Cher Alain Rousset,
Bordeaux n’est pas Rouen ; Aurélie Boullet alias Zoé Sheppard n’est pas Jeanne d’Arc, et vous bien sûr Président ne pouvez endosser les oripeaux de l’évêque Cochon. Je sais fort bien que « si Aliénor d’Aquitaine n’avait pas épousé Henri II et si la prise de Rouen en 1152 n’avait pas privé les anglais des vins d’Ile de France » le vignoble bordelais ne serait peut-être pas ce qu’il est mais de grâce, Monsieur le Président de la région Aquitaine laissez aux anglais, l’art du bûcher. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, l’offense ne vaut pas une telle vengeance, franchement mieux vaut en rire que d’en arriver à une telle extrémité.
Virer, ou même suspendre sans traitement pour deux ans, sans autre forme de procès que celui instruit par ses pairs, l’impertinente Aurélie Boullet alias Zoé Sheppard, ce serait vous couvrir d’un ridicule que vous ne méritez pas. Ayez du panache ! De la grandeur d’âme ! Prenez ça de haut ! Tancez l’impertinente ! Invitez-là à déjeuner ! Soyez beau joueur ! Faites comme Michel Rocard un jour à Conflans où Bedos publiquement dans un spectacle où il était présent l’avait durement raillé : applaudissez !
Pour mes lecteurs je dresse l’acte d’accusation : en commettant un tableau sans complaisance de son milieu de travail, votre Conseil Régional, Aurélie Boullet alias Zoé Sheppard dans son corrosif « Absolument dé-bor-dée ! » et en le publiant chez Albin Michel, cette fonctionnaire territoriale, trentenaire, fort bien diplômée, a selon vos procureurs pratiqué « un discours démagogique anti-fonctionnaire » qui met en péril (sic) la « crédibilité et l’honneur du personnel de la région »Bien sûr, 30 000 exemplaires c’est du lourd. Bien plus qu’une campagne de com du Conseil Régional.
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Certes l’acidulée plonge sa plume dans le vitriol lorsqu’elle évoque la cérémonie des vœux du Don – le Parrain de la Région – un buffet « dont le coup de la nourriture et en serveurs représente facilement le PIB du Gabon » ; son arrivée « engoncé dans un costume de créateur et son autosuffisance, il fend la foule en serrant le plus de mains possible et en affichant un sourire ultrabright destiné à inspirer confiance ; son discours bien sûr rédigé par les éminents cerveaux du cabinet qui ne passera pas dans les annales ; l’entame de ses vœux « l’année 2007 est particulière, car contrairement à 2008, année des municipales, elle n’est pas bissextile » dont elle dit qu’elle fut « étourdie par tant de profondeur ; et cerise sur le gâteau sa page Facebook où la fouineuse découvre des applications de grande utilité : Which Superhero are you ? « Le Don n’est rien de moins que Superman ! » et elle l’imagine « moulé dans un slip rouge par-dessus une paire de collants bleus. » Pour le s’il était un dessin animé : la réponse concoctée par ses communicants est la Belle au bois dormant ce qui fait dire à Monique, la copine de la donzelle persifleuse « Étrange, entre sa légitime, Barbara, et sa tripotée de maîtresses moins connues, j’ai toujours pensé qu’il était plutôt branché femmes. »
Pas gentil, gentil mais bon c’est la loi du genre très border line, très Desproges, et, sans appeler à la rescousse ma bonne amie Véronique, le côté homme à femmes, dans le plus pur style DSK, c’est plutôt porteur : les français adorent ça. Pour les discours, ayant pratiqué le peu valorisant travail de nègre dans ma vie de cabinet je n’ai jamais vu un homme politique rédiger ses discours. Donc, que vous fussiez un peu irrité, j’en conviens aisément, mais prendre ces égratignures bien bénignes avec distance et hauteur remettrait sans aucun doute cette charmante jeune femme à sa place en lui conférant le statut peu envié « de langue de vipère ». Cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt et faire oublier la part de vérité de ses écrits sur « un univers où incompétence rime avec flagornerie... » « Où les journées sont rythmées par des réunions où aucune décision n’est jamais prise, des rapports rédigés en 10 jours alors que 2 heures suffiraient, des pots de bienvenue, de départ d’anniversaire... »
Bref, même si les fonctionnaires constituent le cœur de votre électorat, je vous suggère pour couper court de faire effectuer un audit de fonctionnement de vos services par un cabinet indépendant. Ce serait rendre justice à ceux qui croient dans le bien-fondé du service public et à ceux de vos agents dont les mérites seraient enfin reconnus. Se contenter d’utiliser Aurélie alias Zoé comme bouc-émissaire me semble de bien mauvaise politique.
Vous allez me dire, de quoi je me mêle ?
De ce qui me regarde en tant que citoyen mais aussi en tant que salarié de l’État. Dans votre bonne ville de Bordeaux certains m’ont affublé du titre infâmant de « haut-fonctionnaire parisien » ce que ne suis pas n’étant ni haut, ni fonctionnaire, à la différence d’Aurélie.
Et pourtant, pendant 3 années j’ai eu la haute main sur la gestion des 30 000 fonctionnaires de tout grades et de corps différents, présidant en lieu et place du Ministre le CTPM (Comité Technique Paritaire Ministériel : l’équivalent du CE d’une entreprise), négociant avec les syndicats, discutant des tableaux d’avancement, des promotions, des nominations etc. je crois savoir de quoi je parle en matière de Fonction Publique. Critiquer le comportement de certains petits chefs ce n’est pas jeter l’opprobre sur tous les agents. D’ailleurs, dans les grands sièges sociaux du secteur privé, on retrouve les mêmes comportements. La bureaucratie est une réelle calamité et les responsables publics, en ces temps de vaches maigres, feraient bien de s’en préoccuper en se mettant les mains dans le cambouis de la réalité pour nous faciliter la vie au lieu de nous la compliquer.
Alors que faire me rétorquerez-vous ?
Avoir une explication de gravures entre 4 yeux avec la chroniqueuse « éreinteuse » sur le DGS qui utilise son bureau comme « garçonnière » et home cinéma, sur Monique qui se sert du téléphone pour ses conversations personnelles avec « une conscience professionnelle qui force l’admiration » et tout ce qui fait la vie de votre belle administration. L’un des reproches majeurs que font nos concitoyens au personnel politique c’est de vivre dans une bulle, loin des réalités du quotidien, alors voilà pour vous Monsieur le Président du Conseil Régional une belle occasion de leur prouver le contraire. Ce n’est pas déchoir que de se pencher sur la vie que vivent les gens de peu sous la férule d’une hiérarchie adjudantesque.
Quand à Aurélie vous pouvez lui conseiller, si elle si désespérée, de s’aérer, de bouger, de ne pas se complaire dans un si petit marigot, d’aller voir ailleurs, lui dire qu’elle n’est pas mariée avec le Conseil Régional... sans vouloir me mettre en avant, au cours des 20 premières années de ma vie professionnelle, je ne suis jamais resté plus de 3 ans dans la même fonction. Acquérir de l’expérience exige de se frotter à des métiers différents, à des gens différents : passer du cabinet de Michel Rocard au 78 rue de Varenne à la direction de l’établissement de la Société des Vins de France à Gennevilliers c’est plus qu’un grand écart, c’est sauter à pieds joints dans un autre monde, se frotter au peuple. Bien sûr, la machine à café, l’Internet et la cantine c’est plus fun mais un petit peu de baroud forme mieux la jeunesse que le confort d’un rond de cuir...
J’en reste là, monsieur le Président du Conseil Régional, en m’excusant auprès de vous d’avoir osé écrire ce que votre entourage n’a pas le courage de vous dire. Les courtisans sont lassant, les « emmerdeuses » aussi mais à mon sens mieux vaut un peu de poil à gratter que trop de pommade, certes ça irrite mais ça met en éveil...
Sans espérer, ni souhaiter une quelconque réponse à cette adresse, recevez, monsieur le Président, cher Alain Rousset, mes meilleures salutations.
Jacques Berthomeau chroniqueur indépendant et amateur de Pessac-Léognan