N’en déplaise à mon ami Ghislain de Montgolfier, le tout frais président de de l'UMVIN (Union des Maisons et Marques de Vin) qui, en bon champenois qu’il est sait que ce qui est bon pour la Champagne n’est pas forcément bon pour les vins dits tranquilles, le jus produit par le 21 septembre, le Groupe de réflexion à Haut Niveau sur les Droits de Plantation se réunit à Palerme en Sicile n’est qu’un habillage habile pour faire passer le suppositoire de la suppression du système des droits de plantation.
On enrobe tout d’abord le suppositoire de vaseline « l'idée essentielle est que la gestion des plantations doit largement impliquer les professionnels eux-mêmes ». La Commission Européenne reconnaît ainsi « qu'un système moderne et ambitieux de gestion des plantations ne peut pas être centralisé à Bruxelles. Les pôles de décision doivent se mouvoir vers les territoires concernés, les viticulteurs, les autres acteurs économiques et leurs organisations professionnelles. Ce sont eux qui connaissent le mieux les marchés actuels et futurs. Ce sont eux qui doivent devenir les vrais acteurs de la gestion des plantations. »
Ensuite, on différencie les patients auxquels s’applique la nouvelle posologie : « il faut souligner qu'il y a une différence entre les vins avec indications géographiques et les autres vins de tables ». Le premier outil concerne ainsi la gestion des plantations pour les vins d'indications géographiques protégées (AOP et IGP). Selon Jose Manuel Silva Rodriguez, « il s'agit de transférer aux acteurs économiques des vins AOP/IGP la gestion de leurs surfaces de plantation. Cette gestion pourrait entrer dans le cadre des tâches allouées aux organisations professionnelles (organisations de producteurs, organisations interprofessionnelles...). Toute décision prise dans ce cadre devrait être entérinée par les autorités publiques (nationales ou régionales). »
Enfin, pour faire joli, rassurer on érige une usine à gaz qui ne produira que de la fumée « le second outil proposé par la Commission est une clause de sauvegarde évitant « toute expansion rapide de la plantation de vins sans indication géographique. Même si nous ne prévoyons pas une explosion de nouvelles plantations en 2019, il faut répondre à certaines craintes que vous avez exprimées. » Cette clause de sauvegarde serait activée par les Etats membres, au-delà d'un seuil préétabli, les plantations seraient gelées. Supervisé par la Commission, ce mécanisme préviendrait le déséquilibre entre offre et demande des marchés du vin. Tenant à ne pas aboutir à un outil trop restrictif, la Commission envisagent cependant la mise en place de niveaux de priorités (notamment en faveur des jeunes exploitants) et de critères objectifs (typologie du terrain...). »
C’est le pire des systèmes : d’un côté les routes départementales voire nationales où la vitesse est limitée par les intéressés (rires dans les chaumières) sous la haute surveillance des pandores de Bruxelles et de l’autre une belle autoroute à allemande où les grosses cylindrées pourront faire rugir leurs beaux et fringants chevaux vapeurs.
Je partage le point de vue du Président de la Fédération Européenne des Vins d'Origine, l’italien Riccardo Ricci Curbastro qui a critiqué cette différenciation des vignobles. Pour lui, « il n’y aurait rien de pire que de prévoir un régime différent entre les vins AOC/IGP et les VSIG dont les plantations ne seraient pas régulées. La solution proposée conduirait à un développement incontrôlé de la production de VSIG et à une industrialisation du secteur. Quant aux vins AOC et IGP, ils deviendraient une réserve d’indiens ! »
C’est la prime aux forts.
Comme je l’ai toujours soutenu les 2 branches de l’alternative ne peuvent être que :
- Plus de droits pour tous les vignobles.
- Des droits pour tous les vignobles avec une gestion différenciée par catégories.
Dans le premier système la régulation se fera par le marché sans filet. Il est donc clair et évident que, le marché de la grande majorité des vins se régulant par les volumes du bas de la pyramide, toute surproduction entraînera une baisse des prix qui mettra en difficulté le modèle coopératif classique (il l’est déjà) ce qui entrainera la déprise des zones les moins productives au profit des zones de plaine, et par conséquence la diminution du nombre d'exploitations dites familiales (ce qui est une appellation commode qui recouvre une réalité un peu plus complexe). Ce phénomène est connu, il a été vécu par le Languedoc-Roussillon qui a connu un arrachage massif. Ce qui est nouveau c’est que la libéralisation des plantations va, à terme, mettre à mal le système des AOP volumiques. Est-ce souhaitable comme le prônent certains ? C’est la méthode du champ de bataille où l’on ramasse les morts et les blessés à la fin du combat. C’est efficace mais socialement et humainement difficiles pour les 3 vieux pays qui seront touchés : Espagne, France et Italie. C’est un choix politique.
Dans le second système que le bon Ghislain prône, mais qui n’est pas celui de la Commission, la régulation n’est plus un joujou entre les mains des technocrates : « Sur la question des vins sans IG, l'UMVIN se dit favorable à un encadrement, mais qui serait géré de façon globale avec les autres catégories réglementaires, dans l'idéal en France au sein des interprofessions. Le tout irait dans l'intérêt des négociants, qui pour l'heure sont obligés d'avaliser les décisions des Organismes de Défense et de Gestion en matière de gestion des volumes (plantation, rendement, gestion des réserves) dans la plupart des régions, sauf en Champagne ou ceci se décide collectivement au sein du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). Un modèle dont l'extension semblerait satisfaire les négociants, qui se disent prêts à développer la pratique des contrats, en échange de plus de partage du pouvoir sur le pilotage collectif des quantités. L'UMVIN se dit aussi favorable à l'existence d'une clause de sauvegarde, qui permettrait aux états membres de geler les plantations en cas de risque de surproduction, sur la base d'indicateurs économiques. »
Mais tout ce que je viens d’écrire c’est en pure perte car la messe est dite « S'il y a inflexion, la Commission ne fait pas pour autant machine arrière. Jose Manuel Silva Rodriguez a bien tenu à préciser « qu’un retour en arrière vers une position conservatrice n'était pas envisageable (...), il n'est pas possible de prolonger indéfiniment un système temporaire voué à disparaître au 1er janvier 2016 ».
Sans instruire un procès en responsabilité, mais en mettant le doigt sur l’inconséquence des responsables professionnels français, nous ne récoltons en ce moment que les fruits du débat avorté qui aurait dû accoucher de la fameuse stratégie Cap 2010. Les défis du Vin Français. Trop Tard messieurs !