« Le terme de « tuerie » ou « tuerie particulière » fut d’abord utilisé pour désigner le lieu où chaque boucher abattait ses propres animaux : dans la cour ou la remise attenante à sa boucherie, parfois même directement sur le trottoir, devant la boutique. Le mot abattoir est apparu dans le langage professionnel et administratif lorsque des locaux spécialisés ont été imposés dans les grandes villes, et d'abord à Paris, pour y mettre à mort les animaux de boucherie.
C'est Bonaparte, alors premier Consul, qui par un arrêté du 8 Vendémiaire supprima les tueries particulières à Paris et fit construire cinq abattoirs: trois rive droite, Montmartre, Popincourt et le Roule, deux rive gauche, l'un à la barrière de Sèvres (Grenelle) et l'autre à la barrière d'Italie (Villejuif). Le terme d'échaudoir est souvent utilisé alors pour désigner dans ces abattoirs le poste d'abattage dans lequel chaque boucher abat et prépare les carcasses (dépouille et éviscération). Le mot échaudoir peut également être en relation avec la présence en ce lieu de cuves d'eau chaude pour ébouillanter les porcs et pour le lavage des panses, estomacs et intestins. Par la suite, Paris connaîtra une nouvelle réorganisation de ses abattoirs sous le second empire avec l'ouverture de l'Abattoir de la Villette en 1867 suivie de celle de l'abattoir de Vaugirard en 1898. Dernier épisode de l'histoire des abattoirs parisiens : après le scandale de la reconstruction des abattoirs de la Villette, ceux-ci seront définitivement fermés le 15 mars 1974 suivis par les abattoirs de Vaugirard en 1976. C'est la fin des abattages dans PARIS. » Académie de la viande.
J’ai connu au temps de mes culottes courtes la « tuerie particulière » de la Mothe-Achard. C’était dégueulasse dans toutes les acceptions de ce mot. Il fallait avoir le cœur bien accroché : souvenir du sang des gorets dégoulinant sur le sol, ruisselant dans une rigole vers une fosse à ciel ouvert où les charcutiers venaient puiser avec un seau ce qui servirait au jus de boudin. Ça cocotait dur. Seul le boudin de mémé Marie trouvait grâce à mes yeux.
J’ai retrouvé dans le livre de Marie-Odile Beauvais « Manger » un roman chez Fayard une description de ce type de lieu qui colle très bien à mes souvenirs.
« Enfant, Laurent passait ses vacances avec sa grand-mère dans une petite ville de Sologne. Ils habitaient la maison voisine de l’abattoir. Du bâtiment partaient des rigoles de fonte qui traversait la cour à l’air libre. Elles passaient sous la route, où elles convergeaient, et se jetaient dans la Loire. Le matin, les bêtes descendaient des camions. Leurs sabots sur les pavés fracassaient le silence. On poussait les bêtes qui perdaient l’équilibre et glissaient sur la fonte. À celles qui refusaient d’entrer, des hommes passaient la corde au cou. La bête étranglée finissait par avancer. Du dehors, une fois la porte fermée, Laurent entendait chaque coup de feu, suivi d’un vacarme de chaînes. Pour pouvoir la vider, on suspendait la bête. À partir de dix heures, les rigoles débordaient de sang qui coulait vers le fleuve. Le sang s’infiltrait dans la terre, entre les pavés. Leur journée terminée, les hommes avaient beau rincer la cour au jet, le sang stagnait dans les canaux de fonte. Il séchait au soleil. La puanteur attirait les mouches. Affolées, elles volaient en bandes. La nuit sortaient les rats. Une fois lavés, des boyaux très blancs étaient suspendus en guirlandes au plafond. On les voyait de la cour, au travers les fenêtres. Laurent était encore enfant quand l’abattoir avait été fermé – il ne répondait plus aux nouvelles normes d’hygiène. »