Kiravi, une marque de jaja, de gros rouge qui tache, un vin du peuple en litron étoilé, une marque disparue comme le souligne le site de la SVF, qui en assume courageusement l'héritage " si les vins Kiravi ou Margnat, les plus grands de l'époque, appartiennent au passé... ", une marque brocardée, il suffit pour s'en persuader d'aller sur google et l'on y récolte un florilège impressionnant. Même les jeunes bloggeurs s'y réfèrent pour vanner, chambrer lorsqu'ils chatent. Sur un site consacré aux expressions populaires, un internaute, pour illustrer l'une d'elle bien connue " donner de la confiture à un cochon ", écrit : " il est inutile d'offrir une bouteille de Pommard 59 a celui qui n'apprécie pas le vin, un bon litron de Kiravi ou de Préfontaines suffira". Bref, dans l'imaginaire du grand public, ce vin, qui à sa grande époque était un assemblage de vins d'Oranie et de ceux du Languedoc, un produit naturel, non chaptalisé, en clair un vin de table, est synonyme de bidouille, de vacherie à l'état pur.
N'en déplaise aux pourfendeurs du vin de table, et sans nier bien sûr qu'à la fin de leurs vies, Kiravi et d'autres marques, sous l'effet du coupage économique, de la bataille sur les prix, soient devenues des réceptacles de produits inadaptés, mal fait et souvent d'une piètre qualité, ils réécrivent l'histoire. Ce vin là fait parti de notre histoire, il est le marqueur d'une époque, et le réduire à une vile boisson c'est céder à la tendance du temps qui est de tout expliquer à l'aune de nos certitudes du moment. Dans notre inconscient collectif, comme l'écrit Carmen Bertrand (1) " En France, au XIX ème siècle, l'ivrognerie fut surtout le vice des classes populaires et dangeureuses (...) Mais l'alcoolisme des bourgeois, celui que l'on nomme "mondain", et qui ne diffère guère du populaire quant aux effets physiologiques, a du mal a être repéré, tant l'image du prolétaire soûl est prégnante."
Pour les hygiénistes, ceux d'hier à juste raison, ceux d'aujourd'hui par facilité souvent, même si bien sûr le vin en tant que boisson alcoolisée peut être vecteur d'alcoolisme, le vin est encore diabolisé. Nous ne sommes plus au XIX, les Gervaise de Zola et les Ténardier ont disparu, le XX ème siècle a marqué dans les années 60-70 la grande rupture de la consommation massive du vin. Pour autant l'alcoolisme n'a pas disparu, il s'est transformé, adapté aux nouveaux malheurs du temps : solitude, stress, exclusion, peur de l'avenir, misère aussi... Il n'en reste pas moins vrai que " boire ensemble est un acte de réciprocité et de communion. Que ce soient les dieux, ou les hotes, la boisson réunit, l'espace d'une libation ou d'un banquet. On offre à l'autre ce qui est une partie de soi, son vin, sa goutte, ses paroles. Tout un système de régles et de gestes encadrent ce partage collectif." (2)
Tout l'enjeu de notre combat contre le sanitairement correct, les prohibitionnistes masqués, se situe dans ce boire ensemble. Et qui mieux que le vin, qu'il soit simple, populaire ou de haute lignée, est synonyme de convivialité ? A nous, plutôt que de pester contre ceux qui nous veulent du mal, de mettre nos belles intentions, nos belles paroles en pratique. Soyons simples, cessons de croire que des affiches sur les murs, des slogans ou je ne sais quelle campagne de pub va convaincre l'opinion publique de notre " utilité publique". Alors, lorsque de mon petit blog minable, avec mes amis de "Sans Interdit" nous lançons l'idée d'aller dans les villes, autour d'un pique-nique simple et sympathique, sans souci de vendre notre camelote, de chanter les louanges de notre terroir, de nos marques, pour aller vers les gens, leur parler, les écouter, les entendre, leur proposer s'ils le souhaitent de partager un soupçon de notre nectar pour faire passer leur cuisse de poulet ou leur tranche de jambon, nous ne sommes pas des extra-terrestres. Nous voulons labourer profond, prendre notre temps, remonter la pente.
Bien évidemment ce n'est pas de la Com préemballée, celle qui séduit les présidents et leurs directeurs. Nous voulons que ceux d'en bas se mobilisent, se prennent en main, aillent à la rencontre des gens. Que les rats des champs viennent se frotter aux rats des villes. Utopie, naïveté, peut-être, mais le bien vivre ensemble passe par des actes concrets. Alors, avec les moyens du bord le piknik-demonik2007@hotmail.fr verra le jour. Vous pouvez en être, parlez-en autour de vous, bougez-vous, venez nous rejoindre. A bientôt sur cette antenne pour des nouvelles de notre projet.
(1) et (2) Désirs d'Ivresse revue Autrement n°191 février 2000