Nous atterrissons à l'heure, il fait nuit, deux heures de décalage avec Paris, l'aéroport de Cheremetevo n'est pas de la première jeunesse, il fait froid et des tas de neige sale bordent la chaussée. Irina nous pilote avec doigté sur une autoroute surchargée, la circulation est anarchique et les grosses cylindrées se mêlent à des tacots antiques et à un fort contingent de camions ; nous sommes sur la route de StPétersbourg le port qui alimente Moscou. Les néons multicolores des centres commerciaux crachent des noms d'enseignes connus : Métro, Ikea, Auchan... La publicité, elle aussi, est mondialisée : Nokia, Sony, Mercédès...
Ce soir, bal chez le gouverneur, je plaisante, nous nous rendons à une réception donné par l'ambassadeur de France avec l'Union des Grands Crus classés de Bordeaux. Nous sommes en retard et, malgré ses protestations, Irina nous accompagne en dépit de son jeans. La table de l'ambassadeur est très table d'ambassadeur, à côté de la plaque, et on s'ennuie ferme. Par bonheur, notre table, où nous retrouvons Jean-François et Maurice, est agréable. Les vins sont à la hauteur bien sûr et nous dînons Potel et Chabot.
Mardi, nous sortons de Moscou, direction Klin, à 60 km. Pyotr conduit son 4x4 à la russe, le cellulaire scotché à l'oreille. Circulation dense, police omniprésente. L'habitat est délabré mais de nouveaux lotissements poussent, colorés, sans plan d'occupation ; le foncier reste public. L'usine d'embouteillage en briques est bien tenue, les installations sont modernes. Le chef d'exploitation est un expatrié audois. La logistique en flux des vins venant de France, une administration lourde, des règlementations fiscales à géométrie variable : ha ! les bandelettes fiscales... Il faut avoir le moral. Pyotr et Irina sont philosophes, russes quoi ! Enfants de la l'ex nomenklatura, francophones, cultivés, ils me font toucher du doigt la Russie profonde. Passionnant.
Mercredi, bise glaciale, la Place rouge, les magasins Goum pour se réchauffer... Moscou explose sous le luxe. Tverskaïa oulitsa aligne les boutiques aux noms prestigieux. Les grosses BMW noires suivies de gros 4x4 noirs, vitres teintées, tracent une route impérieuse. Milices, mafias, prédateurs, l'économie est sauvage, tout est possible. Des types piccolent des bières dès le matin. Déjeuner au café Pushkin puis un grand tour dans Moscou avec Ilya : le Kremlin, l'ombre des hiérarques cacochymes et la main du nouveau tsar ; les hauteurs de Moscou : le mont des Oiseaux avec le bâtiment de 36 étages de l'université Lomosov, typique du style gothique stalinien ; le parc de la Victoire à la nuit tombée, un froid tranchant, les stèles de 1941 à 45 jusqu'à l'obélisque noire qui se détache sur un ciel plombé. Le seul rouge qui reste, ce sont les roulottes Coca Cola qui bordent l'allée monumentale. Retour au centre ville puis dîner chez JF, en famille.
Jeudi, crachin mi neige, ni glace, Moscou et ses bagnoles charrient une soupe noirâtre. Direction les magasins, voir l'offre vin dans les hyper, Auchan, un mur de bouteilles comme ici. La production locale est majoritaire mais les wines frenchies, avec leurs drapeaux tricolores autour du col, se détachent bien. En tête de gondoles, à côté d'un vin chilien Concha y Toro, nos deux leaders nationaux : Castel et Grands Chais sont présents. Le positionnement prix nous situe dans une bonne moyenne. Il est clair, que sur ce marché, une offre globale, qui allie volumes et flacons plus précieux peut séduire la nouvelle classe moyenne russe qui pousse son caddie. Sans vouloir radoter, la réponse de Cap 2010 est la seule à même de nous permettre d'occuper une place significative sur ces nouveaux marchés. Les russes aiment beaucoup les titres nobiliaires qui sont notre spécialité.
Retour in Paris, dans l'avion les nouveaux riches russes se la pètent grave. Le soleil nous accueille. La douane est très présente. Bon week end et, si vous le souhaitez, allez lire ma fiction samedi et dimanche sur ce petit espace de liberté...