Au risque de vous surprendre Bernard Magrez, sous sa carapace parfois rugueuse d’homme qui s’est fait tout seul, est un grand affectif. Cette sensibilité, bien nichée sous une belle prestance, il la préserve avec un soin jaloux de la suffisance des beaux esprits à la française, des héritiers, de tout ceux qui n’ont rien construit. Lui il fait, car c’est aussi un vrai instinctif qui pressent, qui sait être le premier au bon endroit au bon moment, analyse vite, hume la tendance, sait comme son modèle François Dalle, l’homme qui a fait l’Oréal, que « le lendemain cela se construit hier, et cela se construit le matin à 8 heures aussi » Comme il va toujours de l’avant, qu’il a toujours une faim primale, qu’il ne remet jamais au lendemain ce qu’il veut faire aujourd’hui, l’homme est exigeant, passionné, dur souvent – c’est lui qui le dit – avec son fils et sa fille, ses collaborateurs.
Dans mon petit bureau du 2ième étage, au 232 rue de Rivoli, Bernard Magrez est venu s’asseoir. Il sort de chez Michel Pons. Nous sommes en 2001, mon rapport fait grand bruit à Bordeaux, les grands chefs m’habillent pour l’hiver, je suis celui par qui le scandale arrive. Ce n’est pas pour déplaire à Bernard Magrez qui n’aime rien tant que bousculer l’establishment. Lui si avare de compliments me dit « que j’ai tout compris. » Moi je sais bien que le petit rapporteur que je suis n’a fait que mettre sous le nez des immobilistes patentés un simple instantané de nos forces et nos faiblesses face aux entreprises du Nouveau Monde. Lui qui, sur le socle de William Pitters, a su faire voisiner des marques comme Sidi Brahim, Malesan, avec Pape Clément, démontrant ainsi qu’en France tout pouvait être possible si l’on respecte le produit et ceux qui le consomment, l’avait compris depuis fort longtemps. À juste raison il doutait, et de la volonté des décideurs publics de pousser à des choix courageux, et de la capacité des dirigeants professionnels de sortir du déni de réalité.
Depuis Bernard Magrez a pris un grand virage, sa quête est celle des terroirs d’exception où il applique son perfectionnisme « pour moi on ne fait jamais assez bien ». Il veut ainsi répondre par une offre diversifiée à l’éclectisme de l’amateur de vin. L’étonner aussi. Depuis toujours Bernard Magrez considère le vin comme un objet de satisfaction et de statut. Il assume sans complexe tous les codes de l’univers du luxe. Pour autant, lui qui considère Michel Rolland comme un génie, le seul avec Parker à avoir à ses yeux un goût infaillible, considère que « le génie du vin c’est le terroir ». Moi j’aime les gens qui dérangent, qui ont des angles, et j’avoue que, même si bien des choses nous séparent, j’ai de l’affection pour Bernard Magrez.
Je le remercie donc d’avoir accepté de répondre au questionnaire de Proust. Il le fait, comme vous pourrez le constater, à la Bernard Magrez
Votre vertu préférée : La rigueur
Vos qualités préférées chez l'homme : Vivre debout
Vos qualités préférées chez la femme : La franchise
Votre occupation favorite : Le travail
Votre caractéristique maîtresse : Jamais renoncer
Votre idée du bonheur : Etre libre
Votre idée du malheur : Subir sans ne rien pouvoir faire
Vos couleurs et votre fleur préférées : Le rouge et le vert, le lys
Si vous n'étiez pas vous-même, qui voudriez-vous être ? : Un homme qui réussit tout ce qu’il entreprend
Où aimeriez-vous vivre ? : A Bordeaux
Vos auteurs préférés en prose : Sénèque
Vos poètes préférés : La Fontaine, Verlaine
Vos peintres et compositeurs préférés : Buffet, Mozart
Vos héros préférés dans la vie réelle : François Pinault
Vos héroïnes préférées dans la vie réelle : La Vierge Marie
Vos héros préférés dans la fiction : /
Vos héroïnes préférées dans la fiction : /
Votre mets et votre boisson : Une Côte de bœuf avec du Château Pape Clément qui, grâce à son terroir, produit un vin d’une sublime délicatesse et le Château Haut-Marbuzet car c'est un très grand Médoc.
Vos prénoms préférés : Paul (car Saint Paul)
Votre bête noire : Ceux qui travestissent la vérité
Quels personnages historiques méprisez-vous ? : De Gaulle
Quel est votre état d'esprit présent ? : Indestructible
Pour quelle faute avez-vous le plus d'indulgence ? : Une faiblesse très momentanée
Votre devise préférée : Jamais renoncer