Le destin de certains mots, somme toute banaux, est étrange. Ils se retrouvent disqualifiés dans des expressions populaires et font l’objet d’un injuste opprobre. Tel est le cas de la lie, la lie du vin tout particulièrement même si ce dépôt formé par précipitation dans une boisson, spécialement un liquide fermenté ne concerne pas que le vin.
Dans ma jeunesse, au Bourg-Pailler, le Muscadet sur lie constituait pourtant le fin du fin que l’on réservait aux mariages et banquets. Certes mon père avec son alambic ambulant distillait les lies et que c’était des boues rouges lie-de-vin mais de nos jours nos jeunes amis naturistes me semblent tout à fait aptes à boire leur calice jusqu’à la lie.
La lie n’a jamais été bien traitée dès son origine. Son nom vient du latin médiéval lias, (pluriel) liæ « lie, sédiment, résidu », du gaulois lĭga, lega « sédiment, dépôt, limon » (cf. gallois llai, breton lec’hi « lie, mucilage », vieux breton leh « dépôt, vase »). Il est donc compréhensible que nos palais délicats n’apprécie guère de se frotter à du résidu ou de la vase.
J’imagine une dégustation naturiste, du type Mimi, Fifi & Glouglou, où une discussion acharnée se ferait autour du goût de vase. Je plaisante bien sûr.
Mais le pire de l’infamie pour la malheureuse lie est bien de qualifier certains de nos concitoyens d’être « la lie de la société » ou pire encore de leur balancer « Vous êtes la lie de l’humanité ! » Je trouve ça fort injuste, même si ces expressions sont de nos jours un peu désuètes, car il y a vraiment plus dégueulasse que la lie de vin.
Bref, j’ai décidé ce matin de réhabiliter la lie de vin en revenant vers la lie du Muscadet de mon enfance. En effet, au mois de mai de cette année une nouvelle gamme de produits beauté a été lancée par un industriel breton. Le principe actif est extrait de la lie du muscadet, trouvé par les Chais de la Cour, au Pallet.
Tout a commencé, à la suite d’une intuition de Fabienne Richard vigneronne au Chais de la Cour au Pallet link« C’était il y a six ans dès qu’on plongeait les mains dans la lie, elles devenaient très douces. Je me suis dit qu’il y aurait peut-être quelque chose d’intéressant ». Alors elle fait des recherches et découvre qu’au temps des Romains, le raisin était déjà appliqué pour le bien-être mais le projet prend forme lorsqu’elle rencontre Vincent Bourgeteau, biologiste chez Ephyla. Celui-ci analyse la lie du muscadet, riche en matières organiques. La méthode de vinfication utilisée dans le muscadet fait mûrir les polypeptides. Des protéines à partir desquelles le chercheur isole « un actif à fort pouvoir antioxydant, intéressant pour la cosmétique ».
« Après plusieurs essais et 25 000 euros d’investissement, la molécule est brevetée. Le couple s’associe avec deux personnes. Et crée Oh lie, société qui vend l’actif. Reste à trouver un industriel. Dominique Delarche, ancien propriétaire du laboratoire Centifolia, croit dans l’aventure. Le chef d’entreprise de Vannes investit 300 000 euros dans la société Experelle link, chargée de commercialiser les produits cosmétiques à base de la lie du muscadet. La gamme comprend déjà 25 produits ; des soins du corps et du visage, des compléments alimentaires anti-âge. La société projette de lancer une dizaine de nouveaux produits dans les six mois à venir. La société veut toucher tous les marchés de la beauté.
« Comparées aux autres cosmétiques, les formules sont trois fois plus riches en actifs. Et plus de 99 % des ingrédients sont d’origine naturelle », explique Dominique Delarche. Comme l’eau, extrait de végétaux de Bretagne. L’actif anti-âge, issu de la lie du muscadet, est le produit commun à toute la gamme qui utilise « une émulsion à froid inédite et révolutionnaire », vante l’industriel.
« C’est vraiment un produit unique au monde à la performance active très importante », ajoute le Breton.
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