Louis Remaud, dit petit Louis, notre boulanger, le père de mes amis d’enfance les 3 frères Remaud et leur sœur Geneviève, le mari de Madeleine la meilleure amie de maman, lorsqu’il faisait ses tournées de pain dans les métairies d’abord avec sa C4 puis sa Peugeot 403 break, lorsque venait l’automne, le temps des champignons, savait faire des haltes, en des lieux connus seuls de lui, pour ramasser des cèpes. Qu’ils étaient beaux ses cèpes ! Dodus du pied, aériens du chapeau, irisés d’un dégradé d’orangé virant sur le brun. Cueillette discrète, respectueuse, écologique dirait-on maintenant, loin de la prédation des ramasseurs du dimanche, toute une philosophie du champignon, le sens du durable.
En écrivant ces lignes je ne suis pas en train de badigeonner le passé avec les couleurs « du c’était mieux avant » mais tout bêtement d’évoquer un temps où la main invisible l’était tellement que les gens de peu, les gens ordinaires, savaient que le prélèvement sur la nature se devait d’être raisonnable. Elle était dure la nature pour les gens de la terre, ils la subissaient, en souffraient mais ils composaient avec elle.
Je viens d’acquérir un petit livre co-écrit par Tony Saccucci un romain professeur de philosophie et Carmelo Chiaramonte qui vit en Sicile, chercheur en gastronomie, « Petite philosophie du champignon » chez Balland 12,90€.
« Cachée derrière la recherche du champignon, il y a la recherche du secret de la vie. »
Ce livre n’est pas un guide mais un traité jubilatoire sur la raison qui nous pousse à aller aux champignons.
Le roi Boletus y règne en maître bien sûr.
Je vous propose pour vous appâter à cette joyeuse champignonnade de l’esprit un extrait qui est le chapitre qui clôt la première partie écrite par le philosophe Tony Saccucci.
« Aller aux champignons n’est pas un sport, ni un hobby, ni un passe-temps, ni une fuite. Aller aux champignons est une exigence de l’esprit. C’est une idée nécessaire de la raison, un irrépressible sentiment du cœur. Un appel ancestral. Un mantra, une prière non récitée.
En un mot, je pourrais dire qu’il s’agit d’un rite, voire d’un rite païen.
Le chercheur passionné est pris au piège d’un monde à part, qui lui appartient, et qui est totalement hermétique à ceux qui ne sont pas « du métier ».Il s’agit d’une expérience qui demeure muette aux oreilles des non-chercheurs. C’est un peu comme la poésie : un esprit prosaïque n’y aperçoit qu’une suite de mots, sans aucun sens. S’immerger dans le langage poétique, c’est donner du sens, créer des mondes parallèles, solides, réels. Il en va de même avec le champignon : il crée une vie authentique, sensée, rassurante. [….]
L’univers des champignons en général et des cèpes en particulier est beau. Puisque la beauté se veut universelle, elle réclame de toute l’espèce humaine, et pas seulement des chercheurs, qu’elle reconnaisse la beauté des champignons, hors de tout intérêt ou raison rationnelle. Il s’agit d’une demande intime et urgente. Les champignons ne sont pas beaux parce qu’ils sont bons. Non, les cèpes sont beaux et c’est tout ; en plus ils sont bons.
Lorsqu’on se promène dans un bois et que, soudain, Il apparaît, notre univers s’amplifie, notre humeur change. La découverte d’un cèpe pourrait être considérée comme un antidépresseur naturel, qui devrait être prescrit à la place des produits pharmaceutiques. »
Cette champignonthérapie devrait plaire devrait plaire au sieur Pousson.
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Reste que, geste prémonitoire, avant d’acheter« Petite philosophie du champignon » j’ai au déjeuner mangé une fricassée de cèpes chez Camdeborde arrosée d’une Mondeuse de Jongieux 73170 : qui c'est ?
Excellent !
La suite de cette chronique dans quelques jours avec « les deux lois du cèpe » suivies par Carmelo Chiaramonte « afin de respecter le parfum de ces fleurs spongieuses et muettes »
Capital comme aurait dit Karl !