Nos amis japonais sont entrés dans le cercle restreint des vrais amateurs de vin et comptent parmi les plus connaisseurs de notre cuisine, de notre gastronomie. Le moins que nous puissions faire c’est de nous intéresser, nous aussi, à leur tradition culinaire mais en abordant l’art culinaire au Japon, non pas au travers d’un livre de recettes de cuisine japonaise, mais en parcourant l’histoire du boire et du manger dans l’ancien Empire du Soleil Levant, se révèle un exercice qui permet de mieux comprendre comment nos vins y ont pu s’implanter et s’y faire apprécier. Naomichi Ishige avec son excellent livre, une bible, L’art culinaire au Japon chez Lucie éditions 26€ répond parfaitement à cette quête.
Ce matin j’ai donc décidé de chroniquer sur l’instrument qui, pour nous occidentaux, nous fascine le plus dans la cuisine japonaise : le hôchô, le couteau de cuisine japonais qui est l’équivalent du sabre du samouraï.
Le katana, le sabre symbole de la caste des samouraïs, est un point central du film Kill Bill de Quentin Tarantino, film culte en 2 épisodes, et plus particulièrement de sa première partie durant laquelle la fabrication du sabre de la mariée par Hattori Hanzo est mise en valeur. Le katana (刀?) est donc un sabre, arme blanche courbe à un seul tranchant, de plus de 60 cm. Il est porté glissé dans la ceinture, tranchant dirigé vers le haut (vers le bas si le porteur est un cavalier).
« Les lames des sabres japonais sont depuis longtemps renommés pour être les plus tranchantes du monde. Avant que les frontières du Japon ne se ferment au XVIIe siècle, les sabres étaient la marchandise la plus exportée en Chine et dans l’Asie du Sud-Est. Les sabres japonais sont forgés selon une méthode bien particulière avant d’être battus avec le plus grand soin. L’acier à base de sable de fer est fondu dans une forge spécialement prévue à cet effet. La fabrication industrielle des couteaux de cuisine suit le même processus. À l’époque, sabres et hôchô étaient fabriqués par le même forgeron.
Les lames des couteaux de cuisine occidentaux sont entièrement en acier. Les lames en acier sont effectivement tranchantes mais elles sont trop dures pour couper dans la chair fraîche ou pour faire des tranches très fines. Pour la cuisine japonaise, il faut non seulement que la lame du couteau soit tranchante mais qu’elle soit aussi assez souple pour offrir une bonne sensation de coupe. Pour répondre à ces exigence, la lame du hôchô est recouverte d’une légère couche de fer, tout comme l’était le sabre japonais. Ainsi, ces couteaux permettent de faire un travail beaucoup plus précis et plus délicat.
Le hôchô japonais traditionnel est une lame à simple tranchant. La forme triangulaire du hôchô permet d’obtenir des tranches lisses et régulières. C’est cette lame qui permet de couper la chair tendre du sashimi avec autant de précision et des tranches de radis daikon plus fines que du papier. »
Autrefois les cuisiniers étaient appelés des hôchô-shi : les « maîtres du couteau » et lorsqu’ils quittaient l’établissement ils emportaient leur hôchô avec eux car il était leur propriété. Le hôchô portait la marque de fabrique du forgeron. « Pour un apprenti cuisinier, recevoir le couteau de son instructeur est le plus grand honneur qu’il lui est donné. » L’art de manipuler le hôchô remonte à la période de Heian (794-1192) « À cette époque, les hôtes des banquets exécutaient des démonstrations de leur talents pour le divertissement de leurs invités. Debout devant une planche à découper, un hôchô dans la main droite et de longues baguettes appelées mana-bashi dans la main gauche, l’hôte coupait un poisson et préparait le namasu, l’ancêtre du sashimi. Les baguettes mana-bashi étaient uniquement utilisées pour que le cuisinier puisse couper le poisson ou la volaille en tranches sans toucher la chair avec ses doigts mais elle n’étaient jamais utilisées pour manger. Elles ont perduré jusqu’à l’époque d’Edo dans les grands restaurants mais à partir du XIXe siècle, l’usage de cet ustensile a disparu progressivement. »
« Il n’y a vraisemblablement aucun autre pays qui ait une telle gamme de couteaux de cuisine. Les cuisiniers japonais utilisent des hôchô de différentes formes et de différentes appellations pour la coupe des sashimi, des anguilles, des pastèques, des légumes, des nouilles etc. Cette grande variété date du XVIIIe siècle, époque à laquelle se sont développés les restaurants et, avec eux, les ustensiles de cuisine et tout particulièrement le couteau.
À la maison 3 couteaux suffisent : le nakiri-bôchô, le deba-bôchô et le sashimi-bôchô (voir planche ci-dessous.)
« Un hôchô manufacturé suivant les traditions avec du sable de fer est un ustensile très cher aujourd’hui et qui demande un entretien méticuleux. Il faut travailler régulièrement le tranchant de la lame avec une pierre à aiguiser. »