Ne tournons pas autour du pot : autant le saucisson sec occupe une place de choix dans l’image internationale du Français black béret, baguette de pain, kil de rouge et fromage qui pue, le malheureux saucisson à l’ail, lui, est un mal aimé, il pue de la gueule, il sent le gaz, relégué qu’il est en vagues rondelles sur le bord des tas de choucroute de la Taverne de Maître Kanter. Pire encore on le fume, non qu’il fût du belge mais parce qu’on lui inflige le supplice ou le maquillage d’un fumage industriel. Je trouve ce mépris insupportable. J’en appelle à un sursaut national. Je sonne le rappel pour que s’instaure une journée mondiale du saucisson à l’ail. J’invite les défenseurs de la charcuterie artisanale à contribuer au renouveau de cet emblème du bon goût français.
Afin de mieux plaider la cause du saucisson à l’ail en vue de sa réhabilitation je vais puiser aux sources profondes de notre culture française que le monde entier nous envie en rappelant tout d’abord que dans l’un des monuments de notre grande et belle littérature française, « Bravo Docteur Béru » San Antonio, alias Frédéric Dard, l’un de nos auteurs des plus prolifique, nous la coupait sec – la chique bien sûr, pas la rondelle – avec un Bérurier, ex-interne des hôpitaux de Paris qui savait « aussi bien manier le stéthoscope que le saucisson à l'ail » (sic). Je rappelle qu’Alexandre-Benoît dit le Gros lichait essentiellement du Juliénas qu’il considérait comme son médicament quotidien.
Soyez donc imaginatif chers lecteurs et marriez un bon casse-dalle : baguette-beurre-saucisson à l’ail avec un de ces nectars de chez nous, bien franchouillard. J’attends de votre part une levée en masse, un raz-de-marée pour qu’ainsi dans son prochain roman Michel Houellebecq puisse faire trois pages sur la résurrection du saucisson à l’ail Olida en se souvenant que Marcel Proust dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs écrivit : « Allez me chercher du jambon chez Olida. Madame m'a bien recommandé que ce soit du Nev'york.» Et pendant que je suis dans un bouillon de haute culture je vous offre l’un des joyaux du Septième Art Français le film culte :
Mais où est passée la 7ième Compagnie
avec les inoubliables ringards Jean Lefèvre et Aldo Maccione qui magnifient l’emblème de la débrouillardise franchouillarde : notre inégalé et inégalable saucisson à l’ail.