Nouvelle pratique des jeunes, produit d'importation en provenance des pays autrefois non buveurs de vin, le binge-drinking (1) ou, dans le français que l'on cause aujourd'hui, se déchirer grave, consiste en fin de semaine à ingurgiter des doses d'alcool pour atteindre la limite et même la dépasser en sombrant dans des comas éthyliques. Envoyé spécial, l'émission de reportage de la 2, consacré à ce phénomène, a ému et inquiété beaucoup de mères ou de parents. Je n'ai pas vu l'émission mais je puis vous assurer qu'autour de moi, chez des personnes ne pratiquant pas un quelconque ostracisme à l'égard des boissons alcoolisées, le trouble était réel. D'autant plus que ces beuveries avaient pour cadre des soirées organisées par des associations d'étudiants. Certains me diront, puisque ça n'est pas avec du vin qu'ils le font ça ne nous concerne pas ou mieux ça renforce notre combat pour la consommation modérée de notre produit. A ceux-là, même s'ils ont en parti raison, je réponds : essayez donc ce type de réponse auprès de parents confrontés à ces pratiques ravageuses. Il tombe à plat. On ne s'appuie pas sur du négatif pour promouvoir une autre approche de consommation.
Ces jeunes, pour la plupart, sont majeurs, Bac plus quelquechose, et s'en tenir en guise de diagnostic au laxisme des parents ou au il faut que jeunesse se passe ou ils le font sous la pression des alcooliers ou aux explications sociologiques à la mort moi le noeud habituelles ne nous mènerait pas loin. Le phénomène existe et ses conséquences irréversibles sur l'avenir de ces jeunes doivent nous préoccuper. Comment ? En premier lieu, en tant que prescripteurs de boissons alcoolisées quelles qu'elles soient, en adoptant une attitude d'absolue responsabilité excluant toute bataille de parts de marché ou de pratiques d'incitation à la consommation immodérée sous le couvert de la teuf. En urgence, un code de bonne conduite doit être élaboré entre les associations d'étudiants, les producteurs et les distributeurs afin de tracer la ligne qu'on s'engage à ne pas dépasser et de définir les moyens pour être sans concession face aux dérives. Créer des consommateurs : oui, des alcooliques : non ! La marge est peut être étroite mais, n'en déplaise aux prohibitionnistes, elle est à l'image de la plupart des actes de notre vie : à risque.
En second lieu, certains diront que je radote, nous les gens du vin devons nous inscrire dans le combat de la civilité, de la convivialité, aider à recréer des liens, à produire comme nous l'avions écrit dans Cap 2010 " un peu de douceur dans ce monde de brutes ". Mais la convivialité ne se décrète pas, elle nait d'une alchimie à la fois simple et complexe, du regard porté sur l'autre, les autres, de notre capacité d'accueil, cette chaleur communicative, le quignon pain partagé, des trucs risibles dans nos sociétés dures toutes entières tournées vers la froide efficacité. Bref, bien plus que le combat pour la défense de notre produit contre ceux qui veulent, dit-on, le naufrager, attelons-nous à une tâche plus rude : redonner à nos concitoyens le goût de la responsabilité, du bien vivre ensemble et de la convivialité. En effet, et si c'était l'image de ce monde impitoyable que ces jeunes qui se déchirent grave voulaient exorciser à nous de montrer l'exemple d'une autre façon d'être citoyenne, ludique et porteuse d'un réel espoir d'un monde plus vivable.
(1) Pour plus d'informations sur le Binge-Drinking aller sur http://en.wikipedia.org/wiki/Binge_drinking http://news.bbc.co.uk/1/hi/health/3121440.stm