Y’ a des jours où vraiment je n’ai pas envie de conter le vin mais de le boire dans le fin fond d’un patelin non connecté, ni branché, comme cette île de ma vieille Vendée crottée et réactionnaire mais qui savait toujours raison garder.
Texte de 2007 tiré de mon roman du dimanche en illustration
« Personne ne voulait lever l'ancre. Sous l'épais nuage de fumée bleue, tels des porcelets découvrant les joies de la fange, ils se vautraient dans les délices de la bonne chère et du bon vin. Jean, ne reculant devant aucun exotisme, en dessert, avait fait confectionner des savarins gorgés de rhum Négrita. Les gars, déjà envapés, se léchaient les doigts pour n'en perdre aucune miette. L'arrivée de magnums de champagne, du vrai, du très cher, faillit provoquer des ruptures d'anévrisme. Les gars n'en revenaient pas. Le plus jeune de la tribu des Turbé, dit Cécette, eut égard à son bégaiement qui lui faisait débuter ses phrases par des cé cé cé, soudain volubile, ne butant sur aucun mot, n'en finissait pas de répéter que, pour sûr, dorénavant(sic), surtout avant d'aller au bal pour emballer les filles, il ne carburerait plus qu'au Motéchandon. L'apogée de la soirée fut enfin atteinte lorsque Marcelline, son homme étant fin saoul, pour la rincette du café, lui étant toujours du pur jus de chaussette, proposait de derrière le bar, le choix entre un VSOP d'Hennessy, un Armagnac de je ne sais plus quel âge et de je ne sais qui, et un Calva ramené d'une virée en Normandie. Pour ces stricts pratiquants de la goutte ce fut comme si on leur faisait découvrir que, jusqu'à ce jour, ils lapaient l'équivalent du pétrole lampant de leur fanal. Tous ces palais dévastés, ravagés, au terme de cette mémorable soirée, croulant sous les douceurs de tous ces nectars pour une fois savourés, découvraient le vrai goût des choses. »
Encore moins envie d’aller me goinfrer de foie gras ou de caviar, d’enterrer cette vieille année sous les cotillons, serpentins et langues de belle-mère alors que les égouts débordent, dégorgent des fientes de notre société, jusqu’ici plus ou moins bien cachées.
Ça pue.
Ça me donne envie de gerber.
Ces détritus barbouillent de merde les réseaux sociaux, Face de Bouc devient le cloaque de la pire inhumanité.
Ainsi, depuis plusieurs jours, une jeune italienne Caterina Simonsen, étudiante vétérinaire de 25 ans, atteinte de quatre maladies génétiques rares, se fait insulter sur Facebook par des dizaines d'internautes, certains allants jusqu'à lui souhaiter de mourir.
Sa faute ?
Son statut : « Moi, Caterina S. j'ai 25 ans, je remercie la vraie recherche, qui inclut l'expérimentation animale; sans la recherche, je serais morte à 9 ans».
Quelques heures après ce message, elle comptabilisait déjà 500 insultes et 30 souhaits de la voir mourir de la part de personnes se disant « défenseurs de la cause animale ».
La litanie d'injures n'a cessé et les messages injurieux se sont ainsi multipliés: « Tu pourrais mourir demain que je ne te sacrifierai pas mon poisson rouge » ou bien « Peut-être devrais-tu mourir: un être humain de moins et des animaux en plus sur cette planète »
« On achève bien les chevaux »
Le film réalisé par Sydney Pollack, sorti en 1969, inspiré du roman homonyme de Horace McCoy publié en 1935. Le début des années 1930, en Californie, la Grande Dépression, on se presse pour participer à l’un de ces nombreux marathons de danse organisés à travers le pays pour gagner les primes importantes qui y sont mises en jeu.
2013, grande dépression des temps post-modernes laissant le champ libre aux comportements désespérés dont se repaissent les plus vils.
Alors me direz-vous, portons le coup de grâce à 2013, ce coup fatal «administré» à une personne ou un animal blessé en vue d'abréger ses souffrances ?
Inutile, car 2014, la petite sœur pointe son nez et, en dépit des vœux et des bonnes résolutions, je ne me fais aucune illusion sur l’éradication des cons.
Puisque Noël n’est pas très loin dans notre rétroviseur rappelons-nous, qu’avant d’entamer son fameux chemin de croix, de mourir sur la croix, le nazaréen fils de Dieu, subit la flagellation qui avait pour fonction déterminante de « préparer » le supplice de la crucifixion. Elle supposait un abominable raffinement puisque tout l’art du bourreau consistait à châtier le condamné, sans l’achever prématurément. — (Gérard Mordillat, Jérôme Prieur, Jésus contre Jésus, Éditions du Seuil, 1999, p. 75)
Peut-être qu’en 2014 pourrions-nous cesser de nous flageller nous ne sommes pas encore à classer dans les damnés de la terre ?
Si vous m’avez suivi jusque-là lisez donc cet autre petit bout de mon roman qui fait suite au précédent car sa chute : « nous allions profiter du temps restant pour parler de tout et de rien ». est la meilleure conclusion que je puisse vous proposer pour cette chronique.
« Jean avait réussi son coup. Tout le monde était content, moi y compris. Cette grande crapule passée du gauchisme au mercantilisme le plus débridé n'en finissait pas de me raconter qu'ils avaient quasiment racketté les bistrotiers de l'île pour financer les liquides de cette soirée, au motif ceux-ci étaient les seuls bénéficiaires de la pochtronerie des marins et qu'ils devaient réparation à Marie. Jamais avare de formule-choc mon Jean parlait d'impôt révolutionnaire. Le vieux Turbé opinait le regard perdu dans les profondeurs de la poitrine de Marcelline. Tous les détails du banquet avaient été décidés de longue date lors d'une réunion qui s'était tenue à l'initiative de Jean à la salle des fêtes. Les femmes n'en avaient rien su. Dans un ultime effort, le vieux Turbé, tout en surveillant Marcelline comme du lait sur le feu, me confia que le monument de Marie serait en granit, simple et sans croix. Je le remerciais alors qu'il se relevait avec l'aisance d'un jeune premier en nous confiant sur un ton égrillard : « J'ai la gaule. Ce n’est pas tous les jours que ça arrive faut que j'en profite... » Marcelline se propulsait dans la cuisine. Je dis à Jean : « je vais aller déposer l'urne de Sylvie au cimetière de Port-Joinville. Marcher me fera du bien ». Toute autre personne que Jean aurait posé des questions. Lui me suivit en me répondant : « Ne t'inquiète pas mon grand je m'occuperai de tout... » Il savait que je reprendrais le bateau du matin et que, d'ici-là, nous allions profiter du temps restant pour parler de tout et de rien. »