J’avoue humblement que, jusqu’à il y a quelques jours, j’ignorais qu’il existât une AOP fromagère : Fourme de Montbrison. Celle d’Ambert, oui je connaissais, mais sa cousine germaine nichée dans le Forez n’avait jamais eu l’honneur de mes plateaux de fromage. Je n’ai pas coutume de mélanger mes activités professionnelles avec ma seconde vie de chroniqueur mais, sans vraiment faire une réelle exception, je vais ce soir faire la promotion de la Fourme de Montbrison. Pourquoi ce soudain intérêt me direz-vous ? La réponse tient en une forme de communiqué « l’Entreprise Forez-Fourme (10.5 Ml et 70 producteurs va être mis en liquidation judiciaire et depuis le 31 décembre leur lait n’est plus collecté. » Je n’entrerai pas dans le détail du dossier car ce n’est pas ici le lieu d’en parler mais sachez que cette entreprise produisait 150 tonnes de Fourme de Montbrison sur les 500 tonnes de cette AOP.
C’est dans le TGV du retour de ma réunion à Lyon mardi dernier (pour les Nuls en Géo le Forez se situe dans le département de la Loire qui fait partie de la Région Rhône-Alpes) que m’est venue l’idée de faire une chronique de fin de journée sur la Fourme de Montbrison. Comme vous le savez pour moi fromage rime avec Alleosse donc sitôt rentré je fonds sur mon clavier www.fromage-alleosse.com et je découvre que la Fourme de Montbrison fait partie de l’achalandage de Philippe et de Rachel Alleosse. Petit e-mail nocturne, réponse au matin et passage au magasin le soir pour photo et part de Fourme de Montbrison pour dégustation. Ce qui fut fait au dîner : excellent fromage à pâte fine persillée, fondante, proche du Stilton, un vrai délice plus tome en texture que les fromages persillés traditionnels. Bien sûr Philippe Alleosse est un maître affineur et sa Fourme de Montbrison est au top. Il s’approvisionnait chez www.fourme-tarit.fr l’entreprise qui vient d’être mise en liquidation judiciaire. Philippe Alleosse m’a indiqué que les japonais raffolaient de la Fourme de Montbrison, alors beau produit AOP s’il est bien affiné mais en manque de notoriété.
Je vous propose donc un geste simple : dès que vous irez chez votre fromager vous lui demanderez « comme un seul homme » : une part de Fourme de Montbrison. S’il n’en n' a pas : tant pis mais peut-être, si vous un bon client, ça lui donnera l’idée d’en commander. Bien sûr ma plume brûle de vous donner plus d’explications mais vous comprendrez que je ne puis, pour l’instant, aller au-delà de ce minuscule coup de pouce à la notoriété de la Fourme de Montbrison. Mais, pour faire simple, si nous voulons que des producteurs « s’accrochent » à certains territoires difficiles, il est vital, qu’en l’occurrence dans le cas présent, leur lait soit valorisé au mieux par les produits transformés. Une AOP ne suffit pas en elle-même à générer cette valeur si le consommateur n’est pas au rendez-vous. Bien sûr celui-ci est en droit de demander, en contrepartie, d’en avoir pour son argent. C’est un « cercle vertueux » qu’ont su construire certaines AOP fromagères, à nous consommateurs de contribuer à donner leurs chances à ceux qui souhaitent s’engager sur ce difficile chemin. Pas simple dans une conjoncture où le facteur prix et le mode de distribution donne le la à la consommation.
Comme nous sommes ici sur un site dédié aux vins que le taulier, tire de temps à autre vers d’autres sujets, je vous propose d’accompagner votre Fourme de Montbrison avec un vin des Côtes du Forez ou un vin de pays d’Urfé : www.vins-g-bonnefoy.com Je demande aussi aux experts dégustateurs lecteurs de nous tuyauter sur le bon choix.
En quelques mots sachez que la Fourme de Montbrison est un fromage au lait de vache à pâte persillée (moisissures internes) originaire de Montbrison, chef-lieu d'arrondissement du département de la Loire dans la région Rhône-Alpes mais est proche culturellement de l'Auvergne avec les parfums de fleurs de bruyère et de gentiane. C’est un fromage cylindrique de 20cm de hauteur et de 14cm de diamètre de 2,1 à 2,7 Kg avec une durée d’affinage de 1 à 3 mois.
L’histoire de la Fourme de Montbrison se calquait sur celle du pays avec en point d’orgue : l’estive. De mai à octobre les bêtes étaient menées vers les plateaux des Hautes Chaumes à plus de 1000 mètres d’altitude. Coupés du monde pendant la moitié de l’année, dans leur jasserie, une construction qui leur servait à la fois d’habitation, d’étable, d’atelier de fabrication de la fourme et de cave, des hommes et des femmes ont donné ses lettres de noblesse et son authenticité à la Fourme de Montbrison.
Le mot Fourme vient du grec « formos » puis du latin « Forma » (récipient où on caillait le lait). De cette racine, sont nés, en vieux français «fourmage» et «formage» devenus ensuite «fromage». La fourme est certainement un des fromages à pâte persillée les plus anciens. « L’origine de la Fourme se situe aux premières époques de la féodalité au VIIIe ou IXe siècle. Une preuve irréfutable démontre qu’au IXème siècle la fourme était connue et appréciée. A La Chaulme, 7 pierres taillées bien conservées surplombent la porte d’entrée de la chapelle féodale. L’œil reconnaît immédiatement le beurre, le saucisson, le jambon, les œufs, le foin, les céréales et… la Fourme. » L’histoire de la Fourme de Montbrison s’inscrit dans celle de ce versant ligérien des monts du Forez où les conditions de vie ont toujours été difficiles. Au milieu du XXe siècle au mode agro-pastoral de l’estive a succédé, avec l’irruption de l’exode rural, les citernes de ramassage du lait. « Dès 1945, à la demande de la société d’amélioration des produits laitiers de Pierre sur Haute, un premier décret légalise la première définition du produit. Modifiées en 1948 puis en 1953, les décrets définissent la méthode de fabrication et d’affinage. Ils autorisent 3 dénominations : « Fourme de Montbrison », « Fourme d’Ambert » et « Fourme de Pierre sur Haute ». Au niveau européen, la Fourme de Montbrison est aujourd’hui protégée par une Appellation d’Origine Protégée (A.O.P.). »
Fabrication de la Fourme de Montbrison.
Chaque Fourme nécessite 20 à 25 litres du lait de vache. Sa fabrication suit les étapes traditionnelles (voir Vidéo) : le travail en cuve, le moulage, l’égouttage, le salage, le piquage et l’affinage. Son bleu, au goût si original, naît du salage réalisé en cours de moulage. Sa belle croûte orangée se développe lorsque la fourme est couchée sur les chéneaux d’épicéa. Là, durant huit jours, les maîtres fromagers la retourne d’un quart de tour toutes les 12 heures. Ensuite, les Fourmes sont placées en cave d’affinage durant plusieurs semaines. Les affineurs les piquent avec de longues aiguilles afin d’encourager le développement des marbrures bleutées. »