Alors que je pédalais nonchalamment dans la rue St Placide qui relie la rue de Sèvres à celle de Rennes – mon regard fut attiré par une nouvelle enseigne de caviste : « Le Vin en tête » – en ce moment les cavistes poussent sur le pavé de Paris comme les cèpes dans les sous-bois – la première réflexion que je me fis fut : « à 2 pas de la Grande Épicerie du BM, couillu le gars ! ». Et puis, léchant la vitrine, je tombe en arrêt comme un « Porcelaine » flairant des perdreaux face à une offre étrange : « cours d’œnologie ». Pourquoi pas me direz-vous. Mouais, j’veux bien mais à quand chez mon boucher ou mon charcutier ou mon tripier : « cours de zootechnie » ? Ben oui, car il ne fait aucun doute que pour apprécier une hampe gouteuse y faut savoir comment ça rumine la Blonde d’Aquitaine : faut pas se gourer dans le circuit de la panse, du feuillet et de la caillette, sinon je vous assure que ça va peser sur votre estomac. À mon avis je crois même que ça ne suffit pas, faut savoir ce qu’ils mangent ces braves ruminants. Alors, pour ne pas se gourer entre la prairie naturelle et la prairie artificielle, le trèfle et la luzerne, le ray-grass et le sainfoin, moi je suis pour inscrire les « cours de phytotechnie » dans le cursus du vrai consommateur de steak tartare. Bref, ça va générer de l’emploi dans le petit commerce.
Attention mes amis je n’ai rien contre l’initiation à la dégustation – il existe sur la place de Paris d’excellentes maisons qui la pratique comme par exemple www.Ecole-Du-Vin.fr ou <http://www.ecolededegustation.fr> de Jacques Vivet – mais baptiser pompeusement, sous l’égide du premier caviste venu, un ensemble mal défini de prestations : « cours d’œnologie » ça me chiffonne à plus d’un titre. Le premier c’est que, dans l’esprit de ces pédagogues amateurs, qui d’ailleurs devraient se rappeler qu’un caviste c’est d’abord un commerçant de détail, l’œnologie c’est le fourre-tout. Y’a qu’à voir le programme de www.levinentete.com pour s’en persuader. Moi j’en reste aux fondamentaux : d’abord la culture de la vigne c’est de la viticulture, puis faire le vin relève de l’œnologie diplômée ou non, ensuite la dégustation professionnelle ou festive relève elle aussi de l’œnologie, enfin pour clore la culture du vin sous toutes ses formes n’a rien à voir avec tout ce qui précède. Appelons un chat un chat et les vaches seront bien gardées. Que certains veuillent enrichir leurs connaissances, bien sûr je n’ai rien contre mais de grâce laissons l’œnologie aux œnologues. En revanche, une pseudo-approche scientifique me fâche car elle est la porte ouverte à tous les discours orientés, définitifs. Après avoir placé le vin sur un piédestal, l’avoir éloigné de la culture populaire, l’avoir complexifié à l’excès, lui accrocher aux basques des « cours d’œnologie » relève au mieux de la culture d’un fonds de commerce lucratif au pire d’un goût très prononcé dans notre beau pays pour un pédagogisme laborieux.
Sans généraliser, une telle approche fabrique beaucoup trop souvent des péroreurs qui emmerdent le monde avec leur science œnologique. Y savent tout. Y expliquent tout. Y z’ont du vocabulaire. Y vous disent que vous êtes un barbare parce que vous buvez tel vin avec tel plat. Y vous gonflent la tête avec des conseils. Faut les entendre dans les travées des salons de vins. Je les repère de suite. Y z’ont leurs groupies. J’admire la patience des vignerons. Encore heureux quand y achètent quelques boutanches. Trop de mots tue le plaisir. Tout le monde n’est pas Mozart. La soif de connaissances me plaît. L’étalage de la culture œnologique m’énerve. Ceci étant écrit comme cette approche s’adresse à un public très restreint, et ce n’est pas ça qui va faire avancer la culture du vin auprès du plus grand nombre, je plaide pour que tous ces zélotes, au lieu de faire les beaux auprès de leurs copains, se mettent au service d’un prosélytisme de masse dans le désert des rayons vins de la GD. Ben oui, ce n’est pas en prêchant auprès des convaincus qu’on fabrique des convertis.