Je dois à la vérité de vous avouer que je n’ai pas réveillonné. Dans mes jeunes années nous faisions la nouba pour fêter le gui l’an neuf mais depuis je n’ai jamais éprouvé le besoin de fêter une nouvelle année qui m’apporterait, du moins je l’espérais, un poids supplémentaire à mon âge.
Comme je l’ai écrit hier, le « système » m’a rayé du cadre actif au cours de la défunte année 2013, en juillet, le 12 très précisément, et depuis, comme je suis en liberté, la fête est à l’ordre du jour de tous les jours.
Le problème de la nuit de la Saint-Sylvestre à Paris c’est que les restaus sympas sont fermés, les autres affichant des menus convenus à des prix chargés, et pire font comme-ci c’était la fête. Alors que faire ? Ne rien faire, aller se coucher pépère, bonnet de nuit et verveine, et se réveiller l’année prochaine.
Que nenni, je me suis dit mon garçon tu vas te taper un réveillon 100% bourguignon. En liquide, bien sûr, vu que du côté de la Grande Bourgogne, le solide c’est du lourd. Pas question de me charger l’estomac et de soumettre mon foie à une cure d’hépatoum.
Il pleuviotait sur Paris donc pas question d’enfourcher ma flèche d’argent pour ce réveillon 100% bourguignon. Les rues étaient si vides qu’on se serait dit à Trifouilli-les-bains-de-pieds un dimanche soir. J’y suis arrivé en une poignée de minutes. Atmosphère feutrée, haute sérénité comme le disait Francis Blanche à Pierre Dac dans leur célèbre sketch où ils étaient totalement bourrés. J’adore le lieu où je me sens comme chez moi en n’étant pas chez moi. Comme un parfum de film de Visconti. S’asseoir, être entouré sans être pris en charge par une escouade emmenée par un sommelier fagoté en croque-mort, se laisser aller à rêver.
Vous narrer le mangé ne présente aucun intérêt, je ne suis pas François Simon, mais je puis vous assurer que c’était fort bon. Confidence tout de même, le Mont d’Or avec un sirop de clémentine accompagné d’une mâche à l’huile de noisette était une pure merveille et le Morey Saint-Denis 1er Cru Clos Sorbé 2009 de David Duband se tenait fort bien à table.
Mais, comme ce soir, dit de réveillon, j’étais 100% vins bourguignons, je me devrais de jouer la partition grand amateur en vous livrant mes émotions gustatives. Me soumettre à cet exercice reviendrait à tronçonner en rondelles ce qui fut pour moi une brèche ouverte dans un temps qui me déplaît. Il m’exaspère aussi. Comme une forme d’impuissance face à la montée de la bêtise et d’une forme de barbarie. Dit comme je le dis ça peut vous paraître pompeux mais c’est ainsi que je le ressens.
On boit pour oublier dit-on. Simple parenthèse qui, sitôt refermée, vous refout le nez sur la réalité. Tel ne fut pas mon choix en ce dernier bout de 2013. D’ordinaire je me disais que passer le cap d’une année c’était moins dangereux que de tirer des bords au Cap Gris-Nez mais pour le saut de 2014 je ne suis plus de cet avis.
Ne me demandez pas pourquoi ce n’est que pure intuition.
Alors suis-je venu trouver la vérité au fond de mes verres de vins 100% bourguignons ?
La vérité, pas sûr, mais plutôt la sérénité avec la plénitude qui va avec. Se réconforter. Se glisser dans son petit jardin d’intérieur pour trouver la force de ne pas désespérer de l’humanité.
Voilà, je vous ai tout dit, ou presque, et il ne reste plus qu’à vous soumettre la liste des vins que j’ai bu. Vous allez me dire : tout ça ! Oui, mais le détail appartient à la sphère privée alors bonne journée à tous et, sans contestation, contre le bourdon y’a pas mieux qu’un réveillon 100% vins bourguignons.
Les 2 crémants étaient grands !
PS. Pendant que j’écrivais cette chronique deux faits importants se sont déroulés :
1- Serge le Lama a remonté les Champs-Elysées mais notre maire Bertrand Delanoë n’a pas souhaité se faire tirer le portrait avec lui link
2- Notre Frédéric Lefèvre dit Zadig&Voltaire Twittait