« Fatiguer la salade » j’adore cette expression, par ailleurs définie dans la Robert Culturel : comme étant l’action de « la remuer pour y mêler l’assaisonnement » (1845), tout d’abord parce que je la trouve bien plus belle que « mélanger sa salade » ou « touiller sa salade », mais surtout parce qu’elle transpire d’une chaude sensualité.
La salade est le légume préféré des français (la tomate est n°1 mais c’est un fruit même si elle est souvent considérée comme un légume eut égard à ce qu’elle n’est pas accrochée à un arbre) « Représentée sur des tombes égyptiennes dès 4 500 avant notre ère, la laitue appartient à la culture méditerranéenne. Moïse lui-même ne recommandait-il pas d'en entourer l'agneau pascal, afin de rappeler aux fidèles l'amertume de l'exil ! Elle gagne la France à la fin du XIVème siècle, puis toute l'Europe du Nord » La France, troisième producteur européen, récolte 385 000 tonnes de laitues (la batavia, la romaine ou la feuille de chêne sont des laitues), auxquelles ont peut ajouter 134 000 tonnes de chicorée et 20 000 de mâche. 275 variétés sont recensées en France et 1592 variétés européennes sont autorisées à la vente.
Pour ma part, je penche pour des variétés plus confidentielles : le pourpier, le cresson et surtout le pissenlit. Le pissenlit est le mal-aimé des jardiniers car il colonise leurs carrés bien ordonnés. Pourtant il n’a que des atouts : ses fleurs et ses feuilles sont comestibles, sa racine est médicinale et ses fleurs ont des vertus cosmétiques. Les feuilles de pissenlit sauvage sont un peu amères et coriaces mais on en trouve des plus tendres, les pissenlits blancs, chez les marchands de légumes. Bref, j’adore manger du pissenlit avec une bonne omelette de saison.
Qu’est-ce donc une omelette de saison ? Tout bêtement une omelette dans laquelle on incorpore des champignons à la période des champignons ; de la ratatouille à la saison des légumes qui la composent ; des oignons frais ou des patates nouvelles ou du brocciu ou du lard tout juste sorti du cochon…
Revenons à la salade de pissenlit et surtout à sa sauce – je préfère employer ce terme plutôt que celui de vinaigrette qui sonne maintenant mixture industrielle – dont l’équilibre est primordial pour donner le bon choc à la salade sans pour autant l’anesthésier. Pour ne chagriner personne, surtout les fans de l’huile d’olive, je laisse le spectre du choix de l’huile grand ouvert. En revanche pour le vinaigre je me mouille en vous recommandant le Vinaigre de Banyuls. Celui-ci, contrairement à ses cousins des « vins secs » est fait, comme sa provenance l’indique, à partir d’un VDN et la piqure qui va transformer le vin doux : bactérie lactique est différente de celle qui le fait pour le vin sec : bactérie acétique. Comme dirait l’autre il faut « à ses petites bêtes » d’abord bouffer du sucre. Ce n’est pas facile, il faut du temps pour obtenir un vinaigre qui garde les caractéristiques du Banyuls originel. L’élevage se fait en barriques et en foudres. Je crois qu’il faut au moins 5 ans pour faire un vrai vinaigre de Banyuls.
Moi mon truc pour la sauce c’est de déposer dans le fond du saladier une petite cuillérée de vraie moutarde de Dijon, de la délayer avec le vinaigre puis de monter doucement avec l’huile, ça lui donne une onctuosité qui perle la salade lorsqu’on la fatigue. Bien sûr ne pas oublier de moudre du sel et du poivre sur les bords du saladier pour qu’ils adhèrent bien aux parois. Dernier détail, mon père, grand amateur d’ail, ajoutait un crouton frictionné d’une gousse à son pissenlit.
Comme l’origine de cette chronique provient de la découverte sur les rayons de la Grande Epicerie du Bon Marché d’une offre de Vinaigre de Banyuls je vous cite les 2 références : www.clos-de-paulilles.com 10,26 euros 50 cl et www.lavinaigrerie.com 17,60 euros 50 cl . Bien sûr, beaucoup de grands noms de Banyuls font du vinaigre je ne les citerai pas de peur d’en oublier.