergure :
« Comment peut-on réunir ces 2 types de vins sous un même nom, une même philosophie, une même étiquette?
Les énervés du « nature » parlent souvent de terroir, mais prenons l’acétate d’éthyle comme exemple ; son goût est identique au nord et au sud, le même goût sur un cabernet franc et sur un grenache. Finalement, sa trop forte présence tend à standardiser les vins comme l’utilisation des levures sélectionnées !
Tous ces défauts mis bout à bout, et l’utilisation à tout va, de la macération carbonique conduisent à l’inverse de notre vision du vin. Le non-interventionnisme conduit inéluctablement à une standardisation des vins et à une négation du terroir et du rôle du vigneron. Dans notre esprit, nous tentons le moins possible d’intervenir sur nos vins mais « ne rien faire » c’est déjà faire quelque chose, c’est un choix et surement pas un dogme ou une règle.
Nous accompagnons les vins sans les brusquer mais en les préservant des défauts et maladies œnologiques.
Alors oui, nous sommes en agriculture biologique, en Biodynamie, nos vendanges sont manuelles, nos vins sont toujours aux alentours de 40 mg/l de so2 total et nous n’utilisons pas d’autre additif. En fait, nous pensons que le vin est vivant mais nous travaillons à basse température, nous filtrons de temps en temps, nous utilisons des barriques de 1 vin, nous éraflons parfois et nous intervenons quand cela est nécessaire et selon notre sensibilité.
Alors ne m’appelez plus jamais nature.
Très bien, peu importe la boîte où l'on se range l'important c'est de rencontrer son public, le reste n'est que littérature pour les amateurs.
Mais là n’est pas le problème, celui-ci se niche, comme un détail, tout au bout de sa démonstration :
« D’un côté, des vins superbes, expression de terroir, droit, libres avec de belles buvabilités. Des vignerons, souvent pionniers de l’agriculture Bio, qui restent des modèles depuis longtemps pour nous.
Et de l’autre des vins informes, à la limite du buvable et cumulant tous les défauts du monde: acescence, acétate d’éthyle, évent, oxydation non-maîtrisée… Dans lesquels, il est impossible de découvrir un terroir, un cépage. Des vins incompréhensibles et malades à propos desquels le Tout-Paris s’extasie. »
En voilà une belle exécration, mais c’est quoi au juste le Tout-Paris ?
Un mot-valise, un fourre-tout commode permettant d’amalgamer les snobs, les bobos, en fait d’opposer les braves provinciaux à ces cons prétentieux de Parisiens et d’entretenir le vieil antagonisme entre les gens de la campagne et ceux de la ville capitale.
Ici, dans le cas d’espèce, il s’agit du Tout Paris du vin fréquentant les hauts lieux du naturisme : cavistes, bars à vins, cantines chic type Saturne, Septime ou autre Châteaubriant, le salon rue 89 d’Antonin Iommi-Amunategui, les lecteurs de Tronches de Vin et dernièrement adeptes de la résistance naturisme selon Jonathan Nossiter.
* la photo titre montre une brochette du Tout-Paris du vin en train de s'enfiler des vins incompréhensibles devant la Cave des Papilles haut lieu du parisianisme naturiste.
En un mot comme en 100 c’est un profil type Guillaume Nicolas-Brion, en plus âgé : quadragénaire, avec beaucoup plus de thune que lui, travaillant dans la pub ou la prod, accompagné d’une belle et grande tige, roulant en scooter, logeant dans un loft sur les hauts de Belleville, qui passe ses vacances à l’Ile de Ré ou à l’Île aux Moines… Bref, un bobo arrogant, gentrificateur, qui ne saurait pas distinguer une poule d’un poulet, même bio.
Ok, mais encore ?
Où est le problème ?
En quoi les déviances réelles ou supposées d’une poignée de vignerons et l’adhésion d’une infime minorité à leurs breuvages incompréhensibles troublent-elles autant les gardiens du Temple ?
Beaucoup de bruit pour rien !
Que ça agace Pousson et ses frères j’en conviens mais pourquoi en faire tout un plat, resservir inlassablement les mêmes plats ?
C’est lassant !
C’est même chiant !
Ça frise l’obsession !
Comme un sentiment que tout cela n’est qu’un prétexte, un vieux compte à régler, une forme de relent de la Terre elle ne ment pas, un anti-parisianisme primaire, un refoulement, une volonté de s’affirmer paysan alors que tout bonnement l’on vit sa vie dans une grande métropole internationale.
Mais il y a un mais, comme tout un chacun, moi le premier, l’homme voudrait être aimé, du moins apprécié de l’élite des amateurs de vin nature comme ce bon Jonathan Nossiter leur nouveau Pape. Comme je le comprends le brave mais encore faudrait-il qu’il arrête un chouïa de nous saouler avec ses billets avec femmes à poils incorporées (ça booste l'audience de l'avis même de l'auteur)… Ses appels du pied tombent dans le vide, les naturistes parisiens sont aux abonnés absents, ils l’ignorent ou presque…
Désolant ?
Sans doute, mais pourquoi s’échine-t-il à chercher à comprendre des vins incompréhensibles ?
C’est de l’énergie mal placée. Dès qu’un vin est en bouteille pour être vendu qu’il est acheté et bu les fameuses déviances sont à classer au royaume de l’anecdote sans intérêt. N’oublions pas que les vins nature sont l’épaisseur du trait. Qui dérangent-ils ? Pas moi, je choisis de boire ce qui me plaît et je n’ai nul besoin de grands prêtres pour me dire ce qui est mauvais. Le populo non plus d’ailleurs, celui qui boit des vins à 2 balles.
Ferait mieux d’aller mettre son nez dans le vin courant notre cracheur de vinaigre patenté !
Mais revenons à la détestation des Parisiens en général et des Parisiens du Tout Paris en particulier.
Notre cousin et ami du Québec Louis-Bernard Robitaille le dit sans détour dès la première phrase de son livre Les Parisiens sont pires que vous croyez : « Le parisien a mauvaise réputation. »
Il enchaîne :
« Les provinciaux, c’est un fait avéré, ne pensent guère de bien de ces compatriotes de la capitale. D’ailleurs beaucoup d’entre eux y viennent le moins souvent possible, ou pour affaires, familiales ou professionnelles. Certains passent leur vie à voyager autour du monde sans presque jamais s’y arrêter. À Lyon, Angoulême, Bordeaux ou Nice, ils sont quelqu’un, on les salue, on leur tape sur l’épaule et on leur donne du Monsieur. À Paris, ils ne sont plus rien : rien que des provinciaux justement. »
« La mauvaise image du Parisien est si universelle que l’impétrant en vient parfois à se détester lui-même. Côté pile, il se rengorge d’être un «vrai Parisien ». Côté face, il s’empressera de vous expliquer qu’il n’a rien en commun avec tout cela, les Parisiens et le parisianisme, qu’il en a fait le tour depuis longtemps et que ça ne l’intéresse plus. Paris dit-il volontiers, est un haut lieu du cynisme, de la futilité et des fausses valeurs, c’est une ville sans âme et sans racines, et lui-même ne se sent revivre que lorsqu’il revient dans son Périgord natal (ou sa Bretagne ou sa bonne ville de Bordeaux). Il se flatte de venir d’ailleurs et s’inventera au besoin une enfance lorraine ou des grands-parents ardéchois, car être né dans la capitale, c’est un peu comme arriver au monde déjà vieux et décadent, sorte de Pu Yi en sa Cité interdite. L’antiparisianisme est le stade suprême du parisianisme. »
Moi je vis à Paris depuis plus de 30 ans et je n’ai nullement envie de m’en excuser.
Tout d’abord Paris n’est qu’une toute petite ville : 105 km2, en fait 65 si l’on retranche les bois de Boulogne et de Vincennes, 2,25 millions d’habitants soit 20 980 habitants au km2 selon l’INSEE alors que Shanghai, symbole de la ville tentaculaire n’en affiche que 3600, Londres 4978 et Rome 2165. Nous sommes la seule grande capitale à être entièrement encerclée par un wrong side, celui du périphérique.
Entassés, encerclés, nous n’avons nul besoin de nous défendre mais plutôt d’inventer un vrai Grand Paris avec nos voisins les plus proches. Laissez-nous donc assumer notre destin nous ne sommes pas responsables du fait que « Paris monopolise les pouvoirs comme aucune autre capitale dans le monde » Vous en êtes aussi responsables que nous.
D’autre part, ras la coupe des amalgames : les jeunes, les femmes, les émigrés, les vieux, les bobos, les Parisiens… ça veut tout dire et rien dire, c’est commode pour allonger la sauce de tous les préjugés et les diatribes creuses.
Quant au Tout Paris, vague poignée de happy few, et à son parisianisme je laisse ça à l’humour décapant de François Morel. C’est un vrai bijou à voir et à entendre absolument.
"Parisianistes !" : le Billet de François Morel par franceinter