Au premier temps des vide-greniers, que j’écumais pour chiner des toiles, voisinaient sur des bâches épandues à même le sol ou sur des tables de campings tout et n’importe quoi mais aussi, parfois, de petites merveilles. Pour dégoter celles-ci, et faire de bonnes affaires, il fallait se lever aux aurores pour être, comme le disent les brocanteurs, au cul du camion.
Comparaison n’est jamais raison mais le brulot annoncé à grands coups de formules chocs (voir ci-dessous) après l’avoir lu me laisse le même sentiment d’un bric à brac savamment et complaisamment étalé où se mêlent l’accessoire et l’essentiel, l’anecdote érigée en cas général, l’approximation, les jugements péremptoires et sans appel, des choux et des navets, le petit bout de la lorgnette, les vrais et graves problèmes, les pinces-fesses, une forme bien contemporaine du tout commence avec moi…
Tout n’est pas bon à jeter dans ce livre, bien au contraire, tout y est, mais en vrac, sur le même plan, sans hiérarchisation et j'estime que le fond du sujet, les problèmes posés, méritaient mieux, beaucoup mieux que ce soi-disant brulot, qui ne révèle rien de très nouveau, toutes les informations étaient déjà sur la table, cette charge qui ne porte pas le fer, faute d’une analyse approfondie, là où il faut car elle ne s'en tient qu’à la surface des us et des coutumes d’un microcosme qui dispute l’arrogance à l’indécence.
C’est pour le grand public me rétorquera-t-on.
Je veux bien, mais ne suis pas sûr que ce soit lui qui lise ce livre et, même si, je ne suis pas certain qu’il s'y retrouve dans ce capharnaüm.
La France du vin ce n’est pas que ça et loin de là !
Ce n’est que mon avis et il n’engage que moi.
Je peux toutefois me permettre de le donner car sur les gros sujets qui fâchent je n’ai pas attendu la redoutable enquêteuse de la Fête de la Fleur et du dîner de la Jurade de Saint-Emilion réunis pour les mettre sur la table. Ma liste d'amis sur les terres citées tient sur un timbre-poste.
Le livre sortira en librairie le 6 mars.
Voilà comment il est présenté par l’éditeur Albin Michel link, y’a un petit côté wine-connexion versus Closer qui m’enchante :
« Sur les terroirs de la viticulture française, derrière les étiquettes prestigieuses de nos plus grands vins, se jour un impitoyable Dallas hexagonal avec ses rivalités, ses haines viscérales, ses intrigues et ses coups bas. Une tragi-comédie viticole sur fond d’argent roi, avec ses héros, ses mégalos et ses salauds. Mais chut… Le silence est de mise car les enjeux sont colossaux. Le vin, véritable or rouge, est devenu le pétrole moderne que s’arrachent à des prix indécents les gros industriels et les investisseurs asiatiques sous le regard bienveillant de nos services publics (sic).
Cette enquête inédite (re-sic) et approfondie (3 fois sic) dévoile pour la première fois (4 fois sic) la face cachée de nos vins (ndlr le prix du tonneau de Bordeaux). Un document choc qui révèle (5 fois sic) l’épopée de breuvages plombés par les pesticides, la spéculation folle qui a pris d’assaut nos vignes et nos vins (ndlr les GCC de Bordeaux c’est la France du vin), les mystères du classement des grands crus, et la cécité volontaire des autorités (ndlr ça va de soi, tous pourris). Un petit monde à la cruauté sans pareille, où tous les coups sont permis »
En définitive, ce que j’ai le plus aimé, j’ai beaucoup ri en les lisant, car c’est très révélateur de la méthode d’Isabelle Saporta, ce sont ses remerciements à ses sources.
« Je voudrais ici remercier tous ceux qui m’ont entrouvert la porte de cette principauté, qui m’ont introduite à la Cour, m’ont aidé à décrypter les us et coutumes de ce cénacle. Et sans qui je serais restée aux frontières du royaume. Des outsiders devenus des hommes et des femmes du milieu mais qui n’ont pas oublié la difficulté d’en être et ont conservé un regard amusé sur ce fief enchanté. Je pense notamment au consultant Stéphane Derenoncourt, ce chti austère au caractère bien trempé, ainsi qu’au bad boy de Saint-Emilion, Jean-Luc Thunevin, et à son épouse Murielle Andraud. Leurs éclairages ont été précieux.
Puis il y a ceux qui, au départ réticents, se sont laissés tentés par l’aventure ! Et qui se demandent aujourd’hui, un peu inquiets, le traitement qui leur a été réservé. C’est le cas de Michel Rolland, gourou des vins échaudé par le film de Jonathan Nossiter, du consultant Jean-Philippe Fort, de Pierre Lurton, le patron d’Yquem et de Cheval Blanc, de l’aristocrate pince-sans-rire Stephan von Neiperg, et des critiques James Suckling et Jean-Marc Quarin.
Il y a encore ceux qui ont répondu avec enthousiasme à mon appel, comme Hubert de Boüard ou Alain Reynaud, et qui désormais semblent le regretter un peu…
Il y a tous ceux que je ne peux citer, puisqu’ils m’ont fait promettre de taire leur identité, mais qui m’ont dévoilé les rouages du milieu et qui, telles d’imperturbables vigies, préfèrent rester dans l’ombre pour continuer leur ouvrage.
Il y a ceux qui ont osé briser la loi du silence et exposer, sans fard, les coutumes cachées du sérail, comme Dominique Tescher, vigneron paysan du plateau de Pomerol, et Pascal Chatonnet, patron du laboratoire Excell, ou encore le Bourguignon Dominique Derain.
Il y a tous ceux qui livrent bataille dans leur région et qui m’ont fait partager leur expérience et leur connaissance des dossiers : Pierre Carle et sa fille Lucile, Hubert Boidron, Sylvie Giraud, Aline Guichard…