Comme vous le savez, je l’ai assez seriné, pendant des mois je me suis occupé du reclassement de 130 producteurs de lait du Grand Bassin Sud-Ouest, soit l’addition de deux régions administratives : l’Aquitaine : 5 départements Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques et le Midi-Pyrénées : 8 départements Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne. Pas facile de s’y retrouver ! En dépit de mon goût pour la géographie par moment je me prenais les pieds dans le tapis entre le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne.
Mais le pompon de la confusion c’est pour les vins de ce grand ensemble. Je vais essayer de faire simple :
- En 1 la Gironde qui s’identifie à Bordeaux avec son CIVB
- En 2 Bergerac, Côtes de Bergerac, Pécharmant (pour les rouges), Bergerac rosé, Montbazillac, moelleux, Montravel, Côtes de Montravel, Haut-Montravel, Rosette et Saussignac pour les blancs, avec leur CIVRB
- En 3 un gros peloton regroupé sous la bannière de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest :
AOC : Fronton, Gaillac, Madiran, Pacherenc du Vic-Bilh, Saint Mont, Tursan, Saint Sardos, Entraygues et Fel, Brulhois, Côtes de Millau, Coteaux du Quercy, Estaing, Irouleguy, Lavilledieu, Marcillac
IGP : Côtes de Gascogne, Comté Tolosan, Côtes du Tarn, Coteaux et terrasses de Montauban, Lot-et-Garonne, Agenais et Thézac-Pérricard, Lot, Aveyron, Pyrénées-Atlantiques, Landes.
- En 4 Le paquebot Cahors en son isolement qui se voudrait splendide...
- En 5 : un petit peloton d’isolés : AOC Côtes de Duras, Côtes du Marmandais, Buzet…
Croyez-vous qu’une poule y retrouverait ses petits dans un tel embrouillamini ? Bien sûr votre Taulier, qui n’est pas un perdreau de l’année, arrive à s’y retrouver mais même si les les plus optimistes pourront m’objecter que c’est beau comme un tableau d’art contemporain, je ne suis pas sûr, qu’hormis le cas de François et de Bernard les duettistes en ault qui marient les 2, que ce soit le meilleur moyen de vendre du vin. En revanche, aux habituels simplificateurs, ceux qui comme le british Robert Joseph veulent jeter le bébé avec l’eau du bain, je réponds ce n’est pas compliqué mais un peu emmêlé comme un écheveau de laine. L’important c’est de nous donner, à nous pauvres consommateurs, l’une ou l’autre des extrémités du fil pour pouvoir faire notre pelote. La première, puisque nous sommes les chantres de l’origine, pouvoir mieux situer le terroir sur son territoire, l’identifier. La seconde, être en mesure de mieux connaître les vignerons qui œuvrent sur ce territoire.
Alors lundi 14 mai, après un vrai déjeuner en ville avec ce qu’on appelle un homme d’influence, je me suis rendu pédestrement jusqu’à l’atelier de Guy Martin rue de Miromesnil où les Rebelles d’Aquitaine avaient transformés en camp retranché. Je plaisante bien sûr. Il faisait beau pour une fois. La disposition du lieu sur plusieurs niveaux était très agréable et la petite cour extérieure permettait de papoter en prenant un café. Du bon miam aussi mais comme j’avais déjà mangé je me contentai d’un pruneau d’Agen offert par de beaux yeux. Je bus aussi du jus de tomate de Marmande et goûtait quelques gariguettes en souvenir de Gérard Gouzes, l’inventeur de l’EARL, maire de Marmande. Si vous êtes bon en géographie vous aurez compris que je me trouvais dans une enclave du Lot-et-Garonne.
En effet, nos Rebelles d’Aquitaine, montés à Paris, venait tout droit de Duras. C’est où Duras, diront les cancres ? Au sud de Libourne et de Bergerac, sur la rive droite de la Garonne : regardez la carte ci-dessous. Présentation de 20 vins aux parisiens, de toutes les couleurs, sec et moelleux pour le blanc, nommés « ambassadeurs des Côtes de Duras » pour 2012 après une dégustation à la chaussette (et non pas à l’aveugle comme c’est dit trop couramment). Donc des Rebelles investis d’une mission de séduction. J’adore les Rebelles, ceux qui se lève contre l’ordre établi, bouscule l’establishment, font bouger les lignes. La seule question que je me pose à propos de la dream-team de Duras : serait-ce contre leurs grands voisins girondins qu’ils se rebellent ? Je plaisante bien sûr ! Plus sérieusement, je les vois bien plus entamer une guerre en dentelles pour nous séduire, nous attirer dans leurs rets
Permettez-moi, formule idiote puisque je me permets tout, de citer Jean-François Revel, qui écrit dans son célèbre livre un festin en paroles, « Quand on demande à la plupart d’entre nous ce qui fait la qualité d’un vin, nous avons tendance à répondre : le terroir. Avec le climat, bien sûr. Les plus avertis ajouteront : le cépage. Quand on consulte les leçons de l’histoire et de la géographie, la réponse correcte est plutôt l’intelligence et le marché. L’intelligence n’est évidemment rien sans le travail avec les investissements qu’il suppose. Le tout stimulé par le marché. » Attention, ne pas monter sur vos grands chevaux dès que vous entendez parler de marché au singulier. Ici ce sont tout bêtement vos clients.
Ces clients tout le monde les chasse ! On se les arrache ! On leur fait la cour ! Mais, dans ce qu’il faut bien appeler la concurrence entre vignobles d’abord, certains partent avec beaucoup de longueurs d’avance. Ça s’appelle la notoriété. Et la notoriété ça ne se bâti pas à pas, ça ne se fait pas en un jour, c’est patience et longueur de temps et bien sûr de l’argent. Je ne vais pas reprendre ici mes habituelles antiennes mais, lorsqu’on est modeste, en taille, comme en notoriété, le meilleur atout à jouer c’est de conjuguer avec intelligence : un sens collectif à toute épreuve et une grande capacité à faire éclore de belles individualités. Partager les mêmes valeurs, admettre les différences, donner aux consommateurs bien plus que des images, une vraie histoire de femmes et d’hommes qui partagent le même destin. Tout bêtement revenir à la force fondatrice de nos AOC : tenir leurs promesses ! Sortir de leur côté tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil qui est l’équivalent d’un lobby des droits acquis.
J’ai dégusté tous les blancs en file indienne en commençant par le haut (l’étage le plus élevé de l’atelier j’entends : (les prix TTC départ propriété)
- La Pie Colette 2010 7€ Sémillon, Muscadelle, Sauvignon, Chenin www.mouthes-le-bihan
- Pérette et les noisetiers 2009 Sémillon 80ù Sauvignon, Muscadelle25€ idem
- Domaine du Vieux Bourg 2011 Sauvignon 4€ www.vieuxbourg.delicent.com
- Amourette 2011 6,50€ par 12b Sauvignon www.domainlesriquets.com
- Le chemin blanc 2010 7€ Sémillon, Sauvignon blanc, sauvignon gris (1/3) www.chateau-lapetitebertrande.com
- Prélude de Berticot 2011 Sémillon, Sauvignon en Bib de 10 l 24€ www.berticot.com
En bas j’ai dégusté un rosé : Terroir des Ducs 2011 Cabernet franc 80ù et Cabernet sauvignon 20% 6€ Château Molhière molhiere@wanadoo.fr
Enfin quelques rouges
- Château Les Roques 2010 Merlot 80% et Cabernet Sauvignon et Franc pour 10% chaque 5,50€
- Domaine Chater 2010 Merlot Cabernet 60/40 6,50€ www.domainechater.com
- La Pierre Cachée 2010 Merlot 75ù Cabernet Sauvignon 25% 9€ www.chateau-lapetitebertrande.com
- Le Mignon 2010 Merlot 85% Malbec 20% 9,50€ www.domainlesriquets.com
- Les Apprentis 2008 Merlot, Cabernet sauvignon, Malbec, Cabernet Franc 17€ www.mouthes-le-bihan
- Domaine du Vieux Bourg 2010 Merlot 40% Cabernet France et Sauvignon 20% chaque 4€ www.vieuxbourg.delicent.com
- Les Cours 2010 Merlot Cabernet Sauvignon bib 9,90€ fabrice-pauvert@orange.fr
Le Point de vue du Taulier
- Très belle sélection homogène pas de mauvaises surprises, que des vins de belles tenues.
- Un rapport qualité/prix imbattable pour la grande majorité des vins.
- Des blancs remarquables dans la meilleure tradition Duras et des rouges qui font rougir le grand voisin bordelais.
- Belle dégustation avec des vins à température, bien servis, dans une belle verrerie disponible sur chaque stand.
- Mes coups de cœur : ****
En blanc : Amourette *** 2011 du domaine Les Hauts de Riquet et La Pie Colette 2010 *** du Domaine Mouthes Le Bihan.
En rouge : Les Apprentis**** 2008 du Domaine Mouthes Le Bihan et La Pierre Cachée *** 2010 Domaine de Dame Bertrande. Et Les Cours 2010 **
Mention Spéciale du Taulier aux 3 représentants du Domaine Mouthe Le Bihan Les Apprentis 2008 est un grand rouge dense, complexe, soyeux, souple, du fruit, de la longueur, remarquable en tout point. Me donnait envie d’une belle entrecôte grillée avec des bonottes de Noirmoutier. Pérette et les noisetiers 2009 est un petit bijou, une rareté (6500 b), un vin éclatant, rond sans artifice, du velours à fines côtes, c’est vigoureux, vif, du fruit plein la bouche sur un bar de ligne à la croûte de sel : à se sucer les doigts et à finir son verre. Bravo !
Quand j’ai écrit en titre : Feu sur le quartier général ce n’était pas pour faire de la provocation mais pour vous inciter à lire ce qu’écrit Jean-Mary Le Bihan sur sa page d’accueil link à propos de la dernière réunion du CRINAO Sud-Ouest présidé par Hubert de Boüard. Édifiant !